Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Les croisières des gorges de la Loire-en-Forez a demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne :
- d'annuler la décision du 5 novembre 2014, par laquelle le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient a refusé de faire droit à sa demande d'indemnisation préalable, de condamner le syndicat mixte à lui verser les sommes de 312 194,43 euros et de 57 080,17 euros en réparation des préjudices subis ainsi que de la garantir, en cas de condamnation à rembourser les subventions obtenues du FEADER ;
- d'annuler la décision du 15 décembre 2014 par laquelle le département de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande d'indemnisation préalable, de condamner le département de l'Aube à lui verser les sommes de 312 194,43 euros et de 57 080,17 euros en réparation des préjudices subis ainsi que de la garantir, en cas de condamnation prononcée à son encontre, à rembourser les subventions obtenues du FEADER.
Par deux jugements n° 1500148 et 1500260 du 16 février 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes de la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 27 avril 2016 et des mémoires enregistrés le 9 août et 9 septembre 2016, la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez, représentée par Me Belzidsky, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500148 du 16 février 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler la décision du 5 novembre 2014 par laquelle le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient a refusé de faire droit à sa demande d'indemnisation préalable du préjudice subi du fait des fautes commises ;
3°) de condamner le conseil général de l'Aube à lui verser la somme de 312 194,43 euros en réparation du préjudice subi, à la garantir, en cas de condamnation, à rembourser les subventions obtenues du FEADER, outre les intérêts de droit et à lui verser la somme complémentaire de 57 080,17 euros en réparation du préjudice causé aux associés et dirigeants de la SARL Les Croisières du lac d'Orient, outre les intérêts de droit à compter du 11 juin 2014 ;
4°) de mettre à la charge du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez soutient que :
- la décision du tribunal est entachée d'erreurs de droit et de fait ;
- la décision de refus d'indemnisation est insuffisamment motivée ;
- la décision de refus d'indemnisation est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient a commis une faute en remettant en cause la convention du 27 mai 2010 qu'il s'était engagé à signer avec la SARL Les croisières des gorges de la Loire-en-Forez pour une durée de quinze ans et dans laquelle aucune réserve n'était mentionnée quant à l'accord du conseil général de l'Aube, la convention devant prendre effet au 1er juin 2010 et non le 8 avril 2011 pour une durée limitée à un an ;
- le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient a commis une faute en laissant croire à la SARL Les croisières des gorges de la Loire-en-Forez que la signature de cette convention constituait une formalité et en la laissant investir dans l'achat d'un bateau neuf ; elle s'est trouvée contrainte de rentabiliser ses investissements et de signer la convention d'une durée annuelle d'un an qui lui était proposée à l'exclusion de la convention initialement prévue pour une durée de quinze ans ; le conseil général avait approuvé la convention de quinze ans par l'intermédiaire de ses membres participant au syndicat mixte dont le président est vice-président du conseil général ;
- le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient a commis une faute en l'obligeant à quitter le lac d'Orient ainsi que l'illustre l'interdiction qui lui a été faite de proposer une activité de restauration à quai ou les retards mis à signer les conventions d'une durée d'un an ;
- les dommages indemnisables recouvrent le remboursement de la subvention versée par la région (41 956 euros), la garantie de la subvention versée par le FEADER, les frais financiers liés à l'achat du bateau (117 826,51euros) et de la maison des gérants et gestionnaires de la société (57 080,17 euros), la perte de chiffre d'affaires liée à l'autorisation tardive de restauration à bord et à l'interdiction d'avoir une activité de restauration à quai pour les saisons 2011 et 2012 (60 000 euros), au coût du transport du bateau du chantier naval au port de Mesnil Saint-Père (17 954 euros), aux frais d'installation d'une borne d'alimentation électrique pour le chargement des batteries du bateau (6 936,80 euros), à l'installation d'une rampe d'accès pour personnes à mobilité réduite (2 561,46 euros), aux frais d'études pour la mise en place d'un kiosque billetterie (1 483,20 euros), aux frais de publicité supportés en vain (1 746,16 euros) et à la création d'un site internet (1 500 euros), aux démarches effectuées par la gérante pour faire face aux difficultés rencontrées (10 000 euros), au préjudice moral et d'image de la société (30 000 euros), à la prise en charge par la société d'une indemnité de double résidence pour sa gérante (5 230 euros), au préjudice des associés et dirigeants animateurs (57 080 euros).
