Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... F...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions des 18 avril 2013, 28 juin 2013 et 27 novembre 2013 par lesquelles le directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy l'a suspendu de ses fonctions de praticien hospitalier, ainsi que la décision du 25 avril 2013 rejetant son recours gracieux contre la décision du 18 avril 2013.
Par un jugement n° 1301073, 1301682, 1303115 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions des 28 juin 2013 et 27 novembre 2013 et rejeté la demande de M. F... dirigée contre les décisions des 18 avril 2013 et 25 avril 2013.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 10 juillet 2015, 20 janvier 2017, 26 janvier 2017, 15 février 2017 et 17 février 2017 sous le n° 15NC01547, M. F..., représenté par Me Richard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 19 mai 2015 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation des décisions du directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy du 18 avril 2013 et du 25 avril 2013 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- seul le directeur général du centre hospitalier universitaire de Nancy était compétent, en sa qualité de président du directoire, pour prendre les trois décisions de suspension en litige ;
- les conditions d'urgence et de mise en péril de la continuité du service et de la sécurité des patient autorisant le directeur d'un centre hospitalier à suspendre de ses fonctions un praticien hospitalier n'étaient pas remplies le 18 avril 2013 ;
- la décision du 18 avril 2013 constitue une sanction déguisée ;
- elle a été prise dans un but étranger à la sécurité des patients et à la continuité du service ;
- la condition de l'urgence n'étant pas remplie à la date des décisions des 28 juin 2013 et 27 novembre 2013, le directeur d'établissement ne pouvait pas décider de prolonger la suspension de ses fonctions ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 décembre 2015, 27 janvier 2017 et 17 février 2017, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, représenté par Me Dubois, conclut au rejet de la requête de M. F.... Il demande également à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il annule les décisions des 28 juin 2013 et 27 novembre 2013 et de rejeter les demandes présentées par M. F...devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F...ne sont pas fondés.
II. Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 17 juillet 2015, 15 février 2017 et 17 février 2017 sous le n° 15NC01591, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, représenté par Me Dubois, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 19 mai 2015 en tant qu'il annule les décisions des 28 juin 2013 et 27 novembre 2013 du directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. F...devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Il soutient que :
- les pouvoirs que le directeur d'établissement tient de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique sont maintenus pendant toute la durée de la procédure devant le centre national de gestion tendant à la constatation d'une insuffisance professionnelle ;
- la décision du 28 juin 2013 a été prise dans l'urgence ;
- à la date du 27 novembre 2013, le directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy disposait d'éléments de nature à caractériser l'existence de circonstances exceptionnelles et le contexte d'urgence qui existait précédemment perdurait.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 novembre 2015, 20 janvier 2017, 26 janvier 2017 et 15 février 2017, M. F..., représenté par Me Richard, conclut au rejet de la requête du centre hospitalier régional universitaire de Nancy. Il demande également à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation des décisions des 18 avril 2013 et 25 avril 2013 et d'annuler ces décisions. Enfin, il demande à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dhiver,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Richard, avocat de M. F... et celles de Me Dubois, avocat du centre hospitalier régional universitaire de Nancy.
