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09/02/2017 | FRANCE | N°16NC02589

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 09 février 2017, 16NC02589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité central d'entreprise de la société Albany International France SAS, le comité d'établissement de Sélestat de cette société, M. A...E..., Mme T...K..., Mme AD...W..., M. AO...F..., M. G...AA..., M. N...Z..., M. U...J..., M. M...AI..., M. AE...L..., M. C...AF..., M. AO...R..., M. Q...AJ..., M. AT... -D...O..., M.AS..., M. AC...P..., M. D...AQ..., Mme X...AK..., M. AP...AR..., M. AB...I..., Mme Y...S..., Mme AL...V...et M. AH...H...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la dé

cision du 20 mai 2016 par laquelle la directrice régionale des entrepris...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité central d'entreprise de la société Albany International France SAS, le comité d'établissement de Sélestat de cette société, M. A...E..., Mme T...K..., Mme AD...W..., M. AO...F..., M. G...AA..., M. N...Z..., M. U...J..., M. M...AI..., M. AE...L..., M. C...AF..., M. AO...R..., M. Q...AJ..., M. AT... -D...O..., M.AS..., M. AC...P..., M. D...AQ..., Mme X...AK..., M. AP...AR..., M. AB...I..., Mme Y...S..., Mme AL...V...et M. AH...H...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Alsace - Champagne-Ardenne - Lorraine a validé l'accord collectif majoritaire du 20 avril 2016 valant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Albany International France SAS, ainsi que la décision implicite par laquelle cette même autorité a rejeté la demande d'injonction présentée le 14 avril 2016 par le comité central d'entreprise et les organisations syndicales CGT, CFDT, CFE-CGC et FO.

Par un jugement n° 1603839 du 28 septembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 9 janvier 2017, le comité central d'entreprise de la société Albany International France SAS, le comité d'établissement de Sélestat de cette société, M. A...E..., Mme T...K..., M. AO... F..., M. G...AA..., M. U...J..., M. M...AI..., M. AE...L..., M. C...AF..., M. AO... R..., M. Q...AJ..., M. AT...-D...O..., M.AS..., M. AC...P..., Mme X...AK..., M. AP...AR..., Mme Y...S..., Mme AL... V...et M. AH...H..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 septembre 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 20 mai 2016, ainsi que la décision implicite née du silence gardé sur la demande d'injonction présentée le 14 avril 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros, à verser à chacun des requérants, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- les documents remis par la société Albany International France SAS au comité central d'entreprise, au comité d'établissement de Sélestat et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail étaient revêtus d'une clause de confidentialité générale du 15 février au 22 mars 2016, portant atteinte aux droits de ces organismes et viciant la procédure de consultation ;

- le comité d'entreprise européen n'a pas été consulté, en méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la convention d'information et de consultation transnationale des employés de la société Albany International Europe ;

- la décision d'injonction adressée le 12 avril 2016 par la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi à la société Albany International France n'a pas été communiquée aux organisations syndicales représentatives, en méconnaissance des dispositions du 4e alinéa de l'article D. 1233-12 du code du travail ;

- la réponse de la société Albany International France à cette décision d'injonction n'a été portée à la connaissance ni du comité central d'entreprise, ni du comité d'établissement de Sélestat, ni encore des organisations syndicales, alors qu'aucune réunion n'a été organisée afin d'examiner les termes de cette réponse ;

- la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ne pouvait rejeter la demande d'injonction formée le 14 avril 2016, laquelle ne présentait pas de caractère tardif ;

- le comité central d'entreprise et le comité d'établissement de Sélestat n'ont pu rendre un avis éclairé sur le projet de restructuration dès lors que celui-ci a été modifié, au cours de la procédure de consultation et d'information, en ce qui concerne l'externalisation des activités de maintenance ;

