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19/10/2017 | FRANCE | N°16NC00543

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2017, 16NC00543


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Schaffner EMC a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la restitution de la somme de 248 342 euros représentative d'acomptes provisionnels excédentaires d'impôt sur les sociétés versés au Trésor public au titre des exercices clos en 2009 et 2010, cette somme étant majorée des intérêts moratoires.

Par une ordonnance n° 1502780 du 25 janvier 2016, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce

tte demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Schaffner EMC a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la restitution de la somme de 248 342 euros représentative d'acomptes provisionnels excédentaires d'impôt sur les sociétés versés au Trésor public au titre des exercices clos en 2009 et 2010, cette somme étant majorée des intérêts moratoires.

Par une ordonnance n° 1502780 du 25 janvier 2016, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 5 octobre 2016, la SAS Schaffner EMC, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de prononcer cette restitution ou, subsidiairement, de condamner l'État à lui payer une indemnité de 248 342 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette non restitution, cette indemnité étant assortie des intérêts de retard au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que sa réclamation a été rejetée comme tardive ;

- l'administration devait lui restituer les sommes litigieuses dans le délai de trente jours qui a suivi le dépôt de ses relevés de solde ;

- en tout état de cause, elle pouvait demander, dans les conditions du droit commun, une telle restitution dès lors que ses créances n'étaient pas atteintes par la prescription quadriennale des créances détenues sur l'Etat prévue par la loi n° 1968-1250 du 31 décembre 1968.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par lettres du 21 septembre 2017, la cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 1968-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre,

- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.

1. Considérant que la SAS Schaffner EMC a procédé, pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2008, au versement de quatre acomptes pour un montant total de 329 559 euros ; qu'elle a également versé, à titre d'acomptes, pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2009, une somme de 133 018 euros ; que, le 24 novembre 2014, la société a demandé à l'administration fiscale la restitution de ces sommes déduction faite d'une somme de 42 847 euros imputée pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des résultats de l'exercice clos en 2010 soit 248 342 euros au motif qu'il s'agissait d'acomptes excédentaires ; que le 18 mars 2015, l'administration fiscale a rejeté cette demande au motif qu'elle était présentée au-delà des délais impartis par les articles R. 196-1 et suivants du livre des procédures fiscales ; que la SAS Schaffner EMC a accusé réception de cette décision le 25 mars 2015 avant de saisir le tribunal administratif de Strasbourg, le 22 mai 2015, d'une demande tendant à la restitution de la somme de 248 342 euros ; que par ordonnance du 25 janvier 2016, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté cette demande comme manifestement irrecevable dès lors que la réclamation contentieuse de la contribuable avait été présentée tardivement à l'administration fiscale au-delà du délai de réclamation général prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que la société requérante relève appel de cette ordonnance et demande à la cour de prononcer cette restitution, assortie des intérêts de retard au taux légal, ou subsidiairement, de condamner l'État à lui payer une indemnité de 248 342 euros en réparation du préjudice subi du fait de ce refus de restitution ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1668 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. L'impôt sur les sociétés donne lieu au versement, au comptable de la direction générale des impôts, d'acomptes trimestriels déterminés à partir des résultats du dernier exercice clos (...) Les paiements doivent être effectués au plus tard les 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre de chaque année (...) 2. Il est procédé à une liquidation de l'impôt dû à raison des résultats de la période d'imposition mentionnée par la déclaration prévue au 1 de l'article 223. S'il résulte de cette liquidation un complément d'impôt, il est acquitté lors du dépôt du relevé de solde au plus tard le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l'exercice ou, si aucun exercice n'est clos en cours d'année, le 15 mai de l'année suivante. Si la liquidation fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l'impôt dû, l'excédent, défalcation faite des autres impôts directs dus par l'entreprise, est restitué dans les trente jours de la date de dépôt du relevé de solde (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ou d'un excédent de taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre d'une période donnée, même lorsque ces erreurs n'entraînent pas la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire. Les réclamations peuvent être présentées à compter de la réception de la réponse aux observations du contribuable mentionnée à l'article L. 57, ou à compter d'un délai de 30 jours après la notification prévue à l'article L. 76 ou, en cas de saisine de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à compter de la notification de l'avis rendu par cette commission (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190. Toutefois, dans les cas suivants, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : a) De la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment ; b) Au cours de laquelle les retenues à la source et les prélèvements ont été opérés s'il s'agit de contestations relatives à l'application de ces retenues ; c) Au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi. " ; qu'aux termes de l'article L. 281 dudit livre : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt (...) " ; qu'aux termes, enfin, de l'article 1er de la loi n° 1968-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dans sa rédaction applicable au litige : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ; qu'aux termes de l'article 2 : " La prescription est interrompue par : (...) Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée " ;