Par des mémoires en défense enregistrés le 25 juillet, 24 août et 29 octobre 2016, le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient, représenté par la SCP ChoffrutBrener, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Les croisières des gorges de la Loire-en-Forez au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 27 avril 2016 et des mémoires enregistrés le 9 septembre et 12 décembre 2016, la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez, représentée par Me Belzidsky, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500260 du 16 février 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler la décision du 15 décembre 2014 par laquelle le conseil général de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande d'indemnisation préalable du préjudice subi du fait des fautes commises ;
3°) de condamner le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient à lui verser la somme de 312 194,43 euros en réparation du préjudice subi, à la garantir, en cas de condamnation, à rembourser les subventions obtenues du FEADER, outre les intérêts de droit et à lui verser la somme complémentaire de 57 080,17 euros en réparation du préjudice causé aux associés et dirigeants de la SARL Les croisières du lac d'Orient, outre les intérêts de droit à compter du 11 juin 2014 ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Aube une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Les croisières des gorges de la Loire-en-Forez soutient que :
- la décision du tribunal est entachée d'erreurs de droit et de fait ;
- la décision de refus d'indemnisation est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le conseil général n'était pas compétent pour remettre en cause la convention conclue pour une durée de quinze ans compte tenu de la délégation de compétence exclusive délivrée au syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient pour gérer le bord d'eau public de la commune de Mesnil-Saint-Père ;
- le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube s'étaient engagés à signer, avec la société Les Croisières du lac d'Orient, une convention d'occupation pour l'exploitation d'un circuit à promenade sur le lac d'Orient, la société s'attendant à être chargée de l'aménagement d'un ponton conformément à l'engagement du conseil général et à l'article 7 de la convention approuvée par la délibération du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient ;
- la convention du 27 mai 2010 n'était pas seulement un projet mais une convention approuvée par délibération du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient ;
- le conseil général de l'Aube a laissé la société Les croisières du lac d'Orient réaliser des investissements et des études pour la réalisation d'un ponton, investir dans un bateau électrique, obtenir des subventions de la région et du FEADER et s'installer durablement à Mesnil-Saint-Père à la suite de manoeuvres dolosives, en retardant la signature des conventions annuelles, en adoptant des positions hostiles à la société concernant l'ouverture d'une activité de restauration ou le refus de donner suite à la proposition de porter à cinq ans la durée de la convention, ce que révèle la signature d'une convention plus avantageuse avec la société qui lui a succédé et sans que la signature des conventions annuelles puisse la faire regarder comme ayant accepté la modification de l'économie générale de la convention initiale.
Par des mémoires en défense enregistrés le 18 août et le 24 novembre 2016, le département de l'Aube conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez, ainsi que celles de MeC..., pour le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient.
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir entamé des démarches avec le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube, courant 2009, en vue de développer une activité commerciale de promenade en bateau électrique sur le lac d'Orient, la société Les Croisières du lac d'Orient, après avoir notamment investi dans l'achat d'un bateau, a débuté ses activités et conclu en ce sens deux conventions d'autorisation d'une durée d'un an avec le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube pour les saisons 2011 et 2012. Les conditions d'exercice de son activité n'ayant pas été jugées satisfaisantes, notamment au regard de la durée insuffisante des autorisations consenties et de l'impossibilité de développer facilement des activités annexes de restauration, la société a décidé de mettre un terme à cette activité à la fin de l'année 2012 sans demander le renouvellement de son autorisation pour la saison 2013.
2. Elle a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube à lui verser la somme de 369 275,10 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises à son encontre et à la garantir de toute obligation qui lui serait faite de reverser la subvention perçue au titre du FEADER.
3. La société requérante, venant aux droits de la société Les Croisières du lac d'Orient, relève appel des jugements des 16 février 2016 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes indemnitaires formées à l'encontre du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et du département de l'Aube.
4. Les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
5. La SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez soutient que les premiers juges ont entaché leurs jugements d'erreurs de droit et de fait. De telles circonstances, qui relèvent du bien fondé du raisonnement tenu en première instance, ne sont toutefois pas susceptibles d'affecter la régularité des jugements litigieux. Les moyens en cause ne peuvent donc qu'être écartés.
Sur les conclusions dirigées contre les décisions du syndicat et du département défendeurs rejetant les demandes préalables :
6. La SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez reprend les moyens qu'elle avait invoqués à l'encontre des décisions rejetant ses demandes préalables et tirés de l'insuffisance de leur motivation et des erreurs de droit, de fait et d'appréciation dont elles auraient été affectées. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Sur la demande indemnitaire et l'appel en garantie :
7. La société requérante soutient que compte tenu des fautes commises à l'encontre de la société Les Croisières du lac d'Orient, le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube doivent être condamnés à lui verser une somme de 369 275,10 euros à titre de dommages et intérêts et à la garantir de toute demande future de remboursement des subventions perçues au titre du FEADER.
