Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1505857 et 1505858 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 5 avril 2016, sous le n° 16NC00595, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il porte rejet de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de trente euros par jour de retard, d'une part, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer un titre de séjour, de lui délivrer, d'autre part, dans les plus brefs délais une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé est insuffisamment motivé ;
- elle ne pourra pas accéder en Albanie au traitement médicamenteux que son état de santé requiert ;
- le préfet s'est cru tenu de l'obliger à quitter le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;
- cette décision n'est pas motivée en tant qu'elle fixe l'Albanie comme pays de renvoi ;
- elle encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Albanie.
II. Par une requête, enregistrée le 5 avril 2016, sous le n° 16NC0596, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il porte rejet de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de trente euros par jour de retard, d'une part, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer un titre de séjour, de lui délivrer, d'autre part, dans les plus brefs délais une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé dans le cadre de la demande de titre de séjour déposée par son épouse est insuffisamment motivé ;
- son épouse ne pourra pas accéder en Albanie au traitement médicamenteux que son état de santé requiert ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et s'est cru tenu de l'obliger à quitter le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;
- cette décision n'est pas motivée en tant qu'elle fixe l'Albanie comme pays de renvoi ;
- il encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Albanie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2016, le préfet de la Moselle conclut au rejet des requêtes ;
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 22 juillet 2016.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 dont les dispositions sont reprises par le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Etienvre.
1. Considérant que M. C...B...et son épouse, Mme D...B..., ressortissants albanais, entrés en France selon leurs déclarations, le 21 février 2013, ont sollicité l'octroi du statut de réfugiés ; que leurs demandes ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; que Mme B... a également demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que son époux a présenté une demande de titre en tant qu'accompagnant ; que le 8 juillet 2015, le préfet de la Moselle a pris deux arrêtés portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 25 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés ;
2. Considérant que la requête de MmeB..., enregistrée sous le n° 16NC00595, et celle de son époux, M.B..., enregistrée sous le n° 16NC00596, présentent à juger des mêmes questions et sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays.
Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé.
Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. " ;
4. Considérant, en premier lieu, que le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine a, dans son avis du 17 juin 2015, indiqué que l'état de santé du demandeur nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existait un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée, que les soins nécessités par son état de santé devaient, en l'état actuel, être poursuivis et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de Mme B...lui permettait de voyager sans risque vers l'Albanie ; qu'il n'avait pas, sans risquer de porter atteinte nécessairement au secret médical, à donner des précisions sur la gravité de la pathologie de Mme B...et la nature des traitements suivis ; que le moyen tiré du caractère insuffisamment détaillé de l'avis doit être dès lors écarté comme manquant en fait ;
5. Considérant, en second lieu, que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; qu'ainsi, la charge de la preuve de la disponibilité du traitement médical ne pèse pas sur l'administration, pas plus qu'elle ne pèse sur l'étranger, dès lors que s'applique en la matière le régime de la preuve objective ;
6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
7. Considérant que, comme il a été dit précédemment, par un avis émis le 17 juin 2015, le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine a estimé que l'état de santé de M. B...ne nécessitait pas une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que les requérant se bornent à soutenir que les médicaments, que l'état de santé de Mme B...requiert, ne sont pas disponibles en Albanie, sans contester l'absence de telles conséquences en cas de défaut de prise en charge médicale ; qu'ils ne sont par suite pas fondés à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Moselle a refusé de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade et, par suite, à M. B...un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'un étranger malade ;
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle ne s'est pas cru tenu d'obliger les intéressés à quitter le territoire français ;
9. Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle des intéressés alors même que Mme B...doit bénéficier d'un traitement médicamenteux adapté à sa pathologie ;
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
10. Considérant, en premier lieu, que les décisions qui fixent l'Albanie comme pays de renvoi satisfont aux exigences de motivation ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
12. Considérant que M. et MmeB..., dont les demandes d'asile et de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, ne justifient pas de la réalité des risques de traitement dégradants qu'ils seraient susceptibles d'encourir en cas de retour en Albanie ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. et Mme B...ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 2 février 2017, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Etienvre, président assesseur,
M. Di Candia, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mars 2017.
Le rapporteur,
Signé : F. ETIENVRELe président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : S. GODARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. GODARD
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N° 16NC00595, 16NC00596