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02/02/2017 | FRANCE | N°16NC01120

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 02 février 2017, 16NC01120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 avril 2016 du préfet du Haut-Rhin de remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1602431 du 13 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2016, M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de lui délivrer une attestation de demandeu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 avril 2016 du préfet du Haut-Rhin de remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1602431 du 13 mai 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2016, M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile et un formulaire de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de

1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le signataire n'avait pas compétence ;

- les différentes brochures contenant les informations requises par la réglementation européenne lui été ont communiquées plus de six mois après le relevé de ses empreintes et l'intervention, le 2 novembre 2015, de la décision par laquelle le préfet a refusé de l'admettre provisoirement au séjour ;

- cette procédure et le nouvel entretien individuel du 15 avril 2016 ne sont intervenus que pour régulariser le vice affectant la précédente décision de remise ;

- l'autorité de la chose jugée par le tribunal le 7 mars 2016 est méconnue ;

- les dispositions des articles 27 et 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 faisaient obstacle à l'intervention d'une nouvelle décision de remise tant que la cour n'avait pas statué sur l'appel interjeté par le préfet contre le jugement du 7 mars 2016 ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas jouer la clause de souveraineté compte tenu de la situation d'engorgement que connaît l'Etat italien face à l'afflux de réfugiés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2016, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 23 juin 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Etienvre.

1. Considérant que, par arrêté du 11 janvier 2016, le préfet du Haut-Rhin a décidé la remise de M. B...aux autorités italiennes ; que ce dernier en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Strasbourg ; que, par jugement du 7 mars 2016, la vice-présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté au motif, d'une part, que le préfet avait méconnu a méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE)

n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et au motif, d'autre part, qu'il n'était pas établi que M. B...sera traité par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que le premier juge a également enjoint au préfet de procéder dans un délai d'un mois à un nouvel examen de la demande de M.B... ; qu'après un nouvel examen, le préfet du Haut-Rhin a, le 23 avril 2016, décidé la remise de M. B...aux autorités italiennes ; que l'intéressé relève appel du jugement du 13 mai 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, que, comme l'a relevé le premier juge, le signataire de l'arrêté contesté, M. Marx, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin, disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n 'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres " ; qu'aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les informations relatives au relevé des empreintes digitales prévues par l'article 18 du règlement du 11 décembre 2000 précité doivent être fournies lors du relevé de ces empreintes ou, en tout cas, avant que ne soit adoptée la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile ; qu'en outre, le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement susmentionné du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de l'instruction de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ;

5. Considérant que ces informations n'ont été communiquées à M. B...que lors de la nouvelle procédure engagée par le préfet pour exécuter l'injonction du tribunal administratif de Nancy, soit plus de six mois après que l'intéressé se soit présenté le 30 octobre 2015, devant les services de la préfecture pour déposer une demande d'asile, faire le relevé de ses empreintes et postérieurement à l'intervention, le 2 novembre 2015, de la décision par laquelle le préfet a refusé de l'admettre provisoirement au séjour ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, qui a fait valoir ses observations au cours de l'entretien individuel du 15 avril 2016 préalablement à la décision contestée, n'a été privé d'aucune garantie et que la délivrance, dans ces conditions, de ces informations n'a eu aucune influence sur le sens de la nouvelle décision de remise de M. B...aux autorités italiennes ;

6. Considérant, en dernier lieu, que, comme il vient d'être dit, M. B...a bénéficié d'un nouvel entretien, le 15 avril 2016, au cours duquel l'ensemble des informations requises lui a été communiqué oralement en langue anglaise qu'il comprenait ;

En ce qui concerne la légalité interne :

7. Considérant, en premier lieu, que l'intervention d'une nouvelle décision de remise ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Nancy le 7 mars 2016 ; qu'au contraire, le magistrat a enjoint au préfet de procéder à une nouvelle instruction de la demande de M.B... ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions des articles 27 et 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoient seulement, en cas d'appel d'un jugement annulant une décision de remise, que le délai pour exécuter cette décision court à compter de la décision prise par le juge d'appel ; qu'elles sont, en revanche, sans influence sur la légalité d'une nouvelle décision de remise ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M. B...soutient que, eu égard aux défaillances systémiques existantes dans la procédure d'asile en Italie, il ne bénéficiera pas de l'ensemble des garanties prévues par cette procédure et qu'en conséquence, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas jouer la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...) La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2 (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) " ; qu'aux termes de l'article 17 de ce même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " ;

11. Considérant toutefois que l'Italie est un membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant ; que dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;

12. Considérant qu'en se bornant à se prévaloir de la situation d'engorgement que connaît l'Etat italien face à l'afflux des réfugiés et demandeurs d'asile, des mesures provisoires adoptées, le 22 septembre 2015, par le Conseil de l'Union européenne au profit de l'Italie et de la Grèce, du silence gardé par les autorités italiennes sur la demande de saisine formulée par l'Etat français et en produisant différents rapports datés de 2011 et 2012,

M. B...n'établit pas qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque sérieux de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet a décidé sa remise aux autorités italiennes ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au conseil de M. B...de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 16NC01120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01120
Date de la décision : 02/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-02-02;16nc01120 ?
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