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09/03/2017 | FRANCE | N°16NC01432

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 mars 2017, 16NC01432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 6 novembre 2015 par lesquelles la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et l'a placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement no 1503172 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions attaquées.

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Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2016, sous le numéro 16NC01432, le préfet du Pas-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions du 6 novembre 2015 par lesquelles la préfète du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et l'a placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par un jugement no 1503172 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions attaquées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2016, sous le numéro 16NC01432, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour d'annuler le jugement no 1503172 du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du droit de M. A... à être entendu, dès lors que ce droit a été respecté ;

- il a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé et a suffisamment motivé ses décisions.

L'instruction a été close le 22 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 ;

- le règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 novembre 2015, à 2 heures du matin, le service de la police aux frontières a procédé au contrôle des passagers d'un bus à destination de Londres. A cette occasion, il a interpellé l'un d'entre eux, qui était muni de documents ne correspondant pas à son identité et s'est présenté comme étant M. B...A..., ressortissant syrien né le 1er janvier 1988. Le même jour, le préfet du Pas-de-Calais a décidé de l'obliger à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et l'a placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

2. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé ces décisions à la demande de M.A....

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Le tribunal administratif a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français au motif que le droit de M. A...à être entendu, consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu. Il a ensuite annulé, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de destination et plaçant l'intéressé en rétention.

4. Aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de vérification du droit de circulation ou de séjour dressé le 6 novembre 2015, avant que ne soient prises les décisions attaquées, produit pour la première fois à hauteur d'appel, que M.A..., qui était assisté par un interprète, s'est vu poser plusieurs questions relatives à sa situation personnelle et administrative et aux raisons et circonstances de sa présence en France. Il a également été invité à s'exprimer sur ses projets, notamment son éventuel souhait de solliciter l'asile en France, ainsi que sur la mesure d'éloignement et le placement en rétention susceptibles d'être décidés à son encontre. Il a ainsi été mis à même, préalablement aux décisions contestées, de présenter l'ensemble des observations qu'il souhaitait faire valoir en ce qui les concerne et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait eu des éléments pertinents complémentaires à faire valoir.

6. Dans ces conditions, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions attaquées, les premiers juges ont considéré que M. A...avait été privé du droit d'être entendu qu'il tient notamment du paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne précité.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.A....

Sur les autres moyens soulevés par M.A... :

En ce qui concerne le moyen commun aux trois décisions :

8. M. A...soutient que les décisions sont insuffisamment motivées en droit et en fait dès lors qu'elles sont stéréotypées et identiques aux mesures prises à l'encontre d'autres étrangers interpellés en même temps.

9. Toutefois, les décisions attaquées rappellent les dispositions des textes mis en oeuvre et énoncent ensuite les éléments de fait propres à la situation personnelle de M. A...qui, au regard de ces dispositions, justifient leur édiction. Elles sont ainsi suffisamment motivées.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. M. A...soutient en premier lieu que le préfet a méconnu les considérants 15, 17 et 18 du règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ne l'informant pas de la possibilité d'une réadmission vers l'Angleterre et en ne le mettant pas à même de fournir des informations sur sa famille et ses proches dans ce pays, alors même qu'il avait, lors de son audition, indiqué hésiter entre présenter sa demande d'asile en France ou en Angleterre.

11. Cependant, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de vérification du droit de circulation ou de séjour dressé le 6 novembre 2015, que, interrogé sur son souhait de déposer une demande d'asile, M. A...a répondu par la négative et n'a, à aucun moment, exprimé le souhait de présenter une telle demande en Angleterre. Il ne peut ainsi, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le préfet n'a pas mis en oeuvre le mécanisme de réadmission prévu par le règlement susmentionné.

12. En deuxième lieu, pour la raison qui vient d'être exposée au point précédent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté atteinte à son droit d'asile ou a commis une erreur de droit en n'envisageant pas la possibilité de décider de sa réadmission en Angleterre ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile en France.

13. En troisième lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. M. A...soutient que le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'en " cas de retour dans ce pays, [il] risque pour sa vie ".

15. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a obligé l'intéressé à quitter le territoire français à destination de tout pays où il serait légalement admissible, " à l'exclusion de la Syrie ". M.A..., qui ne peut ainsi être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité et qui ne précise pas le pays dans lequel il serait, selon lui, à la fois légalement admissible et exposé au risque d'un traitement contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la décision de placement en rétention :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ne sont pas illégales. Dès lors, M. A...n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision de placement en rétention.

17. En deuxième lieu, M. A...soutient que le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la décision a pour conséquence de le séparer de son épouse et de son petit frère. Toutefois, il n'a pas fait état de leur présence en France à ses côtés et il n'apporte aucun élément de nature à l'établir. Par ailleurs, à la supposer même établie, cette séparation ne saurait, en soi, caractériser un traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations en cause.

18. En troisième lieu, M. A...soutient que la décision est entachée de détournement de procédure et méconnaît le paragraphe f) de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le but poursuivi par le préfet en le plaçant en rétention n'était pas de procéder à son éloignement du territoire français, mais seulement à son éloignement de Calais, en vue de procéder au démantèlement de la zone appelée " jungle de Calais ".

19. M.A..., qui pour le reste ne conteste pas le bien-fondé de son placement en rétention au regard de l'article 5 de la convention et de l'article L. 554-1 du code, n'apporte cependant aucun élément concret à l'appui de ses affirmations qui se rapportent uniquement au but poursuivi par le préfet, alors, au demeurant, qu'il n'a pas été interpellé dans la zone appelée " jungle de Calais ", mais dans un bus à destination de l'Angleterre, ce qui exclut le rattachement de la procédure engagée à son encontre au démantèlement de cette zone.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé ses décisions du 6 novembre 2015. Par conséquent, il est fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de M.A....

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement no 1503172 du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...A...devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....

Copie en sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

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16NC01432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01432
Date de la décision : 09/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-03-09;16nc01432 ?
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