- le comité central d'entreprise et le comité d'établissement n'ont reçu aucune information de la société sur le bilan des activités de recherche et développement (RetD), sur les fiches de poste des salariés de RetD, sur les projets d'acquisition par des salariés des activités RetD abandonnées par la société et sur l'arrêt de l'activité composite jusqu'alors prise en charge au titre de la RetD ;

- les informations se rapportant aux résultats économiques et financiers étaient parcellaires et erronées et n'ont pas permis aux instances de consultation de rendre un avis éclairé.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2016, la société Albany International France SAS, représentée par Me Devernayet MeAM..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Albany International France SAS fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures produites devant les premiers juges ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

L'instruction a été close à la date du 16 janvier 2017 par une ordonnance du 9 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour les requérants, de MmeAN..., adjointe au directeur régional adjoint de l'unité départementale du Bas-Rhin, représentant le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et de MeAG..., pour la société Albany International France SAS.

1. Considérant que la société Albany International France (AIF), qui appartient au groupe Albany International Corporation dont le siège se trouve à Rochester (Etats-Unis), dispose de deux établissements situés à Sélestat (Bas-Rhin) et à Saint-Junien (Haute-Vienne) spécialisés dans la fabrication de tissus techniques et de matériaux textiles destinés à l'habillage des machines industrielles ; que la société AIF a engagé le 22 janvier 2016 une procédure d'information et de consultation des représentants du personnel en vue d'une opération de restructuration consistant à supprimer le service de recherche et développement (dit " RetD ") de l'établissement de Sélestat et à licencier les 22 salariés de ce service pour motif économique ; que, parallèlement à cette procédure, la société AIF a engagé une négociation avec les organisations syndicales représentatives de l'entreprise afin de conclure un accord collectif portant sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ; que s'estimant insuffisamment informés sur le contenu du projet de restructuration, le comité central d'entreprise et les organisations syndicales ont saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Alsace - Champagne-Ardenne - Lorraine à deux reprises, les 5 avril 2016 et 14 avril 2016, afin qu'il soit enjoint à la direction de la société AIF de produire les compléments d'information jugés nécessaires ; que seule la première demande a reçu une suite favorable, donnant lieu à une injonction de l'administration à la société le 12 avril 2016 ; que les négociations de la société AIF avec les organisations syndicales ont abouti à la conclusion, le 20 avril 2016, d'un accord collectif portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi ; que cet accord, transmis le jour même à l'administration a fait l'objet d'une décision de validation le 20 mai 2016 ; que le comité central d'entreprise de la société AIF, le comité d'établissement de cette société pour le site de Sélestat et les salariés concernés ont sollicité l'annulation de cette décision, ainsi que de la décision implicite rejetant la demande d'injonction adressée au service le 14 avril 2016 ; que le comité central d'entreprise de la société AIF, le comité d'établissement de Sélestat et 18 des 22 salariés présents en première instance relèvent appel du jugement du 28 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant la demande d'injonction adressée au service le 14 avril 2016 :

2. Considérant que si les requérants réitèrent en appel leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision susvisée, ils ne contestent pas l'irrecevabilité opposée par les premiers juges à ces mêmes conclusions ; que, par suite, lesdites conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 mai 2016 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d'entreprise et de mise en oeuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-57-2 du même code : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 (...) " ;

Quant au défaut de consultation du comité d'entreprise européen :

4. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 1233-57-2 du code du travail n'ont pas pour objet d'imposer à l'autorité administrative, avant de valider l'accord collectif portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise européen dont pourrait être pourvu le groupe auquel appartient l'entreprise à l'origine de ce plan ; qu'ainsi, la régularité de la décision validant l'accord collectif se rapportant à ce plan ne saurait être subordonnée à la consultation régulière d'un tel comité ; qu'au surplus, si les requérants entendent se prévaloir de la convention d'information et de consultation transnationale du 20 octobre 2000 qui prévoit, pour les sociétés européennes du groupe Albany International Corporation, une procédure de consultation du comité d'entreprise européen pour " les affaires transnationales concernant des transferts de production, discussions en vue d'une fusion, diminution de production, fermeture d'entreprises ou des licenciements collectifs ", le projet mis en oeuvre par la société AIF, qui a pour objet la suppression du service RetD de l'établissement de Sélestat et le licenciement des salariés employés dans ce service, ne présente pas le caractère d'une " affaire transnationale " relevant de la compétence du comité d'entreprise européen ;

