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26/01/2017 | FRANCE | N°16NC00319

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2017, 16NC00319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa remise aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 1600382 du 5 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Haut-Rhin

du 19 novembre 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2016, le préfet du Haut-Rhin demand

e à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 février 2016 ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa remise aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 1600382 du 5 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Haut-Rhin

du 19 novembre 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2016, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 février 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant ce tribunal.

Il soutient que le tribunal a fait une application erronée de l'article 16 du règlement (UE) du 26 juin 2013 et a inexactement apprécié les faits de l'espèce.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2016, M.B..., représenté par Me C..., conclut, à titre principal, à ce que la cour prononce un non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête. Il demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la requête est devenue sans objet puisqu'il a été admis au séjour en qualité de demandeur d'asile le 21 mars 2016 ;

- la décision de remise aux autorités allemandes méconnaît les dispositions de l'article 16 du règlement du 26 juin 2013 ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ;

- l'intensité des liens qu'il entretient avec sa fille et sa compagne est établie par les pièces qu'il produit ;

- il a informé le préfet qu'il avait un enfant dès le dépôt de sa demande d'asile, mais ce dernier n'en a pas tenu compte ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale accordée à M. B...en première instance a été maintenu de plein droit par une décision du 26 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant turc né le 20 juin 1977, est entré irrégulièrement en France le 17 juin 2015 afin d'y solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que le relevé de ses empreintes digitales a mis en évidence la délivrance d'un visa touristique par les autorités allemandes le 29 avril 2015 ; que ces dernières, responsables de la demande d'asile de l'intéressé en application du a) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont fait connaître leur accord pour sa réadmission le 2 octobre 2015 ; que, par une décision du 19 novembre 2015, le préfet du Haut-Rhin a ordonné la remise de M. B...aux autorités allemandes ; que, par un jugement du 5 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté ; que le préfet du Haut-Rhin relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par M.B... :

2. Considérant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a enjoint au préfet du Haut-Rhin de remettre à M. B...un formulaire de demande d'asile ; que l'intéressé, qui avait initialement déposé sa demande d'asile auprès de la préfecture du Haut-Rhin, réside désormais dans le Bas-Rhin ; que le préfet du Bas-Rhin a transmis sa demande à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure normale et a muni M. B...d'une attestation de dépôt de demande d'asile valable du 21 mars au 20 avril 2016 ; que ces mesures ont été prises par le préfet du Bas-Rhin pour assurer l'exécution du jugement attaqué du 5 février 2016 ; qu'il s'ensuit que les conclusions d'appel du préfet du Haut-Rhin tendant à l'annulation de ce jugement n'ont pas perdu leur objet en cours d'instance ; que, dès lors, les conclusions de M. B...tendant à ce que la cour constate un non-lieu doivent être rejetées ;

Sur l'appel du préfet du Haut-Rhin :

En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal administratif de Strasbourg :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. / 2. Lorsque l'enfant (...) visé au paragraphe 1 réside légalement dans un Etat membre autre que celui où se trouve le demandeur, l'Etat membre responsable est celui dans lequel l'enfant (...) réside légalement (...) " ;

4. Considérant que M. B...fait valoir qu'il est le père d'une enfant née en France le 5 octobre 2011, qu'il a reconnue le 31 octobre suivant et dont la mère est titulaire d'une carte de résident ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...aurait contribué d'une quelconque façon à l'entretien de sa fille depuis sa naissance, ni même qu'il participait, à la date de la décision litigieuse, à son éducation ; que sa fille, qui, pendant presque quatre années, a vécu séparée de son père et sans son soutien matériel et affectif, ne saurait être regardée comme dépendante de l'assistance de celui-ci au sens des dispositions du premier paragraphe de l'article 16 du règlement dit Dublin III ; que, dès lors, M. B...n'entre pas dans les prévisions de ces dispositions ; qu'en tout état de cause, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions du deuxième paragraphe de ce même article dès lors qu'à la date à laquelle il a sollicité l'asile, il se trouvait, comme sa fille, en France ; que, dès lors, le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a estimé que la décision du 19 novembre 2015 ordonnant la remise de M. B...aux autorités allemandes méconnaissait les dispositions de l'article 16 du règlement du 26 juin 2013 ;

5. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant elle ;

En ce qui concerne les autres moyens :

6. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 30 avril 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du Haut-Rhin le même jour, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation de signature à M. Marx, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin, " en toutes matières se rapportant à l'action administrative et pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Haut-Rhin " ; qu'au nombre des exclusions de la délégation ne figurent pas les arrêtés ordonnant la remise des ressortissants étrangers aux autorités allemandes tel celui en litige ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) e la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

8. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est vu remettre les 10 juillet et 19 août 2015 deux brochures comportant les informations prévues par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; que ces documents lui ont été remis, soit dans une traduction en langue turque, soit en langue française et les éléments qu'ils contiennent lui ayant été traduits par l'interprète en langue turque qui l'accompagnait ; que, d'autre part, l'entretien individuel a eu lieu le 19 août 2015 ; que, dans ces conditions, le requérant, qui se borne à alléguer une méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 sans préciser en quoi ces dispositions auraient été méconnues, n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées, ni eu l'entretien individuel ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 susvisé concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; / c) des destinataires des données ; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les informations relatives au relevé des empreintes digitales qu'elle prévoit doivent être fournies lors du relevé de ces empreintes ou, en tout cas, avant que ne soit adoptée la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. B...a obtenu le 10 juillet 2015, date du relevé de ses empreintes digitales en préfecture, les informations mentionnées à l'article 18 précité du règlement du Conseil du 11 décembre 2000 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable " ; qu'aux termes de l'article 27 du même règlement : " 1. Le demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. / 2. Les États membres accordent à la personne concernée un délai raisonnable pour exercer son droit à un recours effectif conformément au paragraphe 1. / 3. Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision; ou / b) le transfert est automatiquement suspendu et une telle suspension expire au terme d'un délai raisonnable, pendant lequel une juridiction, après un examen attentif et rigoureux de la requête, aura décidé s'il y a lieu d'accorder un effet suspensif à un recours ou une demande de révision; ou / c) la personne concernée a la possibilité de demander dans un délai raisonnable à une juridiction de suspendre l'exécution de la décision de transfert en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision. Les États membres veillent à ce qu'il existe un recours effectif, le transfert étant suspendu jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la première demande de suspension. La décision de suspendre ou non l'exécution de la décision de transfert est prise dans un délai raisonnable, en ménageant la possibilité d'un examen attentif et rigoureux de la demande de suspension. La décision de ne pas suspendre l'exécution de la décision de transfert doit être motivée. / 4. Les États membres peuvent prévoir que les autorités compétentes peuvent décider d'office de suspendre l'exécution " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision contestée mentionne que le transfert de M. B...vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit avoir lieu dans un délai de six mois suivant l'accord des autorités allemandes et qu'il peut être porté à douze mois en cas d'emprisonnement et à dix-huit mois en cas de fuite en application du 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que M. B...n'aurait pas été informé des délais applicables à la mise en oeuvre du transfert en méconnaissance de l'article 26 précité du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de remise aux autorités d'un autre Etat membre " peut être exécutée d'office par l'administration après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors applicable : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...). Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : - (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière " ;

14. Considérant qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français, laquelle est susceptible de donner lieu à une mesure de remise aux autorités compétentes ; que M. B...a été mis en mesure de savoir qu'une décision de remise aux autorités compétentes était susceptible d'être prise à son encontre et a ainsi été mis à même d'exposer les raisons pour lesquelles il aurait pu ne pas être remis, dès lors qu'il a été informé de la mise en oeuvre de cette procédure par le formulaire complet rédigé en langue turque qui lui a été remis le 19 août 2015, formulaire qu'il a lu, compris et signé ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu de notification de la décision du remise du 7 janvier 2016 que lors de son audition, l'intéressé, auquel il a été signifié qu'il faisait l'objet d'une décision de remise, a été mis à même de présenter ses observations ; que, par suite, le moyen tiré du non respect de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ; qu'il en est de même du moyen, à le supposer opérant, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

15. Considérant, en sixième et dernier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'il en est de même du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Haut-Rhin a décidé sa remise aux autorités allemandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1600382 du 5 février 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin, pour information.

2

No 16NC00319


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00319
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-01-26;16nc00319 ?
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