Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... E...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 28 mars 2014 par laquelle le maire de la commune de Rupt-sur-Moselle a refusé de rétablir la circulation sur un chemin rural.
Par un jugement n° 1402107 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 juillet 2016, le 29 juin 2017 et le 14 septembre 2017, M. et MmeE..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 mai 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 28 mars 2014 du maire de la commune de Rupt-sur-Moselle ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Rupt-sur-Moselle de rétablir la libre circulation sur le chemin rural dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Rupt-sur-Moselle le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont fondé leur décision sur la désaffectation du chemin rural alors qu'une telle situation n'a jamais été évoquée pendant les débats et n'a pas fait l'objet de la part du tribunal d'un moyen relevé d'office en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative et du principe du contradictoire de l'article L. 5 du code de justice administrative ;
- les premiers juges n'avaient pas à apprécier si la voie en litige était ou non un chemin rural dès lors que sa qualité de chemin rural n'était pas contestée et résultait des pièces produites ;
- il est sans intérêt de justifier d'actes d'entretien de la voie pour établir la qualification de cette dernière dès lors qu'elle est mentionnée par les documents cadastrés comme chemin rural alors que c'est précisément l'absence d'actes d'entretien ou de surveillance qui est la cause de leur préjudice ;
- l'existence irrégulière d'un obstacle à la circulation qui empêche l'utilisation d'un chemin rural, ne saurait entraîner sa désaffectation mais révèle une carence fautive du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police alors que ce chemin constitue la seule voie d'accès à leur parcelle qui se trouve ainsi enclavée ;
- aucune prescription trentenaire ne saurait être utilement invoquée par la commune ;
- la décision contestée est entachée d'un détournement de pouvoir s'inscrivant dans les tracasseries administratives dont ils font l'objet depuis l'introduction de leur demande de rétablissement de la libre circulation sur le chemin rural.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2016, la commune de Rupt-sur-Moselle, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour M. et Mme E...ainsi que celles de Me D... pour la commune de Rupt-sur-Moselle.
1. Considérant que M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 28 mars 2014 par laquelle le maire de la commune de Rupt-sur-Moselle a refusé de rétablir la circulation sur un chemin rural ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que l'article L. 5 du code de justice administrative prévoit que " l'instruction des affaires est contradictoire " ; qu'aux termes de l'article R. 611-7 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que la décision du maire de la commune de Rupt-sur-Moselle du 28 mars 2014, contestée par M. et MmeE..., mentionne expressément dans les motifs de rejet de leur demande que " le chemin rural (...) est désaffecté depuis plusieurs dizaines d'années et n'est donc pas dévolu à la circulation publique " ; que dans ses écritures de première instance, la commune a d'ailleurs fait valoir, au soutien de ce motif, que le chemin n'était plus utilisé depuis environ cinquante ans ; qu'ainsi, les premiers juges, en fondant leur jugement sur le motif tiré de l'absence d'affectation du chemin à l'usage du public, n'ont pas soulevé d'office un moyen, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeE... ; que ces derniers ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que le tribunal aurait méconnu les dispositions précitées des articles L. 5 et R. 611-7 du code de justice administrative en omettant de communiquer aux parties un moyen relevé d'office ;
Sur la légalité de la décision du 28 mars 2014 :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs " ; qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune " ; qu'aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée " ; qu'un seul des éléments indicatifs figurant à l'article L. 161-2 du code rural permet de retenir la présomption d'affectation à l'usage du public ; que l'article L. 161-3 de ce code dispose : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé " ; que l'article L. 161-5 du même code prévoit que : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux " ; qu'aux termes de l'article D. 161-11 de ce code : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence. / Les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction et sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre lui " ;
5. Considérant que M. et Mme E...sont propriétaires de plusieurs parcelles sur le territoire de la commune de Rupt-sur-Moselle, dont une parcelle cadastrée section AW n° 242, sur laquelle est implanté un bâtiment à usage agricole où ils exploitent un élevage canin ; qu'ils ont, par une lettre du 13 février 2014, mis en demeure le maire de la commune de faire usage de ses pouvoirs de police afin de rétablir la libre circulation sur un chemin rural qui, selon eux, leur permettait d'accéder à cette parcelle et dont l'accès est obstrué par l'existence d'un appentis qui y a été édifié par un particulier ; que par une décision du 28 mars 2014, le maire de la commune a refusé de faire droit à cette demande ;
6. Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que la voie en litige n'a fait l'objet d'aucun acte réitéré de surveillance ou de voirie de la part de l'autorité municipale ;
7. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'appentis construit par M. T. était déjà implanté sur la voie en litige à la date à laquelle les époux E...ont acquis, auprès de la commune, la parcelle cadastrée section AW n° 242, lieu de leur exploitation, en 2005 ; qu'ils reconnaissent d'ailleurs eux-mêmes que depuis cette date, ils accèdent à cette dernière non par la voie contestée mais par un " raccourci " dont il est établi qu'il constitue en réalité l'accès à la réalisation duquel étaient subordonnées non seulement la vente du terrain mais aussi la délivrance du permis de construire qu'ils ont obtenu pour leur bâtiment d'exploitation ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la voie en litige serait utilisée par des piétons ou des véhicules, les requérants n'établissant, en particulier, par aucune pièce que tel était notamment le cas avant l'édification de l'appentis ; qu'enfin, il n'est pas allégué que cette voie serait inscrite au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ; que, par suite, elle ne saurait être regardée comme voie de passage ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date de la décision contestée, la voie en litige qui n'est pas affectée à l'usage du public au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime, ne saurait être qualifiée de chemin rural, alors même que cette mention figure au cadastre, cette circonstance étant sans incidence sur la réalité de la désaffectation d'un chemin, qui ne résulte que d'un état de fait ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le maire a méconnu ses obligations en refusant de faire usage de ses pouvoirs de police afin de rétablir la libre circulation sur ce chemin doit être écarté ;
9. Considérant, en second lieu, que si M. et Mme E...soutiennent qu'ils sont victimes de " tracasseries administratives " à la suite de l'introduction de leur demande devant les premiers juges et que le maire de la commune chercherait à préserver la construction illicite de l'appentis de M. A..., qui serait un de ses colistiers, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. et MmeE..., qui sont parties perdantes, le versement à la commune de Rupt-sur-Moselle d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme E...verseront à la commune de Rupt-sur-Moselle une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... E...et à la commune de Rupt-sur-Moselle.
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N° 16NC01443