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23/05/2017 | FRANCE | N°15NC01974

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 mai 2017, 15NC01974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Mulhouse à réparer les préjudices consécutifs à sa prise en charge défectueuse du 1er au 15 décembre 2008 et de désigner un expert en vue de se prononcer sur l'étendue de ces préjudices.

Par un jugement n° 1202705 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 27 août 2015 sous le n°

15NC01974, et des mémoires complémentaires enregistrés le 16 octobre 2015, le 6 janvier 2016 et le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Mulhouse à réparer les préjudices consécutifs à sa prise en charge défectueuse du 1er au 15 décembre 2008 et de désigner un expert en vue de se prononcer sur l'étendue de ces préjudices.

Par un jugement n° 1202705 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 27 août 2015 sous le n° 15NC01974, et des mémoires complémentaires enregistrés le 16 octobre 2015, le 6 janvier 2016 et le 7 avril 2017, M. B... C..., représenté par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2015 ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier de Mulhouse à réparer les préjudices consécutifs à sa prise en charge défectueuse du 1er au 15 décembre 2008 et de désigner un expert en vue de se prononcer sur l'étendue de ces préjudices ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Mulhouse à lui verser la somme de 182 657 euros en réparation des préjudices qu'il a subis ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mulhouse la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg sont entachées d'erreurs et de contradictions ;

- le centre hospitalier de Mulhouse, dans lequel il a été pris en charge le 1er décembre 2008 après avoir été victime d'une chute, n'a pas procédé aux examens rendus nécessaires par son état et qui auraient permis de déceler la gravité de sa fracture lombaire ;

- les soins mis en oeuvre pour réduire cette fracture n'étaient pas conformes aux règles de l'art ;

- les fautes imputables au centre hospitalier sont à l'origine d'une perte de chance d'échapper à l'intervention chirurgicale subie le 16 décembre 2008 aux hospices civils de Colmar et aux dommages qui en ont résulté ;

- l'expert désigné par la cour devra déterminer le taux de la perte de chance de se soustraire à une intervention chirurgicale et les conséquences orthopédiques de cette intervention, ainsi que le déficit fonctionnel permanent, les souffrances physiques, le préjudice professionnel et le préjudice d'agrément imputables aux fautes commises par l'hôpital ;

- à titre subsidiaire, il a subi ou continue de subir un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances physiques, un déficit fonctionnel permanent, un préjudice esthétique, un préjudice d'agrément et de notoriété et des frais induits par les opérations d'expertise pour des montants, respectivement, de 4 335 euros, 25 000 euros, 40 000 euros, 10 000 euros, 100 000 euros et 3 322 euros.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 21 octobre 2015 et le 8 février 2016, le centre hospitalier de Mulhouse, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée le 20 janvier 2016 à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire.

II. Par une requête enregistrée le 15 septembre 2015 au greffe de la section du contentieux du Conseil d'Etat, et un mémoire complémentaire enregistré le 16 octobre 2015, M. B... C..., représenté par MeA..., a demandé au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1202705 du 2 juillet 2015.

Par une ordonnance n° 393533 du 15 février 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de cette requête à la cour administrative d'appel de Nancy.

Par cette requête, enregistrée au greffe de la cour le 1er mars 2016 sous le n° 16NC00393, M. C...présente les mêmes conclusions et moyens que dans la requête susvisée, enregistrée sous le n° 15NC01974.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 70 %, par une décision du 25 février 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour M.C..., et de MeD..., pour le centre hospitalier de Mulhouse.