Quant à la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité central d'entreprise et du comité d'établissement :

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1233-30 du code du travail : " Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité d'entreprise prévue au présent article. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, combinées avec celles du 2° de l'article L. 1233-57-2 du code du travail citées au point 3 du présent arrêt, que, lorsqu'elle est saisie par l'employeur d'une demande de validation d'un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 1233-24-1 et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise prescrite par ces dispositions a été régulière ; qu'elle ne peut ainsi légalement accorder la validation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et, à ce titre, sur le plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en revanche, le moyen tiré de ce que la décision validant un tel accord serait illégale en raison d'un vice affectant la consultation du comité d'entreprise sur les éléments du projet de licenciement collectif fixés par l'accord collectif majoritaire qu'il soumet à la validation de l'administration est, ainsi qu'il ressort du quatrième alinéa de l'article L. 1233-30 précité, inopérant ;

S'agissant de la procédure d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-57-5 du code du travail : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours " ; qu'aux termes de l'article D. 1233-12 du même code : " La demande mentionnée à l'article L. 1233-57-5 est adressée par le comité d'entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel, ou, en cas de négociation d'un accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 par les organisations syndicales représentatives de l'entreprise, au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent en application des articles R. 1233-3-4 et R. 1233-3-5, par tout moyen permettant de conférer une date certaine. / (...). / S'il décide de faire droit à la demande, le directeur régional adresse une injonction à l'employeur par tout moyen permettant de lui conférer une date certaine. Il adresse simultanément une copie de cette injonction à l'auteur de la demande, au comité d'entreprise et aux organisations syndicales représentatives en cas de négociation d'un accord mentionné à l'art. L. 1233-24-1 " ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'à la demande des instances représentatives du personnel, la DIRECCTE a, par une décision du 12 avril 2016, enjoint à la société AIF de produire une analyse comparative du seuil de rentabilité de l'entreprise, avec ou sans service de RetD, afférente aux années 2015 à 2016, ainsi qu'une analyse évaluant l'intérêt stratégique d'une fermeture de ce service en France et l'effectif des salariés employés par le groupe en France ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision d'injonction a été transmise en copie aux secrétaires du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de Sélestat ; que si l'administration a demandé aux secrétaires de ces deux instances représentatives du personnel de transmettre cette décision aux organisations syndicales, au lieu d'y procéder elle-même comme le prévoient les dispositions précitées de l'article D. 1233-12 du code du travail, une telle circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de Sélestat dès lors, en tout état de cause, qu'il ressort des pièces du dossier que les responsables syndicaux signataires de l'accord majoritaire sont par ailleurs membres de l'un ou de l'autre comité ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en réponse à l'injonction du 12 avril 2016, la société AIF a adressé, le 15 avril 2016, un courrier à la DIRECCTE accompagné des éléments d'information demandés ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'une copie de ce courrier et de ses pièces annexes a été transmise à l'expert-comptable mandaté par le comité central d'entreprise et aux membres de ce même comité, avant que celui-ci ne se prononce sur le projet de restructuration le 20 avril 2016, à 14 heures ; que si la société AIF ne justifie pas avoir communiqué ce courrier de réponse aux membres du comité d'établissement de Sélestat, il ressort toutefois du compte rendu de la séance tenue le 20 avril 2016 à 16 heures par ce comité que celui-ci en a nécessairement eu connaissance avant de se prononcer sur le projet de la société ; qu'au demeurant, plusieurs membres du comité d'établissement participant à la séance du 20 avril 2016 avaient participé à la séance du comité central d'entreprise du même jour et avaient donc reçu, en leur qualité de membre de ce comité central, copie de la réponse de la société AIF du 15 avril 2016 ; que par ailleurs, il n'est pas établi que l'absence de transmission des éléments de réponse de la société aux organisations syndicales représentatives aurait été de nature à entacher d'irrégularité la signature de l'accord d'entreprise par ces mêmes organisations ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail : " (...) / Le comité d'entreprise tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours. / II.-Le comité d'entreprise rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent (...) " ;

