Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 3 juin 2013 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a autorisé la commune de Meistratzheim à résilier le bail rural qu'elle lui avait consenti sur des parcelles d'une surface de 112, 25 ares situées au lieu-dit "Im Richen", ainsi que le rejet du 1er octobre 2013 de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1305352 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif a annulé la décision du 1er octobre 2013 et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 mars, 20 juillet, 8 août et 9 décembre 2016 M.D..., représenté par Mes Amiet et Graff, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a rejeté ses conclusions ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Bas-Rhin du 3 juin 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en ce qui concerne la procédure de première instance, ainsi qu'une somme de 3 000 euros en ce qui concerne l'appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il maintient les moyens développés en première instance dont la cour est saisie de plein droit par l'effet dévolutif de l'appel sans qu'il soit nécessaire de les reprendre expressément ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le maire avait été habilité par le conseil municipal à solliciter la résiliation des baux ruraux en litige, dès lors qu'après l'annulation par le tribunal administratif d'une première autorisation du 17 mars 2011 qui était réputée n'être jamais intervenue, le préfet ne pouvait être regardé comme saisi de la première demande du maire du 17 novembre 2010 ; dès lors, le conseil municipal était tenu de se prononcer à nouveau avant que le maire ne présente sa nouvelle demande au préfet ;
- le silence gardé pendant quatre mois après le jugement d'annulation du tribunal administratif du 11 octobre 2012 a fait naitre une décision implicite de rejet le 12 février 2013, avant que le maire ne présente sa nouvelle demande le 20 février 2013 ; en conséquence, pour cette raison également, le maire devait être à nouveau habilité par le conseil municipal avant de présenter une nouvelle demande au préfet ;
- le préfet était tenu de délivrer à M. D...une copie de la demande d'autorisation et des pièces annexées avant de prendre la décision contestée ;
- la décision porte atteinte à l'équilibre économique de son exploitation en ce qu'elle conduit à une perte annuelle de revenus de 25 000 euros qui constitue une part importante de ses revenus sans qu'il soit démontré que ce chiffre est exagéré compte tenu des cultures qu'il pratique et des surfaces exploitées ; il ne peut déplacer ses cultures sur une autre parcelle en raison de l'implantation d'une système d'arrosage automatique sur les parcelles litigieuses.
Par des mémoires en défense enregistrés les 13 juin et 26 juillet 2016, la commune de Meistratzheim, représentée par Me A...conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. D...une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les droits de la défense ont été respectés ;
- le maire a bien été habilité à agir par le conseil municipal et subsidiairement le premier jugement d'annulation du tribunal administratif ne l'avait pas privé de la précédente habilitation ;
- la mesure est justifiée par un projet d'urbanisme réel, dont M. D...était informé ;
- la résiliation ne porte pas atteinte à l'équilibre de l'exploitation ;
- l'illégalité de la décision du 1er octobre 2013 est sans influence sur le litige.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;
- le maire n'avait pas besoin d'une nouvelle habilitation de la part du conseil municipal alors que le préfet restait saisi de la première demande de la commune après l'annulation prononcée par le tribunal administratif, la confirmation de la demande n'ayant pour effet que de faire courir le délai de naissance d'une décision implicite ;
- l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime n'est pas méconnu, dès lors que la mesure ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur, qui ne peut assimiler ses recettes à son bénéfice agricole, qui cultive des fraises sur d'autres surfaces que celles en litige, ces surfaces représentant une faible partie des terres qu'il exploite, M. D... tentant d'ailleurs de renverser la charge de la preuve qui lui incombe ;
- le changement de destination des terres en litige, prévu par la commune, entre dans le champ d'application de l'article L. 411-32.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M.D..., ainsi que celles de Me A..., pour la commune de Meistratzheim.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 3 juin 2013, le préfet du Bas-Rhin a, en application de l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime, autorisé la commune de Meistratzheim, représentée par son maire, à résilier le bail consenti à M.D..., exploitant agricole, sur les parcelles situées au lieu-dit "Im Richen", cadastrées section 18 n° 257a, 257b, 258, 259, 260, 261, 262 et en partie sur la parcelle n° 256 pour une surface totale de 112,25 ares. M. D... interjette appel du jugement du 21 janvier 2016 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée en application des dispositions d'un plan d'urbanisme ou d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé. Dans ce dernier cas, la résiliation n'est possible que dans les zones urbaines définies par le plan d'occupation des sols. / En l'absence d'un plan d'urbanisme ou d'un plan d'occupation des sols, ou, lorsqu'existe un plan d'occupation des sols, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, la résiliation ne peut être exercée, à tout moment sur les parcelles en vue d'un changement de la destination agricole de celles-ci, qu'avec l'autorisation du préfet du département, donnée après avis de la commission consultative des baux ruraux. La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire ".
3. En premier lieu, M. D...fait valoir que le conseil municipal de Meistratzheim n'avait pas habilité le maire à présenter la demande du 20 février 2013 demandant au préfet du Bas-Rhin l'autorisation de résilier son bail.
