Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Société Bragarde de Travaux Publics (SBTP) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1400291 du 8 avril 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2015, la SAS Société Bragarde de Travaux Publics, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal a mal apprécié les éléments factuels qui lui étaient soumis ; si le principe même des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée exigible n'est pas contesté, celles-ci étant dues à des erreurs de comptabilisation de certaines prestations exercées par ses sous-traitants, les montants retenus par l'administration fiscale ne correspondent pas à la réalité et sont excessifs au vu de la liasse fiscale rectificative établie selon la même méthode de rapprochement de chiffre d'affaires que l'administration ;
- les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés découlant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent qu'être dégrevées à proportion des nouveaux montants de taxe collectée mis en exergue ;
- les écarts relevés s'expliquent du fait de difficultés dans la comptabilisation des opérations de sous-traitance, erreur générée par la complexité des exigences de facturation des donneurs d'ordre de la société, mais ne traduisent aucune volonté d'éluder l'impôt ; elle a admis le principe même des rectifications et la réalité mathématique des écarts, en prouvant toutefois qu'ils ne correspondaient pas à la réalité de son activité économique, et a fait preuve de transparence en sollicitant un entretien avec les inspecteurs, afin notamment de trouver une solution lui permettant de passer ses écritures comptables de manière régulière et en toute sécurité fiscale ; le paiement des pénalités mises à sa charge pourrait remettre en cause la survie de la société ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens soulevés par la Société Bragarde de Travaux Publics ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot,
- et les conclusions de Mme Peton-Philippot , rapporteur public.
1. Considérant que la Société Bragarde de Travaux Publics, exerçant une activité de terrassement et de démolition, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 13 décembre 2012 au 27 mars 2013 au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale lui a notifié dans le cadre de la procédure contradictoire une proposition de rectification en date du 28 mars 2013 relative à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, compte tenu des écarts relevés dans la comptabilité entre les opérations comptabilisées et la taxe collectée déclarée ; que la société relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 avril 2015 rejetant sa demande de décharge des rappels d'impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) " ; que l'article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dispose que : " Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage. (...) " ; que son article 6 prévoit que : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) " ;
3. Considérant que la société requérante n'a pas contesté les écarts relevés, mais a estimé qu'ils s'expliquaient par une mauvaise comptabilisation des opérations de sous-traitance ; qu'elle soutient en effet que ses principaux clients exigent qu'elle leur facture en totalité des prestations qui sont en réalité en tout ou partie sous-traitées ; que le montant correspondant à ces facturations est alors intégré dans sa comptabilité, et fait l'objet non d'un encaissement mais d'une compensation, sans reversement toutefois de la taxe sur la valeur ajoutée collectée y afférente, dans la mesure où les sous-traitants sont payés directement par le maître d'ouvrage ;
4. Considérant cependant qu'il résulte des dispositions précitées relatives à la sous-traitance que le paiement direct d'un sous-traitant par le maître de l'ouvrage, qui constitue la contrepartie de la prestation fournie par le titulaire du marché, vaut encaissement chez ce dernier ; que le titulaire du marché, en l'occurrence la société requérante, est dès lors redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette opération, bien qu'il ne reçoive aucun versement effectif ; qu'il s'ensuit que ce dernier doit déclarer et régler la taxe sur la valeur ajoutée collectée afférente à la somme versée par le maître d'ouvrage au mois au cours duquel le titulaire du marché a été informé du règlement du sous-traitant, à charge pour lui de déduire ultérieurement la propre taxe sur la valeur ajoutée acquittée par le sous-traitant à raison des contreparties versées pour ses prestations ;
5. Considérant que si la société requérante soutient que les montants retenus par le service sont excessifs au regard de la liasse fiscale rectificative qu'elle a établie, il n'est pas contesté que les rapprochements de chiffres d'affaires réalisés par le service sont confirmés par l'examen des comptes de taxe sur la valeur ajoutée au passif dans les bilans initiaux, et que les rapprochements de chiffre d'affaires établis par le cabinet comptable de la société et présentés au service vérificateur en cours de contrôle mentionnent quasiment les mêmes écarts que ceux déterminés par le service, à savoir 10 094 euros au titre de 2010 et 48 003 euros au titre de 2011 ; que la société ne présente aucun détail des retraitements effectués dans sa liasse rectificative, laquelle ne porte au demeurant pas la signature de l'expert-comptable, et n'établit pas que la liasse fiscale déclarée initialement et sur laquelle l'administration fonde les rappels litigieux serait entachée d'erreurs comptables commises à son détriment ; que la société requérante ne produit aucun élément attestant la validation alléguée par l'administration de la méthode de calcul retenue par ses soins s'agissant de la réfaction de ses bilans ;
6. Considérant que, par suite, c'est à bon droit que le service a réintégré dans le chiffre d'affaires de la société pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 les règlements effectués directement par ses clients à ses sous-traitants, tels qu'ils résultent des documents comptables initialement vérifiés, et procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ;
7. Considérant, en second lieu, que l'administration a pu, à bon droit, rehausser à hauteur du montant correspondant auxdits rappels les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011, lesquels doivent être regardés comme des profits sur le Trésor ;
En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de (...) 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
9. Considérant que la société requérante explique les irrégularités relevées par la complexité du système de comptabilisation des opérations de sous-traitance ; que si la Société Bragarde de Travaux Publics, informée de son erreur, a notamment pris l'initiative d'un entretien avec l'administration afin d'y remédier, cette seule circonstance ne suffit pas à établir l'absence de manquement délibéré, alors que cette dernière, professionnelle du secteur du bâtiment et travaux publics, a minoré sur une longue période les montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée, les recettes correspondantes étant par ailleurs parfaitement comptabilisées ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration lui a fait application de la majoration susmentionnée ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société Bragarde de Travaux Publics n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande de décharge des rappels d'impôt et majorations en litige ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administra-
tive :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie essentiellement perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête susvisée présentée par la Société Bragarde de Travaux Publics est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Bragarde de Travaux Publics et au ministre de l'économie et des finances.
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N°15NC01253