En ce qui concerne l'existence de fautes imputables au syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et au département de l'Aube :
S'agissant du non respect des engagements pris à son égard :
8. L'appelante soutient d'abord qu'elle a réalisé des investissements qui n'ont pu être rentabilisés compte tenu du non respect de l'engagement pris par le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et du département de l'Aube de lui accorder une autorisation de développer une activité commerciale de promenade en bateau touristique sur le Lac d'orient pour une durée de quinze ans et non pour une durée annuelle.
9. Il résulte de l'instruction que le lac d'Orient joue un rôle de barrage-réservoir de régulation du débit de la Seine destiné à écrêter les crues et que l'établissement public administratif propriétaire de cet ouvrage a conclu une convention datée du 16 mars 1995 valable 30 ans avec le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube portant sur les actions touristiques.
10. Il résulte de cette convention qu'elle vise à concéder conjointement au département de l'Aube et au syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient l'aménagement et l'exploitation d'installations touristiques sur le lac d'Orient, le cas échéant sous forme de contrat passé avec une personne physique ou morale de droit public ou privé, sous réserve notamment que le projet touristique concerné soit présenté au propriétaire, avec leur accord, par les concessionnaires et que ce projet obtienne ensuite l'autorisation de l'établissement public concédant.
11. Si des pourparlers ont eu lieu courant 2009 et début 2010 entre la société Les Croisières du lac d'Orient, d'une part, et le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube, d'autre part, afin de permettre le démarrage et le développement d'une activité touristique sur le lac d'Orient, il ne résulte toutefois pas de l'instruction ni des pièces produites que la SARL ait bénéficié d'un engagement, individuel ou conjoint, suffisamment clair et ferme de ses deux interlocuteurs de nature à lui garantir la conclusion d'une convention pour une durée de quinze ans.
12. Il résulte au contraire des échanges tenus entre l'agent du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et M. et MmeA..., gérants de la société, à la fin de l'année 2009 et en 2010, que le projet de convention alors en discussion et annexé au courriel du 13 janvier 2010 ne comportait d'engagement ni sur la durée, ni sur les conditions financières de la convention et que ces éléments devaient faire l'objet de discussions complémentaires.
13. Par ailleurs, si la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez entend se prévaloir de la délibération du bureau du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient du 27 mai 2010 pour démontrer l'existence d'un accord explicite du syndicat mixte aussi bien que du département de l'Aube sur la conclusion d'une convention pour une durée de quinze ans dès lors que cette durée est mentionnée dans le projet de convention, il résulte des termes même du document soumis aux élus relatif à ce projet de convention que ledit projet devait obtenir l'accord du département de l'Aube. Cette convention ne pouvait en effet être signée que conjointement par le syndicat et le département et aucune de ces deux personnes publiques n'a pris un engagement ferme de conclure une telle convention pour une durée de 15 ans avec la société requérante, certaines des principales clauses contractuelles prévues entre les parties n'ayant d'ailleurs toujours pas été précisées dans le document présenté aux élus le 27 mai 2010, notamment le montant de la rémunération annuelle à verser par la société
14. Dans ces conditions, le fait que le bureau du syndicat mixte ait adopté à l'unanimité la délibération du 27 mai 2010 ne suffit pas à caractériser un engagement ferme des concédants pour la conclusion d'une convention d'une durée de 15 ans dont l'économie générale aurait, selon ses allégations, été à l'origine de sa décision de réaliser le projet et d'engager les dépenses d'investissement afférentes.
15. La circonstance que, parmi les signataires de cette délibération du 27 mai 2010, figuraient le vice président du conseil général de l'Aube, en qualité de président du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient, ou d'autres conseillers généraux, en tant que simples membres du bureau de ce syndicat, n'est pas de nature à caractériser un accord du département de l'Aube, personne publique distincte du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que compte tenu de l'opposition du département de l'Aube à s'engager avec la société requérante dans les termes initialement envisagés, le comité syndical du syndicat mixte a délibéré à nouveau le 14 avril 2011 sur une nouvelle version de la convention à la suite de la délibération du conseil général du 11 avril 2011.
16. Par ailleurs, le courrier du 21 mai 2010 transmis par le président du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient à la banque en charge du financement partiel du projet de la société Les Croisières du lac d'Orient précisant l'accord de principe du syndicat ne saurait suffire à le faire regarder comme ayant clairement laissé entendre que l'ensemble des conditions, notamment juridiques, nécessaires à la réalisation d'un projet économiquement acceptable pour la société étaient réunies en l'espèce.