10. Considérant que le comité central d'entreprise a tenu sa première réunion afin d'étudier le projet de restructuration de la société AIF le 15 février 2016 et devait se prononcer sur ce projet le 20 avril suivant, après que la date retenue pour la deuxième séance a été reportée de quinze jours par un accord de méthode conclu le 13 avril 2016 par la société et les organisations syndicales représentatives ; que si ces dernières et le comité central d'entreprise de la société ont présenté à la DIRECCTE une demande d'injonction datée du 14 avril 2016, il est constant que cette demande n'a été reçue par le service que le 18 avril 2016, soit deux jours avant la date prévue pour la réunion au cours de laquelle le comité central d'entreprise devait rendre son avis et alors que l'administration disposait d'un délai de cinq jours pour y répondre ; que, par suite, l'autorité administrative pouvait sans méconnaître les dispositions de l'article L. 1233-57-5 du code du travail refuser de donner une suite favorable à la demande d'injonction au motif qu'elle n'avait pas été formée en temps utile ;

S'agissant de l'imposition d'une clause générale de confidentialité :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2325-5 du code du travail : " (...) Les membres du comité d'entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l'employeur " ;

12. Considérant que si les documents soumis au comité central d'entreprise et au comité d'établissement de Sélestat en vue de leur première réunion sur le projet de restructuration, respectivement les 15 et 16 février 2016, étaient revêtus d'une clause de confidentialité générale, il ressort des pièces du dossier que, par une note du 21 mars 2016 adressée aux deux comités, la société AIF a levé cette clause et spécifié les seules informations revêtant selon elle un caractère confidentiel ; que les informations portées dans cette note ont été réitérées par la société AIF lors des réunions des deux comités le 22 mars 2016 ; que les requérants n'apportent à l'instance aucun élément de nature à démontrer que la clause de confidentialité générale, qui s'est appliquée jusqu'au 22 mars 2016, aurait porté atteinte aux prérogatives du comité central d'entreprise et du comité d'établissement qui se sont prononcés, en dernier lieu, le 20 avril 2016 ; que par ailleurs, les requérants n'allèguent pas qu'eu égard aux éléments identifiés comme confidentiels par la société AIF après le 22 mars 2016, les deux comités se seraient trouvés dans l'impossibilité d'émettre un avis régulier ;

13. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 4614-9 du code du travail : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail reçoit de l'employeur les informations qui lui sont nécessaires pour l'exercice de ses missions (...) / Les membres du comité sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l'employeur (...) " ;

14. Considérant qu'en vue de la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sur le projet de restructuration, la société AIF a remis aux membres de ce comité une note qui rappelle l'obligation de discrétion à laquelle ces derniers sont tenus à l'égard des informations revêtant un caractère confidentiel et identifiées par un liseré rouge dans ladite note ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'exemplaire de cette note produite à l'instance, que celle-ci aurait été revêtue d'une clause générale de confidentialité ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'information et de consultation du CHSCT aurait été irrégulière ;

S'agissant des informations données aux organisations représentatives du personnel :

15. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la note d'information destinée au comité central d'entreprise de la société AIF et au comité d'établissement de Sélestat en vue de leur consultation sur l'arrêt des activités de RetD sur le site de Sélestat, que le projet de restructuration mis en oeuvre par la société vise à centraliser une partie des activités de recherche et développement sur le site dont dispose le groupe Albany International Corporation en Suède et à externaliser une autre partie de cette activité, notamment la construction de machines et de pièces détachées, en Autriche auprès d'une entreprise partenaire, extérieure au groupe ; qu'il ressort en outre du rapport de l'expertise diligentée par le CHSCT de la société AIF que l'entretien des équipements et matériels de l'établissement de Sélestat est assuré par le personnel de la maintenance affecté à l'activité de production, auquel les agents du service de RetD apportent une assistance notamment pour la maintenance électronique et informatique des machines de jonction ; que, pour répondre aux critiques de l'expert et des membres du CHSCT qui estimaient que la restructuration envisagée aurait pour conséquence un alourdissement de la charge de travail des personnels de maintenance affectés à la production, la direction de la société AIF leur a précisé, lors de la réunion exceptionnelle de ce comité le 11 avril 2016, que ces personnels étaient en mesure d'assurer la maintenance mécanique, électrique, électronique et informatique des équipements de production ; qu'il n'est pas pour autant établi qu'en donnant cette réponse, la société aurait entendu abandonner son projet d'externaliser une partie de l'activité RetD en Autriche ; qu'à supposer, ainsi que l'ont relevé les membres du CHSCT, que les modalités prévues par la société AIF pour réorganiser les fonctions de maintenance soient insuffisantes, les précisions données par ladite société lors de la réunion du 11 avril 2016 n'ont pas eu pour effet, eu égard à leur portée, de modifier le projet initial dans des conditions telles qu'en l'absence d'information sur ce point, le comité central d'entreprise et le comité d'établissement de Sélestat se seraient trouvés dans l'impossibilité de rendre un avis éclairé sur ledit projet ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que la note d'information remise aux représentants du personnel en vue de se prononcer sur le projet de restructuration litigieux précise les raisons économiques pour lesquelles la société AIF souhaite supprimer les activités de RetD sur le site de Sélestat afin de rationaliser les coûts de production et sauvegarder la compétitivité du groupe, et comporte un descriptif des modalités de la restructuration projetée, consistant à transférer une partie des activités de RetD vers le site suédois et à externaliser d'autres activités auprès d'une entreprise partenaire en Autriche ; que cette opération a fait l'objet d'une première présentation lors des réunions du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de Sélestat du 22 janvier 2016 et a de nouveau été examinée lors des réunions que ces deux comités ont tenues, respectivement, les 15 et 16 février 2016 ; que le comité central d'entreprise a désigné un expert-comptable afin de l'assister dans le cadre de la procédure de consultation et d'information, et dont le rapport a été examiné lors de la séance de ce comité le 5 avril 2016 ; qu'il ressort en outre du compte rendu de cette réunion du 5 avril 2016 que la société AIF a produit des éléments supplémentaires afin de répondre aux questions écrites de l'expert-comptable et des délégués syndicaux centraux portant notamment sur le plan stratégique de l'entreprise et le résultat d'exploitation prévisionnel ; que la société a remis aux membres du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de Sélestat, au cours d'une séance tenue le 14 avril 2016, une analyse écrite répondant à plusieurs critiques de l'expert sur la stratégie du groupe et la pertinence de l'opération de restructuration envisagée, notamment au regard de la viabilité économique du site de Sélestat ; qu'à la suite de l'injonction adressée par la DIRECCTE le 12 avril 2016, la société AIF a produit une analyse documentée du seuil de rentabilité de l'entreprise sur les années 2015 à 2017, une analyse économique permettant d'évaluer l'intérêt stratégique d'un arrêt de la RetD en France, ainsi que l'effectif des salariés du groupe en Europe ; que ces éléments, ainsi qu'il a été dit plus haut, ont été remis en copie aux membres du comité central d'entreprise ;

