Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision en date du 16 octobre 2012 par laquelle les Hôpitaux universitaires de Strasbourg se sont opposés à ce qu'il poursuive son activité d'entrepreneur, pour laquelle il avait obtenu une autorisation de cumul le 6 février 2012.
Par un jugement n° 1205581 du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juillet 2015, M. C... D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 16 octobre 2012 ;
3°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- cette décision, qui est fondée sur des éléments qui ne lui ont jamais été soumis, a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- cette décision présente un caractère de sanction et a été prise en méconnaissance des droits de la défense afférents à la procédure disciplinaire ;
- l'administration ne pouvait se fonder sur les articles 6 à 8 du décret du 2 mai 2007 pour s'opposer à la poursuite de son activité ;
- ni l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, ni le règlement intérieur du centre hospitalier ne prévoient une telle décision dans l'échelle des sanctions ;
- l'administration n'établit pas que le cumul d'activités compromettrait le fonctionnement du service ;
- la décision contestée méconnaît la liberté d'entreprendre et est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2015, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, représentés par la SELARL CM. Affaires publiques, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les Hôpitaux universitaires de Strasbourg font valoir que :
- la requête est dépourvue d'objet dès lors que le requérant a été révoqué par une décision du 8 octobre 2013, devenue définitive ;
- le moyen tiré d'un défaut de motivation manque en fait ;
- les moyens tirés d'une méconnaissance, dans le cadre de la procédure disciplinaire, des droits de la défense et du principe du contradictoire et le moyen tiré d'une violation de la liberté d'entreprendre sont inopérants ;
- les dispositions de l'article 8 du décret du 2 mai 2007 auxquelles se réfère la décision contestée sont identiques à celles de l'article 14 du même décret qui s'appliquent à la situation du requérant ;
- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, alors applicable ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg.
1. Considérant que M.D..., ouvrier professionnel spécialisé titulaire des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, a bénéficié le 6 février 2012 d'une autorisation de cumul d'activités afin d'exercer, sous un statut d'auto-entrepreneur, les fonctions d'agent commercial auprès d'une agence immobilière ; que, par une décision en date du 16 octobre 2012, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg se sont opposés à la poursuite de cette activité par M.D... ; que celui-ci relève appel du jugement du 3 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2012 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la décision contestée a eu pour effet de priver M.D..., à compter du 16 octobre 2012, de la possibilité d'exercer une activité d'entrepreneur pour laquelle il bénéficiait d'une autorisation de cumul d'une durée maximale de deux ans à compter du 6 février 2012 ; que si l'intéressé a été révoqué par une décision du 8 octobre 2013, devenue définitive, cette circonstance n'a pas eu pour effet de priver d'objet sa demande, présentée le 5 décembre 2012 devant le tribunal administratif de Strasbourg, en vue d'obtenir l'annulation de la décision contestée ; que par suite, contrairement à ce que soutiennent les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le tribunal administratif pouvait, par le jugement attaqué du 3 juin 2015, statuer au fond sur les conclusions d'annulation du requérant ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version alors en vigueur : " I. - Les fonctionnaires (...) consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit (...) / Les fonctionnaires (...) peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice. / II. - L'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative et le 1° du I ne sont pas applicables : 1° Au fonctionnaire (...) qui, après déclaration à l'autorité dont il relève pour l'exercice de ses fonctions, crée ou reprend une entreprise (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires (...) peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service " ; qu'aux termes de l'article 6 du même décret : " (...) L'activité accessoire ne peut être exercée qu'en dehors des heures de service de l'intéressé " ; que selon l'article 8 du même décret : " L'autorité dont relève l'agent peut s'opposer à tout moment à la poursuite d'une activité dont l'exercice a été autorisé, dès lors que l'intérêt du service le justifie, que les informations sur le fondement desquelles l'autorisation a été donnée apparaissent erronées ou que l'activité en cause ne revêt plus un caractère accessoire " ; qu'aux termes de l'article 11 de ce décret : " L'agent qui, en application de la dérogation prévue au 1° du II de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 (...), se propose de créer ou de reprendre une entreprise industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole, présente une déclaration écrite à l'autorité dont il relève, deux mois au moins avant la date de création ou de reprise de cette entreprise (...) " ; que l'article 14 du décret du 2 mai 2007 dispose que " L'autorité compétente se prononce sur la déclaration de cumul d'activités au vu de l'avis rendu par la commission de déontologie. Elle apprécie également la compatibilité du cumul envisagé d'activités au regard des obligations de service qui s'imposent à l'intéressé (...) / L'autorité