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30/03/2017 | FRANCE | N°16NC00903

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 mars 2017, 16NC00903


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B..., exerçant sous les enseignes commerciales " CPEJ " et " bureau d'étude paysagiste Coaching jardins ", a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Montmirail à lui verser la somme totale de 10 607,12 euros pour des études paysagères relatives à la place centrale Rémy-Petit et aux douves des remparts.

Par un jugement no 1500453 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné la commune de Montmirail à verser au bu

reau d'études paysagiste Coaching Jardins (M.B...) la somme de 6 000 euros.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B..., exerçant sous les enseignes commerciales " CPEJ " et " bureau d'étude paysagiste Coaching jardins ", a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Montmirail à lui verser la somme totale de 10 607,12 euros pour des études paysagères relatives à la place centrale Rémy-Petit et aux douves des remparts.

Par un jugement no 1500453 du 22 mars 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné la commune de Montmirail à verser au bureau d'études paysagiste Coaching Jardins (M.B...) la somme de 6 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 mai et 12 décembre 2016, la commune de Montmirail, représentée par la SCP Le Nue, Leroy, Plagne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1500453 du 22 mars 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) subsidiairement, d'ordonner une expertise pour estimer la valeur professionnelle du travail réalisé, vérifier qu'il constitue un avant-projet sommaire au sens des marchés publics et estimer son coût réel ;

3°) de condamner le bureau d'études CPEJ (M.B...) à lui verser une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Montmirail soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le courrier que lui a adressé le bureau d'études CPEJ vaut requête introductive d'instance et satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, alors qu'il ne mentionne pas précisément l'identité du demandeur, que la teneur exacte de la demande ne peut être déterminée, qu'il ne comporte l'exposé d'aucun moyen de droit ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que le bureau d'études CPEJ, qui s'est prévalu de plusieurs marchés de maîtrise d'oeuvre, aurait dû présenter plusieurs demandes distinctes devant le tribunal ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a admis l'existence d'un contrat verbal alors que le demandeur n'a produit aucun élément de nature à l'établir, que le maire n'a pas entendu confier un marché de maîtrise d'oeuvre au bureau d'études CPEJ et qu'un simple devis, même détaillé, ne peut valoir contrat entre les parties ;

- eu égard au caractère sommaire du travail fourni, la demande ne saurait prospérer sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

- le montant retenu par le tribunal est disproportionné dès lors que les éléments produits par le demandeur ne correspondent pas à un travail de maîtrise d'oeuvre et ne peuvent constituer un avant-projet sommaire.

Par un mémoire, enregistré le 2 novembre 2016, M. A...B...bureau d'étude paysagiste, représenté par la SCP Badré, Hyonne, Sens-Salis, Denis, Roger, conclut au rejet de la requête. Il sollicite en outre la condamnation de la commune de Montmirail à lui verser une somme de 10 607,12 euros au titre des prestations réalisées, ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- aucune des fins de non-recevoir soulevées par la commune quant à la recevabilité de sa demande de première instance n'est fondée ;

- il justifie d'un contrat oral avec la commune et les prestations convenues ont été réalisées, de sorte qu'il a droit aux 10 607,12 euros qu'il réclame ;

- subsidiairement, il a droit à cette somme sur le fondement de l'enrichissement sans cause dont a bénéficié la commune du fait de ces prestations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., exerçant sous les enseignes commerciales " CPEJ " et " bureau d'étude paysagiste Coaching jardins ", a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Montmirail à lui payer la rémunération qu'il estimait lui être due pour des études d'aménagement urbain réalisées à sa demande et que, par un courrier du 3 février 2015, elle a refusé de régler.

2. La commune de Montmirail relève appel du jugement du 22 mars 2016 par lequel le tribunal l'a condamnée à verser au bureau d'étude paysagiste Coaching jardins (M.B...) une somme de 6 000 euros.