1. Considérant que les requêtes de M. F...et du centre hospitalier régional universitaire de Nancy sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M.F..., gynécologue-obstétricien, est praticien hospitalier depuis le 1er juin 1992 à la maternité régionale universitaire de Nancy, intégrée au sein du centre hospitalier régional universitaire de Nancy depuis le 1er janvier 2014 ; qu'après avoir décidé, le 13 mars 2013, de suspendre M. F...du tableau des gardes, le directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy, a, par une décision du 18 avril 2013, suspendu l'intéressé à titre conservatoire de ses fonctions de praticien hospitalier ; qu'il a, le même jour, demandé à l'agence régionale de santé de Lorraine de saisir le comité médical prévu par les dispositions de l'article R. 6152-36 du code de la santé publique afin qu'il statue sur la situation de M.F... ; que, le 14 mai 2013, le comité médical de l'agence régionale de santé a émis un avis favorable à la reprise d'activité de M. F... à compter du 1er juillet 2013 ; que, le 28 juin 2013, le directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy a décidé de prolonger la suspension de fonctions à titre conservatoire de M. F...pour une durée de deux mois à compter du 1er juillet 2013 et a, le même jour, saisi la directrice générale du centre national de gestion d'une demande tendant à ce que l'insuffisance professionnelle de M. F... soit constatée ; que, le 18 juillet 2013, le centre national de gestion a sollicité une inspection de l'agence régionale de santé sur la manière de servir de l'intéressé ; qu'après avoir, le 29 août 2013, à nouveau prolongé la suspension provisoire de ses fonctions de M. F...jusqu'au 1er décembre 2013, le directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy a pris une nouvelle décision, le 27 novembre 2013, portant le terme de cette suspension au 1er mars 2014 ; que M. F...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les trois décisions de suspension des 18 avril 2013, 28 juin 2013 et 27 novembre 2013, ainsi que la décision du 25 avril 2013 par laquelle le directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy a rejeté son recours gracieux contre la décision du 18 avril 2013 ; que, par un jugement du 19 mai 2015, le tribunal a partiellement fait droit à sa demande en annulant les décisions des 28 juin 2013 et 27 novembre 2013 ; qu'il a en revanche rejeté ses conclusions dirigées contre la première décision de suspension du 18 avril 2013 et la décision du 25 avril 2013 ; que M. F...et le centre hospitalier régional universitaire de Nancy relèvent appel de ce jugement ;
Sur l'appel de M.F... :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. (...) Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art. (...) " ;
4. Considérant que le directeur d'un centre hospitalier qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut légalement, lorsque la situation exige qu'une mesure conservatoire soit prise en urgence pour assurer la sécurité des malades et la continuité du service, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein du centre, sous le contrôle du juge et à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné ;
5. Considérant, en premier lieu, que, dans la perspective de la fusion du centre hospitalier universitaire de Nancy et de la maternité régionale universitaire de Nancy, les deux établissements ont mis en place une direction commune par une convention du 2 novembre 2010, qui a confié la présidence du directoire des deux établissements au directeur général du centre hospitalier universitaire ; que M. F...soutient que seul ce dernier avait compétence pour prendre en urgence une mesure conservatoire de suspension d'un praticien hospitalier exerçant à la maternité régionale universitaire de Nancy ; que toutefois, par un arrêté du 4 mars 2013 publié au recueil des actes administratifs du 11 mars 2013, M. D...A..., directeur général du centre hospitalier universitaire de Nancy et de la maternité régionale universitaire de Nancy, avait donné délégation à M. B...E..., directeur adjoint chargé de la maternité régionale universitaire, pour signer tous actes, décisions et documents, sans limitation d'objet, nécessaires pour assurer le fonctionnement et la continuité de l'établissement ; qu'ainsi, M.E..., signataire de la décision du 18 avril 2013, avait régulièrement reçu délégation pour agir en qualité de chef de service de la maternité et, dans ce cadre, faire usage de l'exercice des pouvoirs conférés au directeur d'établissement par les dispositions de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique ; que la circonstance que la décision du 18 avril 2013 ne fait pas mention que M. E...a agi par délégation du président du directoire est sans incidence sur la légalité de cette décision ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, dans un courrier du 8 avril 2013 adressé au directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy, le président de la commission médicale d'établissement, le chef du service gynécologie de la maternité et le chef du pôle de la femme ont fait état de leurs interrogations sur la qualité et la sécurité des soins prodigués par M. F...en raison de l'inobservance des protocoles du service, du dépassement par ce praticien hospitalier de ses temps d'intervention chirurgicale sans tenir compte du planning de programmation opératoire et d'un refus systématique de concertation avec les autres membres de l'équipe ; que si M. F...conteste la matérialité des griefs qui lui ont été faits, il ressort du rapport de la mission d'expertise diligentée par l'agence régionale de santé de Lorraine auprès de deux médecins gynécologues obstétriciens indépendants, que le comportement individualiste de M. F... s'était sensiblement aggravé au début de l'année 2013 et qu'un tel comportement était difficilement compatible avec le fonctionnement normal d'un service universitaire ; que les experts indiquent que les difficultés de M. F...