3. Considérant que si la SAS Schaffner EMC soutient que la somme de 248 342 euros devait lui être automatiquement restituée dans le délai de trente jours, qui aurait commencé à courir à compter des dates auxquelles elle aurait déposé ses relevés de solde, conformément aux dispositions précitées de l'article 1668 du code général des impôts, elle ne justifie cependant pas, alors que l'administration le conteste, de la réalité de ces dépôts ; qu'elle ne peut, dès lors, bénéficier du droit de se voir restituer, selon les modalités prévues à l'article 1668 du code général des impôts, l'excédent d'impôt versé à hauteur de 248 342 euros ;

4. Considérant que la SAS Schaffner EMC conservait néanmoins une créance sur l'État dont elle pouvait demander la restitution dans les conditions de droit commun ; qu'une telle action, qui ne tend pas à contester la légalité de l'imposition, n'est pas au nombre des réclamations prévues à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales concernant le contentieux de l'établissement de l'impôt ; qu'en l'absence de poursuites, cette action ne relève pas davantage du contentieux du recouvrement de l'impôt ; qu'en revanche, il appartient au contribuable, dans le délai de prescription quadriennale prévu par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics de présenter cette demande de restitution, qui ne relève pas du contentieux fiscal au sens des articles L. 190 et L. 281 du livre des procédures fiscales, devant le juge de plein contentieux ;

5. Considérant que compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la demande de restitution de la SAS Schaffner EMC n'avait pas à être présentée dans le délai de réclamation général prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que la société requérante est, en conséquence, fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande en restitution comme manifestement irrecevable au motif qu'elle avait été présentée au-delà de ce délai de réclamation ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'ordonnance attaquée, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la SAS Schaffner EMC ;

6. Considérant que l'action engagée par la SAS Schaffner EMC tend uniquement à obtenir la restitution d'acomptes excédant le montant des droits d'impôt sur les sociétés ; que l'existence de la créance globale de 248 342 euros dont la société demande ainsi la restitution n'est pas contestée par l'administration ; qu'il s'ensuit que cette créance entre dans le champ d'application de la loi n° 1968-1250 du 31 décembre 1968 ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les créances de la SAS Schaffner EMC ont été acquises les 15 janvier 2009 et 15 janvier 2010, dates auxquelles la société devait, pour liquider l'impôt, déposer ses relevés de solde ; que la créance détenue par la SAS Schaffner EMC à raison de l'existence du versement d'un acompte excédentaire pour paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2009 n'était pas prescrite le 24 novembre 2014 ; que la créance détenue par la société à raison de l'existence du versement d'un acompte excédentaire pour paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2008 ne l'était pas davantage dès lors que l'imputation, au début de l'année 2011, par l'administration, de la somme de 42 847 euros pour paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2010 a interrompu le délai de prescription ; qu'il s'ensuit que la SAS Schaffner EMC est fondée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle n'établit pas avoir procédé au dépôt des relevés de solde, à demander la restitution de la somme de 248 342 euros ; que, par suite, il y a lieu de prononcer cette restitution, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2014 ; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de statuer sur les conclusions indemnitaires de la requête présentées à titre subsidiaire ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'État, qui est la partie perdante, dans la présente instance, le versement à la SAS Schaffner EMC de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 25 janvier 2016 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.

Article 2 : L'État restituera à la SAS Schaffner EMC la somme de 248 342 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2014.

Article 3 : L'État versera à la SAS Schaffner EMC une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Schaffner EMC et au ministre de l'action et des comptes publics.

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N° 16NC00543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00543
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt - Questions diverses.

Procédure - Diverses sortes de recours - Recours de plein contentieux.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL SCHILTIGHEIM

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-19;16nc00543 ?
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