4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le maire, habilité par délibération du conseil municipal du 28 octobre 2010, avait déjà, le 17 novembre 2010, saisi le préfet d'une telle demande et que la décision du 17 mars 2011 par laquelle le préfet avait accordé l'autorisation a été annulée par un jugement définitif du tribunal administratif de Strasbourg du 11 octobre 2012. Ainsi, à la suite de cette annulation, le préfet était à nouveau saisi de la demande initiale présentée par le maire de Meistratzheim. En conséquence, celui-ci n'avait pas à présenter de nouvelle demande, ni à solliciter une nouvelle habilitation de la part du conseil municipal. La circonstance que le maire a confirmé sa demande d'autorisation le 20 février 2013 et que le conseil municipal a autorisé le maire à le faire ultérieurement, le 21 mars 2013, est sans incidence sur la solution du litige, dès lors que la confirmation de sa demande par le maire avait pour seul effet de faire courir le délai de naissance d'une décision implicite et que le préfet a délivré à la commune une autorisation explicite avant l'expiration de ce délai. Par suite, le moyen ne peut être accueilli.
5. En deuxième lieu, M. D...fait valoir qu'en raison de l'annulation de la décision du 17 mars 2011 par le tribunal administratif, cette décision est réputée n'être jamais intervenue et que le préfet doit donc être regardé comme ayant opposé à la commune une décision implicite de rejet, née du silence gardé par l'administration durant quatre mois à compter de la demande du 17 novembre 2010. Toutefois, une annulation contentieuse saisit seulement à nouveau l'administration de la demande initiale et ne saurait faire naître une décision tacite.
6. En troisième lieu, M. D...soutient, comme en première instance, que le principe du contradictoire a été méconnu, ainsi que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, en ce que le préfet ne lui a pas communiqué, avant de statuer, la demande d'autorisation présentée par la commune, ainsi que les pièces qui y étaient jointes.
7. L'autorisation prévue par les dispositions de l'article L. 411-32 du code rural et de la pêche maritime a pour effet de priver le preneur du droit d'exploiter les parcelles dont le bailleur entend changer la destination. Avant de la délivrer, il appartient au préfet de s'assurer que la résiliation du bail ne porte pas une atteinte excessive à la situation du preneur. Conformément au principe général des droits de la défense, la décision ne peut légalement intervenir sans que le preneur ait été mis en mesure de présenter ses observations. En revanche, elle n'entre dans aucune des catégories de décisions qui doivent être motivées en application de la loi susvisée du 11 juillet 1979, et notamment pas dans celle, mentionnée à l'article 2 de cette loi, des décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement (CE 11 juillet 2008 n° 310624).
8. Dès lors que la décision contestée ne fait pas partie de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979, M. D...ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.
9. D'autre part, par courrier du 27 mars 2013, le préfet du Bas-Rhin a invité M. D... à présenter ses observations dans un délai de trente jours. Ce courrier qui mentionne précisément, notamment, la liste des parcelles concernées, les motifs de la demande du maire tenant à la création d'une zone d'activités prévue par le plan local d'urbanisme et le texte applicable a mis en mesure l'intéressé de présenter utilement ses observations. Si M. D...soutient que le 22 avril 2013, il a sollicité une copie intégrale du dossier, il ne justifie pas de la réception de ce courrier par l'administration. Ainsi le principe du contradictoire n'a pas été méconnu.
10. En quatrième lieu, M. D...soutient que la décision contestée porte atteinte à l'équilibre économique de son exploitation.
11. A l'appui de son moyen, M. D...fait valoir qu'il va être privé de parcelles consacrées à la culture de fraises que la commune l'avait incité à entreprendre et qu'il va perdre 25 000 euros de recettes annuelles représentant une part importante de ses revenus, dès lors que son chiffre d'affaires résultant de la vente de production céréalière, fruitière et maraichère s'élevait à 82 238 euros en 2014 et que son résultat fiscal était de 11 590 euros pour la même année. Il soutient également qu'il ne pourra déplacer ces cultures sur d'autres parcelles en raison de l'implantation d'un système d'arrosage automatique sur les terres litigieuses et que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que les parcelles en litige ne représentaient que 2 % de la surface qu'il exploitait.
12. Toutefois, il est constant que les parcelles concernées par l'arrêté préfectoral contesté ont une surface de 1 ha 23 ares 36. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'un document de synthèse des droits à paiement unique auxquels peut prétendre M.D..., que son exploitation a une surface de 59,70 ha dont 55 ha pris en compte pour les droits à paiement unique. Ainsi, comme l'a jugé le tribunal administratif, la surface retirée de l'exploitation de M. D...n'en représente pas une proportion importante. D'autre part, il ne ressort nullement des pièces du dossier que la commune aurait encouragé le requérant à produire des fraises sur les parcelles concernées et M. D...ne démontre pas ses allégations relatives aux recettes et bénéfices qu'il aurait retirés de cette culture. En outre, il ressort des pièces produites par l'intéressé qu'il n'a commencé la production de fraises qu'en 2011 alors qu'il connaissait le projet de création d'une zone d'activité sur les terrains qu'il a consacrés à cette culture. De plus, la commune a favorisé des échanges de terres afin que le requérant retrouve 1 ha de terres autour de son siège d'exploitation, ce qui devrait lui permettre de déplacer sa culture de fraises. La circonstance que M. D...aurait installé un système d'arrosage automatique sur les parcelles dont le bail est résilié, à la supposer avérée, n'est pas davantage de nature à démontrer un risque de déséquilibre économique. Dès lors, le préfet n'a pas, par la décision contestée, porté une atteinte excessive à la situation de l'exploitation de M.D....
13. Enfin, M. D...reprend en appel, sans ajouter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que la réalité du projet d'urbanisme de la commune n'est pas établie, privant ainsi de motifs le changement de destination des terres qu'il exploitait. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.
14. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Meistratzheim, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de M. D...une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Meistratzheim au titre des mêmes frais.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : M. D...versera à la commune de Meistratzheim une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Meistratzheim relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à la commune de Meistratzheim.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 16NC00476