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23/05/2017 | FRANCE | N°16NC01851

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 mai 2017, 16NC01851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1506363 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce

tte demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2016,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1506363 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 13 septembre 2016, Mme C... B...épouseD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 avril 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 septembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé à tort dans l'obligation de suivre l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- elle ne peut suivre un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ;

- le préfet a décidé son éloignement sans procéder à un examen préalable de sa situation ;

- la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions de refus de séjour et d'éloignement.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2017, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Mme D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeD..., ressortissante turque née le 28 mai 1978, est entrée irrégulièrement en France le 21 janvier 2013 pour y demander la reconnaissance du statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 mai 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 novembre 2014 ; que, le 11 février 2015, Mme D...a sollicité un titre de séjour pour raison de santé auprès du préfet du Bas-Rhin ; que, par un arrêté du 9 septembre 2015, le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement ; que Mme D...relève appel du jugement du 7 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'avant de refuser de délivrer à Mme D... un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin a consulté le médecin de l'agence régionale de santé d'Alsace qui, dans son avis du 29 juin 2015, a estimé notamment que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le préfet pouvait reprendre le contenu de cet avis dans la motivation de la décision contestée, indiquant par là qu'il entendait s'en approprier les termes, sans pour autant s'estimer en situation de compétence liée pour refuser la délivrance d'un titre de séjour ; que par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit ;

4. Considérant, d'autre part, que MmeD..., qui ne conteste pas qu'un traitement approprié à sa pathologie est disponible dans son pays d'origine, soutient qu'elle ne peut cependant y retourner en raison de l'existence d'un lien entre les événements traumatisants qu'elle y a vécus et son état d'anxiété permanent ; que, toutefois, la Cour nationale du droit d'asile a estimé que les persécutions alléguées en Turquie et les craintes exprimées en cas de retour dans ce pays n'étaient pas établies ; que le rapport médical émanant de l'institut hospitalier public de Turquie et relatant des faits de violence survenus le 3 juillet 2012 ne revêt aucun caractère probant ; que, par suite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

6. Considérant que si Mme D...soutient avoir épousé un compatriote le 24 janvier 2013, qui a été admis exceptionnellement au séjour en qualité de salarié et dont elle a eu un enfant le 22 juillet 2014, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée sur le territoire français le 21 janvier 2013, après avoir vécu près de 35 ans dans son pays d'origine ; que la requérante ne démontre pas que la décision contestée aurait pour effet de séparer les membres de la cellule familiale, alors qu'elle-même et son époux ont la nationalité turque, qu'elle ne produit aucun élément de nature à établir que son conjoint et son enfant ne pourraient la suivre en Turquie et qu'elle ne justifie pas des craintes alléguées en cas de retour dans ce même pays ; que par ailleurs, MmeD..., dont l'époux réside régulièrement sur le territoire français, entre dans l'une des catégories ouvrant droit au regroupement familial ; que dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressée ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

8. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 6 et compte tenu du jeune âge de l'enfant de MmeD..., la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de cette enfant ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que MmeD..., qui ne démontre pas que la décision lui refusant un titre de séjour serait entachée d'illégalité, n'est pas fondée à en demander l'annulation ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'annulation du refus de séjour ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin aurait décidé d'assortir sa décision de refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français sans procéder à un examen préalable de la situation de la requérante ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

12. Considérant qu'eu égard à son arrivée récente sur le territoire français et alors qu'il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Turquie, pays d'origine de la famille, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement prise à son encontre porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant, en dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, la requérante n'est pas fondée non plus à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeD..., qui ne démontre pas que les décisions de refus de séjour et d'éloignement seraient entachées d'illégalité, n'est pas fondée à en demander l'annulation ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devrait être annulée en conséquence de l'annulation des deux premières décisions ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...épouse D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 16NC01851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01851
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ARAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-23;16nc01851 ?
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