3. M. B...demande, pour sa part, que le montant de la condamnation soit relevé à la somme de 10 607,12 euros.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. La commune soutient que c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité de la demande de première instance dès lors que l'identité du demandeur n'y est pas précisément indiquée, que la teneur exacte de la demande ne peut être déterminée et qu'elle ne comporte l'exposé d'aucun moyen de droit.

5. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les noms et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...) ".

6. D'une part, le courrier par lequel M. B...a saisi le tribunal comporte en en-tête à gauche un logo CPEJ et en en-tête à droite les termes " bureau d'étude paysagiste Coaching jardins ". Il comporte également, en pied de page, la mention du nom de M.B.... En l'absence de toute mention légale relative à une société commerciale, ces différentes indications permettent de comprendre que l'auteur de la demande est M. B...et que les dénominations figurant en en-tête constituent les dénominations commerciales sous lesquelles il exerce son activité.

7. D'autre part, si M. B...n'a pas formulé sa demande de manière expresse, il en ressort qu'il se plaint du refus de la commune d'honorer une facture de 10 607,12 euros qu'il lui a adressée, correspondant à des prestations qu'il a réalisées à sa demande. Il peut ainsi être regardé comme ayant demandé au tribunal de condamner la commune à lui régler le montant réclamé.

8. Enfin, si M. B...n'a pas mentionné expressément le fondement juridique de sa demande, il a fait état dans sa demande introductive d'instance de l'existence d'une commande de la commune, qu'il a honorée et qu'elle refuse de régler. Il peut ainsi être regardé comme ayant fondé son action sur la responsabilité contractuelle de la commune.

9. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la commune, la demande dont M. B...a saisi le tribunal satisfaisait aux exigences de l'article R. 411-1 précité.

10. La commune fait également valoir que M. B...aurait dû présenter deux demandes distinctes devant le tribunal dès lors qu'il a rattaché ses prétentions à des marchés différents. M. B...n'a cependant formulé aucune conclusion en ce sens et il ne résulte pas de l'instruction que sa réclamation soulève des litiges distincts.

Sur le bien-fondé des prétentions de M.B... :

11. Les premiers juges ont estimé que la commune de Montmirail a entendu passer un contrat de maîtrise d'oeuvre avec le bureau d'études de M.B..., que, malgré l'absence de commande écrite passée dans le respect du code des marchés publics, elle a bénéficié de prestations de maîtrise d'oeuvre de sa part et que, dès lors, elle lui est redevable d'une somme en règlement de ces prestations.

12. Il est constant qu'aucun contrat écrit n'a été conclu entre les parties, mais M. B... se prévaut de l'existence d'un contrat oral.

13. Il résulte de l'instruction qu'en réponse à une offre de services qu'il lui a adressée, la commune de Montmirail a invité M. B...à rencontrer en mairie, le maire et son premier adjoint le 18 décembre 2014.

14. Pour justifier de la réalité de la relation contractuelle qui se serait nouée à la suite de cette rencontre, M. B...soutient que ses prestations ont été sollicitées par les élus de la commune qu'il a rencontrés à plusieurs reprises, qu'il n'aurait pas réalisé ces prestations de manière spontanée, sans demande de la commune, et que celle-ci n'en conteste pas la réalité mais seulement le caractère onéreux.

15. M. B...fait ainsi valoir que le projet de réaménagement de la place Rémy-Petit lui a été présenté à cette occasion et que les élus lui ont fait part de la nécessité d'une étude paysagère. Il a ensuite, toujours selon ses dires, présenté son projet et son estimation début janvier 2015 au maire, au premier adjoint et à trois conseillers municipaux, auxquels il a remis un dossier. Lors de cette réunion, les élus auraient sollicité plusieurs modifications et le premier adjoint lui aurait fait part d'un autre projet de réaménagement, concernant cette fois les douves situées au pied des remparts de la ville. M. B...soutient avoir alors modifié le projet de réaménagement de la place Rémy-Petit et réalisé, à partir de documents fournis par la commune et après une visite des lieux, une première étude du projet relatif aux douves, et avoir, ensuite, présenté son travail au maire et au premier adjoint. Après une nouvelle modification apportée au second projet, il aurait présenté la totalité de son travail devant la commission environnement du conseil municipal et transmis la facture correspondant à l'établissement de l'avant-projet sommaire des deux opérations, que la commune a refusé de régler par courrier du 3 février 2015.

