La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2017 | FRANCE | N°16NC02219

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2017, 16NC02219


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...et Mme C...A...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 29 janvier 2016 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Par un jugement n° 161520, 161521 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête enregistrée le 4 octobre 2016, M. et MmeE..., représentés par Me B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...et Mme C...A...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 29 janvier 2016 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Par un jugement n° 161520, 161521 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 octobre 2016, M. et MmeE..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juin 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Moselle du 29 janvier 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de leur délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, que :

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire, que :

- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant à tort lié par le délai d'un mois énoncé au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, que :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2017, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. et MmeE..., ressortissants albanais, nés respectivement en 1987 et en 1988, seraient irrégulièrement entrés en France le 8 juillet 2013, selon leurs déclarations ; qu'ils ont sollicité le statut de réfugié qui leur a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 janvier 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 janvier 2015 ; que, par arrêtés du 18 mars 2015, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français ; que, le 28 mai 2015, les requérants ont sollicité le réexamen de leurs demandes d'asile ; que leurs demandes ont été rejetées par l'OFPRA le 12 juin 2015 et par la CNDA le 6 janvier 2016 ; que, par courrier du 3 juin 2015, Mme E... a sollicité son admission au séjour pour raisons de santé ; que, par arrêtés du 29 janvier 2016, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination ; que M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur les décisions de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes des décisions en litige que le préfet se serait cru, à tort, en situation de compétence liée par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;

4. Considérant, en cinquième lieu, que Mme E...soutient qu'elle souffre d'un état anxio-dépressif et d'un syndrome de stress post-traumatique ; que par un avis du 10 novembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que les certificats médicaux produits par l'intéressée et notamment ceux d'un psychiatre, ne comportent pas d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine quant aux conséquences du défaut de prise en charge médicale sur son état de santé ; que le courriel du laboratoire TEVA, relatif à la non commercialisation de la molécule Alprazolam en Albanie, n'écarte pas la possibilité que d'autres laboratoires commercialisent le principe actif de ce médicament ou qu'un traitement équivalent serait commercialisé en Albanie ; que par ailleurs, devant les juges de première instance, le préfet de la Moselle justifie de la disponibilité de ce médicament en Albanie ; qu'en outre, si les requérants font état d'un rapport établi par le service de santé mentale Ulysse, qui souligne l'importance du lien entre le patient et son thérapeute, et de statistiques de l'Organisation mondiale de la santé relatives au nombre de psychiatres, ces documents d'ordre général ne sont pas de nature à contredire l'appréciation du préfet sur l'existence d'un traitement approprié en Albanie ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour doit être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

7. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 4 et en l'absence de tout autre élément, que les appelants ne justifient pas que le défaut de prise en charge de l'état de santé de Mme E... aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait pas bénéficier de soins adaptés dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes des décisions en litige que le préfet de la Moselle se soit cru à tort lié par un délai de départ volontaire de trente jours, alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les intéressés auraient fait état devant l'administration, lors du dépôt de leur demande de titre de séjour ou, à tout le moins, avant l'édiction des décisions en litige, de circonstances particulières, propres à justifier une prolongation de ce délai de départ volontaire ;

9. Considérant, en second lieu, que les appelants en se bornant à soutenir sans plus de précision que le suivi psychothérapique de Mme E...ne saurait être interrompu brutalement, n'établissent pas que le préfet de la Moselle, en ne leur accordant pas un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire français, aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les décisions fixant le pays de destination :

10. Considérant, en premier lieu, que les décisions en litige comportent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que par suite, les décisions sont suffisamment motivées ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que M. et Mme E...soutiennent qu'ils encourent des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Albanie en raison d'une vendetta et de l'état de santé fragile de MmeE... ; que, toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 4, Mme E... ne justifie pas que le défaut de prise en charge de son état de santé aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Albanie ; qu'en outre, les requérants n'établissent pas, par des pièces suffisamment probantes, le risque qu'ils allèguent encourir dans leur pays d'origine ; que, par suite, et alors au demeurant que leurs demandes d'asile ont été rejetées en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 6 janvier 2016, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande en annulation ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E..., à Mme C...A...épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

4

N° 16NC001502219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02219
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-09-28;16nc02219 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award