1. Considérant que M.C..., victime d'une chute le 1er décembre 2008, a été pris en charge le même jour par le centre hospitalier de Mulhouse, où une fracture et un tassement de la vertèbre L1 ont été diagnostiqués ; que cette lésion vertébrale a été traitée au moyen d'un corset amovible court, mis en place le 2 décembre 2008, puis d'un corset rigide long pourvu d'un appui thoracique, mis en place le 9 décembre suivant ; que M. C...a été transféré le 15 décembre 2008 dans les services des hospices civils de Colmar, où il a été opéré le lendemain afin de réduire sa fracture par ostéosynthèse ; que l'intéressé, qui reproche une prise en charge défectueuse au centre hospitalier de Mulhouse, à l'origine des séquelles invalidantes dont il est resté atteint, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg de demandes tendant à ce que cet établissement soit condamné à l'indemniser de ses préjudices et à ce qu'une expertise soit ordonné afin d'évaluer l'étendue des réparations ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. C...relève appel du jugement du 2 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que M. C...soutient que les manquements imputables au centre hospitalier de Mulhouse dans l'établissement du diagnostic de sa fracture lombaire et les soins mis en oeuvre dans cet établissement lui ont fait perdre une chance d'échapper à l'intervention chirurgicale subie le 16 décembre 2008 aux hospices civils de Colmar et aux dommages qui en ont résulté ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, que le bilan radiologique pratiqué par le centre hospitalier de Mulhouse à l'arrivée de M. C..., qui n'indiquait qu'un tassement vertébral simple sans lésion postérieure, était suffisant compte tenu de la blessure présentée par le patient à la vertèbre L1 ; que si l'intéressé se trouvait en réalité atteint, dès sa prise en charge par le centre hospitalier de Mulhouse, d'une fracture comminutive complète, laquelle se caractérise par un écrasement de la partie centrale du corps vertébral et un encombrement de cette partie centrale par du matériel discal, il ressort des constatations de l'expert, dont les conclusions ne sont pas empreintes de contradiction sur ce point, qu'un scanner complémentaire approfondi ne s'imposait pas en l'espèce compte tenu des résultats des premiers examens radiologiques ; qu'ainsi, il n'est pas établi qu'une faute serait imputable au centre hospitalier de Mulhouse dans la mise en oeuvre des moyens d'investigation nécessaires au diagnostic de la fracture comminutive complète présentée par M. C..., avant que cette lésion ne soit mise en évidence par le scanner réalisé le 12 décembre 2008 ;

4. Considérant, d'autre part, qu'eu égard au diagnostic posé au début de la prise en charge, le centre hospitalier pouvait, sans méconnaître les règles de l'art, mettre en oeuvre un traitement orthopédique au moyen d'un corset amovible, du 1er au 9 décembre 2008, puis d'un corset rigide ensuite ; que l'expert précise en outre que le patient pouvait être mis en position verticale tant pour la confection du corset qu'après la pose de celui-ci ; que si le premier corset s'est avéré inadapté et a dû être remplacé, il ne résulte pas pour autant de l'instruction, eu égard à l'état de gravité présenté par la fracture dès le début de la prise en charge, que le requérant aurait pu éviter une intervention chirurgicale s'il avait bénéficié d'un corset long et rigide dès le début de son hospitalisation ; que dans ces conditions, les soins apportés à M. C...ne révèlent aucun manquement imputable au centre hospitalier, qui se trouverait à l'origine des dommages subis par l'intéressé ou d'une perte de chance d'échapper à ces mêmes dommages ; qu'à cet égard, une meilleure prise en compte des douleurs éprouvées par l'intéressé malgré les soins apportés ne lui aurait pas permis non plus d'échapper à l'opération ;

5. Considérant, en revanche, que les praticiens du centre hospitalier de Mulhouse n'ont pas tenu compte des douleurs exprimées par M. C... au cours de son séjour, alors que ces souffrances auraient dû les alerter sur l'insuffisance des soins mis en place et, après avoir procédé à des examens complémentaires, poser plus rapidement l'indication du traitement chirurgical requis par la gravité de la lésion ; que ce manquement présente un caractère fautif susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier de Mulhouse ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande au motif que le centre hospitalier de Mulhouse n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur l'évaluation du préjudice :

7. Considérant que, compte tenu du manquement imputable au centre hospitalier de Mulhouse, qui a seulement eu pour effet de retarder l'indication d'un traitement chirurgical, auquel M. C... ne pouvait cependant se soustraire, l'intéressé ne saurait obtenir l'indemnisation des conséquences dommageables de cette intervention chirurgicale subie le 16 décembre 2008 aux hospices civils de Colmar ; que le retard imputable au centre hospitalier de Mulhouse a seulement eu pour effet une majoration des souffrances subies par le requérant ; que dans les circonstances particulières de l'espèce, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le requérant en lui allouant une somme de 10 000 euros à ce titre ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le centre hospitalier de Mulhouse demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

9. Considérant, d'autre part, que M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 70 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy en date du 25 février 2016 ; qu'il n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre ; qu'en outre, l'avocate de M. C... n'a pas demandé que lui soit versée par l'administration la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Mulhouse la part des frais exposés par M. C..., non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1202705 du 2 juillet 2015 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Mulhouse est condamné à verser à M. C...la somme de 10 000 (dix mille) euros.

Article 3 : Le centre hospitalier de Mulhouse versera à M. C...la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 25 février 2016 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au centre hospitalier de Mulhouse et à la caisse d'assurance maladie de Haut-Rhin.

2

N° 15NC01974, 16NC00393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01974
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP HUFFSCHMITT, WEREY et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-23;15nc01974 ?
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