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18/05/2017 | FRANCE | N°16NC02376

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 18 mai 2017, 16NC02376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 13 mai 2016 par lesquelles le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1600329-1600827 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2016 sous le n° 16NC02376, M.C...,

représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600329-1600827 du 27 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 13 mai 2016 par lesquelles le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1600329-1600827 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2016 sous le n° 16NC02376, M.C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600329-1600827 du 27 septembre 2016 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Doubs du 13 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C...soutient que :

En ce qui concerne les décisions relatives au refus de titre de séjour :

- elles sont entachées d'incompétence ;

- elles méconnaissent les stipulations du point 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; le préfet a commis une erreur de droit en lui refusant un titre de séjour au motif d'une menace à l'ordre public alors que ce motif n'est pas prévu par l'article 4 de l'accord ;

- elles portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit car le préfet du Doubs n'a pas examiné sa situation personnelle et s'est estimé lié par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant algérien né le 6 décembre 1988, est entré en France en 2010. Il a épousé le 3 mai 2014 Mme D...A..., de nationalité française. De leur union est née une fille, Nour, le 4 mars 2015. Par courrier du 12 mars 2015, M. C...a sollicité du préfet du Doubs un certificat de résidence afin de pouvoir travailler puis, le 15 octobre 2015, il a présenté une demande complémentaire de certificat de résidence en tant que conjoint de Français. M. C...a demandé au tribunal l'annulation de la décision implicite résultant du silence observé sur ces demandes. En cours de procédure, le préfet a, par un arrêté du 13 mai 2016, explicitement refusé la délivrance d'un titre de séjour et assorti ce refus de l'obligation de quitter sans délai le territoire français. M. C...relève appel du jugement du 27 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions portant refus implicite de titre de séjour et de l'arrêté du 13 mai 2016.

Sur la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'article 43 du décret du 29 avril 2004 dispose : " Le préfet de département peut donner délégation de signature (...) 1° En toutes matières (...) au secrétaire général (...) ".

3. Par un arrêté du 31 août 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Doubs a donné délégation à M. Setbon, secrétaire général, à l'effet de signer notamment tous les arrêtés et décisions portant refus de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en date du 13 mai 2016 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M.C..., qui se prévaut de sa qualité de père d'un enfant français né le 4 mars 2015 soutient que le préfet a commis une erreur de droit et fait une inexacte application des stipulations du point 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en lui opposant la circonstance qu'il aurait troublé l'ordre public.

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) ".

6. Les stipulations précitées, qui ont pour seul objet de définir les conditions particulières que les ressortissants algériens doivent remplir lorsqu'ils demandent à séjourner en France en leur qualité d'ascendant direct d'enfant français, ne font pas obstacle à la faculté dont dispose le préfet de refuser leur admission au séjour en se fondant sur la circonstance que leur présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que M. C...est l'auteur de faits graves et répétés de violence, destruction de biens, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, participation à un groupement en vue de la préparation de violences contre des personnes ou des biens, faits pour lesquels il a été plusieurs fois condamné les 13 juin 2014 et 9 février 2015 par le tribunal correctionnel de Besançon, à des peines de respectivement 8 mois d'emprisonnement et 5 mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de violence aggravée et violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique, la cour d'appel l'ayant condamné, le 2 juillet 2015, à 18 mois d'emprisonnement supplémentaires pour d'autres faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique commis le 3 mai 2015 en réunion, et violences sur une personne dépositaire de l'autorité publique en récidive. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit ou méconnu les stipulations du point 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C...soutient qu'il est entré en France au cours de l'année 2010, qu'il s'est marié avec une ressortissante française le 3 mai 2014 dont les membres de la famille sont français et résident en France, qu'un enfant est né de leur union le 4 mars 2015, que le centre de ses attaches privées et familiales se trouve désormais en France et qu'il a adopté un comportement irréprochable depuis son incarcération en 2015.

9. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C...est entré en France de façon irrégulière et n'a sollicité, pour la première fois, la délivrance d'un titre de séjour que dans le courant du mois de mars 2015, après avoir été condamné dans les conditions énoncées au point 6 et en dernier lieu par la cour d'appel le 2 juillet 2015, à 18 mois d'emprisonnement supplémentaires pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique commis le 3 mai 2015 en réunion, et violences sur une personne dépositaire de l'autorité publique en récidive. Il ressort également des pièces du dossier qu'il ne justifiait, à la date des décisions litigieuses, que d'une brève vie commune avec son épouse et qu'il a été incarcéré deux mois après la naissance de son enfant dont il n'a ainsi pu s'occuper pour subvenir à ses besoins et à son éducation, les derniers faits lui ayant valu une condamnation pénale étant survenus deux mois après la naissance de celui-ci et portant la durée de son incarcération à plus de deux ans. Dans ces conditions alors que la décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher l'intéressé de revenir régulièrement sur le territoire français pour bénéficier d'un titre de séjour dès lors qu'il ne constituerait plus une menace pour l'ordre public, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Doubs a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

10. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

11. Le requérant soutient que les refus de séjour litigieux portent atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant puisque son épouse est Française, que l'ensemble de la famille de celle-ci réside en France et que son enfant a besoin de son père, le requérant indiquant l'avoir vu à plusieurs reprises lors de visites qui lui on été rendues en prison. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C...a été incarcéré deux mois après la naissance de son enfant, la dernière condamnation ayant été d'ailleurs prononcée pour des faits commis postérieurement à la naissance de celui-ci et portant le total de son incarcération à plus de deux ans. Les refus de titre de séjour litigieux n'ont donc pas eu en eux-mêmes, à la date à laquelle ils sont intervenus, pour objet ou pour effet d'affecter de manière suffisamment directe et certaine la situation de son enfant, ni en particulier, d'empêcher la vie familiale dont se prévaut le requérant et à laquelle l'emprisonnement prononcé à son encontre, compte tenu des faits qu'il a commis, a fait obstacle. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait l'intérêt supérieur de son enfant garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. La décision portant refus de titre de séjour comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation en fait de la décision litigieuse doit, par suite, être écarté.

13. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu des termes de la décision litigieuse, que le préfet se soit estimé lié avant de prendre l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M.C.... Le moyen tiré de l'erreur de droit que le préfet aurait commise pour ce motif ne peut qu'être écarté.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date des décisions litigieuses, M. C..., qui a été incarcéré deux mois après la naissance de son enfant, contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. Le moyen tiré de la méconnaissance du 6° des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. En conclusion de tout ce qui précède, M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N°16NC02376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02376
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DEWAVRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-05-18;16nc02376 ?
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