à travailler en équipe étaient susceptibles d'avoir des répercussions sur la prise en charge médicale et de mettre en jeu la sécurité des patientes, en particulier dans le secteur de l'obstétrique dans lequel les interventions ont souvent lieu en urgence ; que si la décision de suspension du 18 avril 2013 est intervenue dans un contexte conflictuel au sein de la maternité, lié à sa restructuration et au projet de fusion avec le centre hospitalier universitaire, il ressort des constatations des deux experts que, du fait même de ce contexte particulier de fortes tensions, l'attitude solitaire de M. F...pouvait compromettre la continuité du service et la sécurité des malades ; qu'ainsi, alors même que M. F...était en poste depuis 20 ans et que sa pratique médicale n'avait précédemment fait l'objet d'aucune critique, les éléments portés à la connaissance du directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy justifiaient qu'il soit décidé le 18 avril 2013, en urgence, de suspendre provisoirement l'intéressé de ses activités cliniques et thérapeutiques ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure de suspension du 18 avril 2013 aurait le caractère d'une sanction déguisée ;
8. Considérant, enfin, que M. F...n'établit pas que la décision litigieuse procéderait d'un détournement de pouvoir ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 18 avril 2013 et du 25 avril 2013 ;
Sur l'appel du centre hospitalier régional universitaire de Nancy :
10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 6152-79 du code de la santé publique : " (...) Le praticien hospitalier qui fait preuve d'insuffisance professionnelle fait l'objet soit d'une mesure de reconversion professionnelle, soit d'une mesure de licenciement avec indemnité. Ces mesures sont prononcées par arrêté du directeur général du Centre national de gestion, après avis de la commission statutaire nationale siégeant dans les conditions fixées par l'article R. 6152-80. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 6152-81 du même code : " Lorsque l'intérêt du service l'exige, le praticien qui fait l'objet d'une procédure prévue à l'article R. 6152-80 peut être suspendu en attendant qu'il soit statué sur son cas. (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au directeur général du centre national de gestion de prononcer les mesures à l'égard d'un praticien hospitalier faisant preuve d'insuffisance professionnelle et que, dans l'attente de sa décision, il peut, lorsque l'intérêt du service l'exige, décider de suspendre le praticien hospitalier de ses activités cliniques et thérapeutiques ; que si, comme il a été dit au point 4 ci-dessus, le directeur d'un établissement hospitalier peut légalement, en sa qualité de chef de service, décider de suspendre un praticien hospitalier, il ne peut prendre une telle décision que lorsque la situation exige qu'une mesure conservatoire soit prise en urgence pour assurer la sécurité des malades et la continuité du service ; qu'en dehors de cette hypothèse, seul le directeur général du centre national de gestion peut décider de suspendre de ses fonctions un praticien hospitalier faisant l'objet d'une procédure pour insuffisance professionnelle ;
12. Considérant que le directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy a, le 28 mai 2013, diligenté une enquête interne auprès du président de la commission médicale d'établissement portant sur la manière de servir de M.F... ; qu'au vu des éléments de cette enquête, alors que M. F...faisait toujours l'objet d'une mesure conservatoire de suspension sans limitation de durée, le directeur de la maternité régionale universitaire de Nancy a, le 28 juin 2013, décidé de prolonger la suspension de fonctions de l'intéressé et demandé au directeur général du centre national de gestion d'engager une procédure en vue de constater son insuffisance professionnelle ; qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur de la maternité avait eu connaissance des résultats de l'enquête interne dès le 19 juin 2013 ; que cette enquête n'a fait que confirmer les inquiétudes à l'égard de la pratique médicale et du comportement de M. F... qui avaient justifié la première mesure de suspension du 18 avril 2013 et qui avaient déjà été portées à la connaissance du directeur général de l'agence régionale de santé lorsqu'il a été informé de la décision du 18 avril 2013 ; que, dans ces conditions et alors que la suspension décidée le 18 avril 2013 continuait de courir, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy ne démontre pas, par la seule référence à l'intérêt du service, l'existence d'une situation d'urgence autorisant le directeur d'établissement à prendre la mesure de suspension du 28 juin 2013 ; qu'il en va de même de la décision du 27 novembre 2013 par laquelle la suspension de fonctions de M. F... a, pour la quatrième fois, été prolongée ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier régional universitaire de Nancy n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions des 28 juin 2013 et 27 novembre 2013 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. F...et par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. F... et par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F...et au centre hospitalier régional universitaire de Nancy.
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N° 15NC01547, 15NC01591