17. Il ne résulte d'aucune pièce versée au dossier et il ne saurait être déduit du fait que le département de l'Aube ne s'est jamais expressément opposé à la délibération du 27 mai 2010 que ce dernier puisse être regardé comme ayant donné son accord, à un quelconque moment, à une clause consistant à autoriser la société intéressée à développer son activité pour une durée de quinze ans à compter de l'année 2010.
18. Enfin, la circonstance que de, façon générale, le département de l'Aube n'ait pas voulu donner suite à la version de la convention espérée par la société Les Croisières du lac d'Orient ne saurait être regardée comme fautive, compte tenu de la liberté dont jouissait la collectivité départementale, afin de déterminer, conjointement avec le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient, les termes de la relation contractuelle à nouer avec la société requérante. Par ailleurs les termes de la convention du 11 mai 1976 par lesquels le département de l'Aube aurait délégué sa compétence au syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient en ce qui concerne la gestion du bord d'eau public de la commune de Mesnil Saint Pierre où se trouve situé le port d'embarquement de l'activité de promenade en bateau n'étaient, en tout état de cause, pas de nature à remettre en cause le contenu de la convention tripartite ultérieurement conclue en ce qui concerne la gestion de l'utilisation du lac d'Orient à des fins touristiques et requérant, ainsi qu'il a été dit au point 10, l'accord du département co-concessionnaire, sur le projet de la SARL.
19. Dans ces conditions, la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez n'est pas fondée à soutenir que le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube ont commis une faute résultant du non respect des engagements qui auraient été pris à l'égard de la société Les croisières du lac d'Orient sur les termes de la convention en cause.
S'agissant de l'attitude dolosive du syndicat mixte et du département :
20. La SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez soutient également que le syndicat mixte et le département de l'Aube ont adopté une " attitude dolosive et discriminatoire " à l'égard de la société Les Croisières du Lac d'Orient ce qui ne lui a pas permis de développer normalement ses activités commerciales dans le cadre contractuel, avant de conduire à l'abandon de toute activité de sa part sur le Lac d'Orient.
21. La SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez ne produit toutefois pas d'éléments probants de nature à démontrer que dans le cadre de la définition et du suivi de la relation contractuelle, le syndicat mixte ou le département de l'Aube, plus particulièrement critiqué par l'appelante, aient usé de manoeuvres ou adopté un comportement propres à caractériser une faute susceptible d'ouvrir un droit à indemnisation.
22. En particulier, il ne résulte pas des documents versés au dossier et notamment des courriers échangés entre le département de l'Aube et la société en avril 2011, que le département de l'Aube ou le syndicat mixte ont irrégulièrement usé des pouvoirs dont dispose tout gestionnaire du domaine public dans le cadre de négociations à mener pour définir les contours de la relation contractuelle et le contenu final des conventions à conclure avec un candidat à l'utilisation du domaine à des fins commerciales. Les conventions litigieuses ont d'ailleurs été signées par la société pour une durée d'un an en toute connaissance de cause.
23. Le fait d'avoir mentionné, dans le courrier notifiant à la société la convention à signer pour la saison 2011 jusqu'au 31 décembre 2011 qu'" une durée d'application plus longue, de cinq ans par exemple " pourrait être envisagée dans le cadre de la prochaine convention, ne suffit pas à caractériser une intention de tromper la société.
24. N'est pas non plus fautive la circonstance que les concédants aient, selon la requérante, bénéficié du fait que la société et ses dirigeants avaient pris, avant la signature des conventions, plusieurs décisions de gestion qui les auraient incité à accepter les conditions proposées par ses partenaires.
25. Les conditions dans lesquelles les discussions ont été menées à partir du second semestre 2010 et jusqu'en 2012 pour savoir si la société Les Croisières du lac d'Orient réaliserait elle-même le ponton ou aurait ou non le droit de développer une activité de restauration sur le bateau ou à quai, dont la société reconnaît du reste qu'elle ne pouvait la commencer en 2010 dès lors que le bateau n'était pas équipé à cet effet, ne révèlent pas non plus une quelconque faute du conseil général ou du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient en l'absence de tout engagement de leur part. La société a d'ailleurs été autorisée à développer une restauration à bord pour l'année 2012 ce qui démontre l'absence d'opposition de principe à toute activité susceptible de favoriser son développement.
