Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 9 septembre 2015 par laquelle le service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine a refusé de lui délivrer un avis d'imposition ou de non-imposition au titre de l'année 2013.
Par une ordonnance n° 1506161 du 15 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête comme étant manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 15 février 2016 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 9 septembre 2015 prise à son encontre par le service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine ;
3°) d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics d'instruire à nouveau sa déclaration de revenus pour l'année 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'appelant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais et dépens des procédures de première instance et d'appel ;
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation car le demandeur doit être considéré comme résident fiscal français et comme n'ayant pas de foyer fiscal algérien ; la convention fiscale franco-algérienne n'a pas lieu d'être appliquée à la situation du requérant, qui a un domicile fiscal français au sens de l'article 4 B du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la compétence de l'auteur de la décision est établie ;
- la décision contestée ne fait pas grief au requérant et ne peut donc faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir ;
- l'administration n'est tenue par aucun texte règlementaire ou législatif de délivrer un avis de non-imposition, qui ne saurait ainsi être légalement exigé par le requérant ;
- l'administration ne peut localiser en France le domicile fiscal de M.B... ;
- M. B...n'est pas résident fiscal français au sens des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts, et sa situation doit être examinée au regard de la convention fiscale franco-algérienne.
Vu l'ordonnance et la décision attaquées.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martinez,
- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., ressortissant de nationalité algérienne vivant en France, a déposé auprès du service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine une déclaration de revenus au titre de l'année 2013 mentionnant une adresse de domicile en France ; que par un courrier du 6 mai 2015, ledit service a informé M. B...qu'en l'absence d'éléments permettant de localiser son domicile fiscal en France pour l'année considérée, il refusait de traiter sa déclaration et qu'à raison de ses revenus de source française, l'intéressé dépendait du service des impôts des particuliers des non-résidents ; que consécutivement au recours gracieux présenté le 19 juin 2015 tendant à la délivrance d'un avis de non-imposition pour l'année 2013, le service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine a, par une décision du 9 septembre 2015, confirmé à l'intéressé le refus du service de saisir la déclaration susmentionnée et de lui délivrer un avis d'imposition ou de non-imposition au titre de l'année 2013, au motif " qu'en application et conformément à l'article 4 de la convention fiscale entre la Frane et l'Algérie, " son domicile fiscal ne pouvait être fixé en France ; que M.B... relève appel de l'ordonnance du 15 février 2016 par laquelle la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet acte ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens " ;
3. Considérant que par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme manifestement irrecevable la requête présentée par M. B...à l'encontre de la décision attaquée, en relevant qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose à l'administration de délivrer un avis ou une attestation de non-imposition à une personne qui en fait la demande et que dès lors les moyens dont se prévaut le requérant tirés de ce qu'il aurait le centre de ses intérêts familiaux et patrimoniaux en France et qu'il aurait toujours déclaré ses revenus en France devaient être écartés comme inopérants ;
4. Considérant, toutefois, que M. B...n'a fait l'objet d'aucune imposition au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 2013 et ne saurait par suite engager une action devant le juge de l'impôt dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 199 du livre des procédures fiscales ; que sa demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg s'analyse comme un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de rejet de sa réclamation du
9 septembre 2015, laquelle, en l'absence d'imposition effective du contribuable, est nécessairement détachable de la procédure fiscale et par suite du contentieux fiscal ; que compte tenu notamment des mentions non indicatives que comportent un avis d'imposition ou de non imposition et de l'incidence qu'elles ont en pratique pour l'octroi des prestations accordées par les organismes sociaux, le refus opposé par l'administration de traiter la déclaration déposée par l'intéressé et de lui délivrer en conséquence l'avis correspondant, est susceptible d'avoir des effets sur la situation personnelle de ce dernier ; que dès lors, quand bien même le requérant ne se prévaut pas d'un texte d'où il résulterait l'obligation pour l'administration fiscale de délivrer ledit document, la décision de refus ainsi opposée doit, néanmoins être regardée comme une décision lui faisant grief ; qu'enfin, la circonstance que les moyens soulevés par M. B...pour contester la légalité de cette décision, seraient, selon l'ordonnance, inopérants est sans influence sur la recevabilité de la demande ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a jugé l'ordonnance attaquée, MB..., qui justifie d'un intérêt suffisamment direct et certain, était recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre cette décision ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir qu'est entachée d'irrégularité l'ordonnance du 15 février 2016 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté comme manifestement irrecevable la requête tendant à l'annulation de la décision du 9 septembre 2015 susmentionnée ; que par suite cette ordonnance doit être annulée ;
7. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
8. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du CGI : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : "1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les revenus du foyer de l'intéressé sont pour l'essentiel constitués de ressources de source française dès lors qu'ils se composent de pensions de retraites versées au requérant par la CARSAT d'Alsace-Moselle ; que l'administration reconnaît elle-même que les ressources du requérant sont constituées de ces seules pensions ; que le compte bancaire sur lequel ces ressources sont versées est détenu par l'intéressé auprès d'une agence de la société Crédit Mutuel sise à Mulhouse ; que depuis son arrivée en 1968 en France, M. B...a été affilié à la sécurité sociale française ; qu'ainsi, le requérant doit être regardé comme ayant en France le centre de ses intérêts économiques et comme remplissant par suite le critère de domiciliation prévu au c de l'article 4 B précité du code général des impôts ; que dès lors, si M B...n'exerce pas, en France, d'activité professionnelle et à supposer même, comme le soutient l'administration, qu'il n'ait pas eu en France son lieu de séjour principal au cours de l'année litigieuse, le requérant doit être considéré comme ayant son domicile fiscal en France au sens des dispositions précitées de l'article 4 B du code général des impôts, sous réserve des stipulations contraires de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 ;
10. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 4 de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 : "1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : a) Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b) Si l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle ; c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux Etats ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'Etat dont elle possède la nationalité ; d) Si les critères qui précèdent ne permettent pas de déterminer l'Etat dont la personne est un résident, les autorités compétentes des Etats contractants tranchent la question d'un commun accord. " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision attaquée, qui se réfère à l'article 4 de la convention fiscale franco-algérienne, l'administration s'est essentiellement fondée sur la circonstance que, durant l'année en litige, le requérant a séjourné en France pendant une durée limitée à une centaine de jours, circonstance de nature à établir, selon elle, qu'il disposerait en Algérie d'un foyer d'habitation au près de sa seconde épouse et d'un lieu de séjour principal ; que le service a ainsi relevé que le requérant ne possède pas de bien immobilier en France et n'a pas pu présenter de bail locatif, et que les mouvements sur son compte bancaire sont peu fréquents au cours de ladite année ; que toutefois, en admettant même, comme le prétend l'administration qui présente le requérant comme un résident fiscal algérien, que M. B... puisse être regardé comme ayant également un foyer d'habitation permanent dans cet État au sens des stipulations précitées de la convention fiscale bilatérale susmentionnée, c'est-à-dire comme y disposant d'une habitation d'une manière durable, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans en cours de validité, déclare chaque année ses revenus auprès de l'administration fiscale française ; que ses sept enfants, qui assurent son hébergement, sont installés en France ; que les certificats médicaux produits par le requérant notamment pour l'année 2013 attestent l'importance et le caractère régulier du suivi médical de l'intéressé en France au cours de son séjour durant l'année 2013 ; qu'il y a effectué des dépenses d'ordre personnel d'une importance significative ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, il est affilié à la sécurité sociale française et ses ressources sont uniquement de source française et versées sur un compte bancaire français ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments de fait que le requérant doit être considéré, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant en France le centre des ses intérêts vitaux au sens de la convention précitée et doit par suite être considéré comme résident français par application de cette convention ; que, dans ces conditions, le service ne pouvait légalement, pour s'opposer aux demandes formulées par M.B..., se prévaloir des stipulations de l'article 4 susmentionné ; que dès lors, les stipulations de la convention fiscale franco-algérienne du 17 octobre 1999 ne sauraient faire obstacle à l'application des dispositions combinées des articles 4 A et B du code général des impôts ;
12. Considérant que, par suite, c'est par une inexacte application des dispositions précitées du code général des impôts et des stipulations précitées de la convention fiscale franco-algérienne que le service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine a refusé de traiter la déclaration de revenus déposée par M. B...au titre de l'impôt sur le revenu pour 2013 et refusé de lui délivrer un avis d'imposition ou de non-imposition correspondant à sa situation en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision du 9 septembre 2015 du service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine de procéder à la saisie de la déclaration 2042 déposée au titre de l'année 2013 par M. B...ainsi que, le cas échéant, à la délivrance de l'avis d'imposition ou de non-imposition correspondant à sa situation fiscale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, s'agissant tant des frais exposés devant le tribunal administratif que devant la cour, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans cette affaire, le versement à M. B...d'une somme globale de
1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 15 février 2016 de la présidente de la 3ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 9 septembre 2015 du service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au service des impôts des particuliers de Mulhouse-Plaine de procéder, dans le délai d'un mois, à la saisie de la déclaration n° 2042 déposée au titre de l'année 2013 par M. B...ainsi qu'à la délivrance de l'avis correspondant à sa situation fiscale.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...B...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 16NC00518