17. Considérant, d'une part, que si les requérants reprochent à la société AIF de ne pas avoir répondu de façon satisfaisante aux projets alternatifs d'acquisition présentés par des salariés de l'entreprise, les éléments d'information relatifs à ces projets, qui visent à apprécier la possibilité de maintenir des emplois sur le site de Sélestat, se rapportent à la procédure d'information et de consultation portant sur le seul plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'ainsi, l'insuffisance de ces éléments d'information, à la supposer avérée, est, en l'espèce, sans incidence sur la régularité de la procédure de consultation portant sur le projet de restructuration et ses modalités d'application, au sens du 1° de l'article L. 1233-30 du code du travail ; que par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que la procédure d'information et de consultation serait viciée sur ce point ;

18. Considérant, d'autre part, que si les requérants soutiennent n'avoir reçu aucune information sur le devenir de l'activité " composite " prise en charge par le service de recherche et développement, l'expert-comptable désigné par le comité central d'entreprise a relevé dans son rapport qu'un seul agent de ce service a participé à ladite activité de 2013 à 2015, pour une partie de son temps de travail, sur le site du groupe Albany International Corporation à Rochester ; qu'il ne ressort pas des éléments produits en appel, notamment des attestations établies par cinq des vingt-deux salariés du service de recherche et développement qui indiquent avoir participé à des projets de conception d'équipements en composite sur d'autres sites du groupe, que ces projets auraient constitué l'une des activités principales dudit service ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les membres du comité central d'entreprise et du comité d'établissement, auxquels le rapport d'expertise précité a été présenté, auraient eu besoin d'informations supplémentaires sur ce point avant de se prononcer sur le projet de restructuration litigieux ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments d'information se rapportant à l'ensemble des activités de RetD et aux postes supprimés dans le cadre de la restructuration, soumis par la société AIF aux deux comités, auraient mérité d'être complétés avant qu'un avis soit rendu sur l'opération projetée et ses modalités d'application ;

19. Considérant, enfin, que les requérants font valoir que le comité central d'entreprise et le comité d'établissement ont refusé de rendre formellement un avis sur le projet de restructuration en raison d'informations insuffisantes ou contradictoires, notamment en ce qui concerne le bilan des diverses activités de la RetD et le seuil de rentabilité de l'entreprise selon que ces activités seraient maintenues ou non ; que toutefois, il ressort des termes mêmes des comptes rendus des séances que ces deux comités ont tenues le 20 avril 2016 que leur refus de se prononcer est essentiellement motivé par la circonstance que le projet de suppression de la RetD sur le site de Sélestat est économiquement injustifié, qu'il repose sur une décision stratégique du groupe de mettre fin à cette activité sur le territoire français et qu'il constitue une menace pour l'avenir de la société AIF ; qu'ainsi, tant le comité central d'entreprise que le comité d'établissement ont été en mesure de porter une appréciation sur le projet de restructuration soumis à leur examen au vu des données économiques et financières obtenues dans le cadre de la procédure d'information et de consultation ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les informations, dont les requérants soutiennent qu'elles auraient fait défaut, étaient nécessaires aux instances représentatives du personnel pour leur permettre de rendre un avis éclairé sur le projet de suppression de l'activité de RetD en lui-même et sur ses modalités de mise en oeuvre, au sens des dispositions du 1° de l'article L. 1233-30 du code du travail ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 19 que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'information et de consultation du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de Sélestat aurait été irrégulière ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que le comité central d'entreprise de la société AIF et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont les requérants demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes dont la société Albany France International France SAS demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du comité central d'entreprise de la société AIF et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Albany France International France SAS présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au comité central d'entreprise de la société Albany International France SAS, au comité d'établissement de Sélestat de cette société, à M. A...E..., à Mme T...K..., à M. AO...F..., à M. G...AA..., à M. U...J..., à M. M...AI..., à M. AE...L..., à M. C...AF..., à M. AO...R..., à M. Q...AJ..., à M. AT...-D...O..., à M.AS..., à M. AC...P..., à Mme X...AK..., à M. AP...AR..., à Mme Y...S..., à Mme AL...V..., à M. AH...H..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Albany International France SAS.

2

N° 16NC02589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02589
Date de la décision : 09/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BOURGUN DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-02-09;16nc02589 ?
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