26. Enfin, la société n'établit pas non plus l'existence d'une faute en se bornant à se prévaloir du fait que des commerçants auraient manifesté leur opposition au développement de son activité annexe de restauration, ce qui a nui à ses projets, ou qu'à la suite du départ de la société Les Croisières du lac d'Orient, qui avait décidé de mettre fin à son activité en l'absence de perspectives économiques et commerciales satisfaisantes, des conditions plus favorables aient été proposées par le département et le syndicat mixte à la société qui lui a succédé.
27. Il résulte de ce qui précède que la demande de la société Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez, fondée sur l'engagement de la responsabilité pour faute du département de l'Aube et du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient à l'égard de la société Les Croisières du Lac d'Orient, ne peut qu'être rejetée en l'absence de toute faute de nature à ouvrir à un droit à indemnisation.
En ce qui concerne la réalité des préjudices et leur lien avec les fautes alléguées :
28. La SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez soutient que la société Les Croisières du Lac d'Orient a subi divers préjudices en lien avec les fautes qu'elle attribue au département de l'Aube et au syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient.
29. Toutefois, il résulte des pièces versées à l'instruction et notamment de l'analyse de la convention de subventionnement signée par la société Les Croisières du lac d'Orient avec le conseil régional, des documents relatifs aux prêts contractés et des documents comptables produits que les principaux investissements immobiliers et commerciaux réalisés à titre personnel et professionnel, par la société et ses dirigeants l'ont été, pour l'essentiel, avant même l'adoption de la délibération du 27 mai 2010 par le bureau du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient, laquelle est censée démontrer l'existence d'un engagement conclu à son égard par les personnes publiques mises en cause, en vue de lui permettre de développer son activité pour une durée minimale de quinze ans. La convention de subventionnement conclue avec le conseil régional précise ainsi, par exemple, que la demande d'aide de la SARL a été formée dès le 9 février 2010 et correspond déjà à un projet de développement d'une activité de promenade en bateau touristique sur le lac d'Orient, la dépense subventionnable correspondant au montant figurant, en annexe, dans la facture du 25 novembre 2009 établie par le chantier naval. Les dépenses en cause ont ainsi donc été engagées par la société avant même l'engagement pris à son égard sur lequel le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube seraient revenus dans des conditions fautives. Les préjudices nés des investissements qu'elle aurait effectués à perte ne sont donc pas en lien direct avec le non respect fautif de ces prétendus engagements.
30. Concernant les frais financiers relatifs à l'acquisition du bateau ou du domicile des dirigeants de la société, l'existence même d'un préjudice n'est pas démontrée dès lors qu'il n'est pas établi que ces frais ont été engagés en pure perte, la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez n'établissant notamment pas que les biens en cause auraient dû être cédés dans des conditions financières désavantageuses.
31. En outre, la société requérante ne justifie pas non plus du caractère personnel du préjudice qu'elle aurait subi du fait des frais financiers exposés par ses dirigeants, M. et Mme A..., dans le cadre de l'acquisition de leur domicile personnel.
32. Il résulte également de l'instruction que les frais engagés postérieurement à la délibération du 27 mai 2010, en vue de l'organisation et de la promotion de son activité de promenade en bateau, ne l'ont pas été en pure perte mais ont servi au développement de son activité sur la base des conventions conclues pour les saisons 2011 et 2012.
33. La perte de chiffres d'affaire dont l'indemnisation est demandée et qui se distingue d'un manque à gagner, n'est pas non plus de nature à leur ouvrir un droit à indemnisation.
34. Enfin, l'existence d'un préjudice de 10 000 euros au titre des démarches effectuées par la gérante pour faire face aux difficultés rencontrées et d'un préjudice moral de 30 000 euros n'est aucunement démontrée.
35. Dans ces conditions, la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez n'est en tout état de cause pas fondée à demander la réparation des préjudices subis, faute d'en justifier la réalité ou d'établir l'existence d'un lien direct et certain entre de tels préjudices et les fautes qu'elle attribue au département de l'Aube et au syndicat mixte.
36. En conclusion de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure complémentaire d'instruction avant dire droit, la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par ses jugements du 16 février 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes formées contre le syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le département de l'Aube.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et du département de l'Aube qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
38. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez le paiement de la somme de 1 000 euros au syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et le paiement de la somme de 1 000 euros au département de l'Aube au titre des frais que ceux-ci ont exposés pour leur défense.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez sont rejetées.
Article 2 : La SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez versera au syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et au département de l'Aube une somme de 1 000 (mille euros) chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Croisières des gorges de la Loire-en-Forez, au syndicat mixte du parc naturel de la forêt d'Orient et au département de l'Aube.
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N° 16NC00754-16NC00755