compétente peut à tout moment s'opposer au cumul d'activités qui contrevient ou ne satisfait plus aux critères de compatibilité mentionnés (...) au premier alinéa du présent article (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, d'une part, que tant les dispositions précitées des articles 6 et 8 du décret du 2 mai 2007 qui fixent le régime applicable aux autorisations d'exercer une activité accessoire que celles de l'article 14 du même décret, qui se rapportent aux autorisations de créer ou de reprendre une entreprise, permettent à l'administration de s'opposer à la poursuite d'une activité autorisée lorsque l'agent n'est plus en mesure de respecter ses obligations de service ; que dans ces conditions, si l'administration s'est référée dans la décision contestée aux articles 6 et 8 du décret du 2 mai 2007 alors que la situation de M. D...relève des dispositions équivalentes de l'article 14, cette circonstance n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation en droit ; que, d'autre part, il ressort des termes de la décision contestée que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg se sont opposés à la poursuite, par M.D..., de son activité d'agent commercial au motif que l'exercice de cette activité portait préjudice à l'accomplissement de ses missions au sein de l'établissement de santé et compromettait le bon fonctionnement du service ; qu'ainsi, cette décision est suffisamment motivée en fait ; que, par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si, pour estimer que l'activité privée de M. D... ne lui permettait plus d'assurer ses obligations de service, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg se sont fondés sur le rapport établi, le 10 octobre 2012, par le directeur du pôle de gestion des relations sociales de l'établissement sur la manière de servir de l'intéressé, ni cette circonstance, ni celle qu'une procédure disciplinaire a par ailleurs été engagée à son encontre le 17 octobre 2012 au titre des faits mentionnés dans ce rapport, ne sont de nature à démontrer que la décision contestée revêtirait le caractère d'une sanction disciplinaire ; que par suite, M. D...ne saurait utilement soutenir qu'il aurait été privé des garanties afférentes à la procédure disciplinaire ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, l'administration n'a pas pour autant l'obligation de prendre l'initiative de lui communiquer les éléments de ce dossier ; que dans ces conditions, M. D..., qui se borne à soutenir que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ne lui ont pas transmis les éléments sur lesquels la décision contestée est fondée, ne saurait soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que si M. D...soutient que son activité d'entrepreneur ne permettait pas aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg de se fonder sur les dispositions des articles 6 et 8 du décret du 2 mai 2007, la décision contestée, motivée par la circonstance que l'activité d'agent commercial exercée par l'intéressé compromettait ses missions au sein du service, trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article 14 du même décret qui peuvent être substituées, ainsi que le faisait valoir l'administration devant les premiers juges, à celles des articles 6 et 8 dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver le requérant d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; que par suite, le moyen précité doit être écarté ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, la décision contestée n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire ; que par suite, le requérant ne saurait utilement soutenir que l'opposition de l'administration à ce qu'il poursuive son activité privée ne figurerait pas dans l'échelle des sanctions disciplinaires ;
10. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi le 10 octobre 2012 par le supérieur hiérarchique de M.D..., qu'après avoir été autorisé à exercer une activité d'entrepreneur, ce dernier a montré des retards de plus en plus fréquents dans la prise de service, a utilisé une partie importante des heures de service pour des appels téléphoniques privés et a adopté à l'égard de ses collègues un comportement manifestant son détachement vis-à-vis de l'administration et la priorité donnée à son activité privée ; que les éléments produits par M. D..., qui visent à démontrer que ses nombreux appels téléphoniques étaient en fait réservés à sa compagne, ne sont pas de nature à contredire les faits recueillis par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, dont il ressort que l'intéressé n'était plus en mesure d'assurer ses obligations de service ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration se serait fondée sur des faits matériellement inexacts pour prendre la décision contestée ;
11. Considérant, en septième lieu, que dès lors que l'administration fait usage, dans les conditions et pour les motifs que la loi prévoit, de son pouvoir de s'opposer à une autorisation de cumul accordée à un agent pour l'exercice d'une activité privée, elle ne peut être regardée comme portant atteinte à une liberté fondamentale ; qu'ainsi, M. D...n'est pas fondé à invoquer une prétendue méconnaissance de la liberté d'entreprendre ;
12. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. D...demande le versement au titre des dépens et des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...le versement de la somme que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg demandent sur le fondement des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des Hôpitaux universitaires de Strasbourg présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg.
2
N° 15NC01469