16. Toutefois, alors que la commune n'admet que deux rencontres entre M. B...et les élus, la première, fin 2014 à son invitation, et une seconde le 30 janvier 2015, après qu'il l'eut à nouveau contactée, M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et la teneur des autres réunions alléguées. En outre, s'il soutient que la commune lui a fourni une photographie des douves et un plan cadastral pour les besoins de ses études, les pièces qu'il produit ne comportent aucune indication permettant de vérifier cette affirmation. Au surplus, la simple remise d'une photographie et d'un plan cadastral ne saurait suffire à démontrer l'intention de la commune de confier à l'intéressé une mission de maîtrise d'oeuvre.

17. Par ailleurs, la seule circonstance que M. B...ait fourni un travail ne suffit pas à démontrer que la commune lui en aurait passé commande. M. B...n'apporte aucun élément de nature à l'établir et la commune le conteste, indiquant n'avoir découvert son travail d'étude concernant les deux projets d'aménagement qu'à l'occasion de la réunion du 30 janvier 2015. Le courrier du 3 février 2015, dont se prévaut M.B..., ne mentionne qu'une demande de devis et souligne que la proposition a été faite par M. B...lors de cette dernière réunion, sans qu'il ait " jamais été question d'une prestation payante ".

18. En conclusion, s'il n'est pas contesté que les parties ont eu des échanges au sujet des projets d'aménagement en cause et que M. B...a fourni un travail, il ne résulte pas de l'instruction que ces prestations aient été réalisées à la demande de la commune, ni même qu'elle en ait été informée. Il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'elle les ait acceptées, ni que les parties se soient accordées sur leur prix.

19. Dans ces conditions, la commune de Montmirail est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fondé son jugement sur l'existence d'un lien contractuel entre elle et M. B....

20. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...pour justifier de son droit à indemnisation.

21. M. B...soutient, à titre subsidiaire, qu'il a droit à être indemnisé en raison de l'enrichissement sans cause dont a bénéficié la commune du fait des prestations qu'il a réalisées.

22. Il n'a cependant droit, sur ce fondement, qu'au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à l'administration. Or, s'il n'est pas contesté qu'il a remis le fruit de son travail à la commune, il ressort du courrier électronique du directeur général des services de celle-ci du 17 février 2015, qu'au regard de leur chiffrage et de ses capacités financières, elle n'a pas souhaité donner suite aux projets présentés par M.B.... Ce dernier ne démontre ni même n'allègue que, par la suite, la commune aurait néanmoins mis à profit les éléments qu'il lui a fournis. Ainsi, à supposer même que les documents remis par M. B...aient été exploitables, ils ne présentent aucune utilité pour la commune et n'ont, dès lors, pas pu l'enrichir.

23. Par suite, M. B...n'est pas fondé à demander une indemnisation à ce titre.

24. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Montmirail est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à verser une somme à M.B.... Par suite, elle est fondée à demander l'annulation dudit jugement ainsi que, par voie de conséquence, le rejet de la demande de M. B...et de ses conclusions d'appel incident.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montmirail qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M.B..., au bénéfice de la commune de Montmirail, une somme au titre de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement no 1500453 du 22 mars 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M.B..., exerçant sous les enseignes commerciales " CPEJ " et " bureau d'étude paysagiste Coaching jardins ", devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. B...sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montmirail et à M. A...B....

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

16NC00903


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00903
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Existence d'un contrat.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Enrichissement sans cause - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP LE NUE-LEROY-PLAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-03-30;16nc00903 ?
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