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06/04/2017 | FRANCE | N°16NC01763

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 avril 2017, 16NC01763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Spicheren a prononcé son licenciement en cours de stage, d'enjoindre à la commune de Spicheren de procéder à sa réintégration et de condamner cette commune à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice.

Par un jugement n° 1505026 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 13 juillet 2015, a enjoint

la commune de Spicheren de procéder au réexamen de la situation de Mme A...et a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Spicheren a prononcé son licenciement en cours de stage, d'enjoindre à la commune de Spicheren de procéder à sa réintégration et de condamner cette commune à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice.

Par un jugement n° 1505026 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 13 juillet 2015, a enjoint à la commune de Spicheren de procéder au réexamen de la situation de Mme A...et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 8 mars 2017, MmeA..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2016 en ce qu'il rejette ses demandes d'indemnisation et d'injonction à fin de réintégration ;

2°) d'enjoindre à la commune de Spicheren de procéder à sa réintégration à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de condamner la commune de Spicheren à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice ;

4°) de mettre les dépens à la charge de la commune de Spicheren, ainsi qu'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il considère l'insuffisance professionnelle comme établie ;

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que le licenciement a été prononcé sans être précédé d'une consultation de la commission administrative paritaire ;

- l'arrêté du 13 juillet 2015 prononçant son licenciement n'est pas motivé ;

- elle n'a été informée ni de la saisine de la commission administrative paritaire, ni de l'avis rendu par cette commission ;

- elle a été licenciée avant que la commission administrative paritaire ne se prononce sur sa situation ;

- l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n'est pas établie ;

- elle n'a été informée, en cours de stage, ni des insuffisances qui pouvaient lui être reprochées, ni du risque encouru de ne pas être titularisée ;

- elle n'a bénéficié d'aucune formation ou évaluation au cours de son stage, notamment sur son grade et sur sa fonction, ni d'aucun encadrement ;

- l'arrêté du 13 juillet 2015 est entaché de détournement de pouvoir ;

- elle a été privée d'une chance d'obtenir sa titularisation, après que l'administration l'a employée pendant plusieurs années en abusant de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2016, la commune de Spicheren, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Spicheren soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés dans cette requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que Mme A...a été recrutée par la commune de Spicheren afin d'exercer les fonctions de concierge des locaux de la mairie en qualité d'adjoint technique contractuel de 2ème classe à compter du 1er septembre 2013, puis en qualité d'adjoint technique de 2ème classe stagiaire à compter du 1er septembre 2014 ; que le maire de la commune de Spicheren a, par un arrêté du 13 juillet 2015, mis fin au stage de Mme A...pour insuffisance professionnelle à compter du 29 août suivant ; que, par un jugement du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 13 juillet 2015 pour défaut de motivation, enjoint à la commune de Spicheren de réexaminer la situation de l'intéressée et rejeté la demande de celle-ci tendant à l'indemnisation de son préjudice ; que Mme A...relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires et réitère devant la cour sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à sa réintégration ; que la commune de Spicheren, qui ne conteste pas l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2015, conclut au rejet de la requête ;

Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de Mme A...:

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant qu'après avoir annulé l'arrêté du 13 juillet 2015 prononçant le licenciement de Mme A...pour insuffisance professionnelle en raison de son insuffisante motivation, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions indemnitaires de l'intéressée au motif que l'illégalité fautive imputable à la commune de Spicheren n'était pas à l'origine du préjudice de la requérante ; qu'en se bornant à relever, pour justifier de l'absence de lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué, que l'insuffisance professionnelle de Mme A...était matériellement établie, alors que la requérante soutenait notamment, dans sa demande, qu'elle avait donné entière satisfaction au cours de son contrat de travail d'un an, qu'elle avait été licenciée sur la base d'éléments erronés qui n'avaient pas emporté la conviction de la commission administrative paritaire et que le rapport auquel la commune se référait pour justifier des reproches allégués à son encontre n'était étayé par aucun élément probant, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité invoqué par MmeA..., que celle-ci est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires et doit être annulé dans cette mesure ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande indemnitaire présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur les conclusions indemnitaires de Mme A...:

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " (...) L'agent peut être licencié au cours de la période de stage en cas d'insuffisance professionnelle ou de faute disciplinaire et après avis de la commission administrative paritaire compétente " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé (...) " ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient MmeA..., le courrier adressé le 29 mai 2015 par le maire de la commune de Spicheren n'avait pas pour objet de prononcer son licenciement pour insuffisance professionnelle à une date antérieure à la saisine de la commission administrative paritaire, mais seulement d'informer l'intéressée qu'eu égard à la procédure de licenciement engagée à son encontre, elle devrait libérer le logement qui lui avait été concédé par nécessité absolue de service lors de sa prise de fonctions en 2013 ; que son licenciement a été prononcé par un arrêté du maire de la commune du 13 juillet 2015, postérieurement à l'avis de la commission administrative paritaire du 25 juin 2015 ; qu'il ne résulte pas des dispositions précitées de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 4 novembre 1992, ni d'aucun autre texte applicable, que la requérante aurait dû être informée de la saisine de cette commission ou de l'avis rendu par celle-ci ; qu'il s'ensuit que, pour demander réparation des conséquences dommageables de son licenciement, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que ce licenciement serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint technique territorial de 2e classe sur un emploi d'une collectivité territoriale (...) sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an. (...) / Dans l'année qui suit leur nomination, les agents sont astreints à suivre une formation d'intégration, dans les conditions prévues par le décret n° 2008-512 du 29 mai 2008 relatif à la formation statutaire obligatoire des fonctionnaires territoriaux et pour une durée totale de cinq jours " ;

8. Considérant que la commune de Spicheren justifie que Mme A...a suivi du 17 au 27 mars 2015, au cours de son stage, la formation d'intégration prévue par les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006, laquelle porte notamment sur l'organisation et le fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et le déroulement des carrières des fonctionnaires territoriaux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la requérante n'aurait bénéficié d'aucun encadrement au cours de son stage ; que la commune de Spicheren fait valoir sans être sérieusement contredite que Mme A...a été informée, lors d'une réunion le 21 janvier 2015 en présence de la directrice générale des services, des insuffisances relevées dans le cadre de ses fonctions ; qu'ainsi, il n'est pas établi que le stage probatoire de la requérante se serait déroulé dans des conditions ayant fait obstacle à ce qu'elle démontre ses capacités et aptitudes professionnelles ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de la fiche de poste produite à l'instance, Mme A...était chargée, en sa qualité de concierge, de l'entretien et de la surveillance des locaux de la mairie, ainsi que de la gestion de salles municipales utilisées par des associations ; que, selon les termes du rapport établi le 22 mai 2015 en vue de la saisine de la commission administrative paritaire, la requérante exerçait ses missions avec désinvolture, manquant à ses obligations dans l'entretien et la gestion des locaux et suscitant des plaintes de la part des membres de la municipalité et des usagers ; que la requérante n'apporte à l'instance aucun élément, ni même aucune argumentation, de nature à contredire les faits précisément énoncés dans ce rapport ; que la circonstance que la commission administrative paritaire s'est prononcée le 25 juin 2015 en défaveur du licenciement de MmeA..., par six voix contre et sept abstentions, ne suffit pas à elle seule à établir que les faits reprochés à l'intéressée seraient entachés d'inexactitude, alors que l'avis de la commission n'est pas motivé ; que par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la commune de Spicheren se serait fondée sur des faits matériellement inexacts pour procéder à son licenciement pour insuffisance professionnelle ou que l'appréciation portée sur son aptitude professionnelle serait erronée ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

11. Considérant, enfin, que si le jugement attaqué, devenu définitif sur ce point, annule l'arrêté du 13 juillet 2015 procédant au licenciement de Mme A...pour défaut de motivation, il résulte de l'instruction, eu égard à la nature et à la gravité de cette irrégularité formelle et à ce qui a été dit précédemment, que la même décision aurait pu être légalement prise par l'autorité administrative ; qu'ainsi, l'illégalité fautive imputable à la commune de Spicheren ne présente pas de lien de causalité direct avec le préjudice allégué par la requérante ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par Mme A... tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de son licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction, présentées en exécution de l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2015 :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'annulation, par le jugement attaqué, de l'arrêté du 13 juillet 2015 prononçant le licenciement de Mme A...pour insuffisance professionnelle, la commune de Spicheren a, par un nouvel arrêté du 22 août 2016, réitéré sa décision de licencier la requérante ; que cette circonstance fait obstacle à ce qu'il soit enjoint à la commune de Spicheren de réintégrer Mme A...dans ses effectifs ; que par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par la requérante ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Spicheren, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A...demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement de la somme que la commune de Spicheren demande sur le fondement des mêmes dispositions ; que la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1505026 du 23 juin 2016 est annulé en tant qu'il rejette la demande présentée par Mme A...en réparation des conséquences dommageables de son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Article 2 : La demande indemnitaire présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Spicheren présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et à la commune de Spicheren.

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N° 16NC01763


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01763
Date de la décision : 06/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-007 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Stage. Licenciement en cours de stage.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CYTRYNBLUM

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-04-06;16nc01763 ?
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