Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Sogycobois a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge ou la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1301229 du 17 février 2015, rectifié pour erreur matérielle par une ordonnance du 13 mars 2015, le tribunal administratif de Besançon a accordé à la SA Sogycobois la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 résultant de l'intégration dans le prix de revient des chevaux figurant dans ses stocks des frais correspondant aux salaires de la personne chargée de leur entraînement ainsi que des frais de participation aux concours et a mis à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 10 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SA Sogycobois devant le tribunal administratif de Besançon et de rétablir les impositions mises à sa charge.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que la société pouvait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction n° 5 E-64 du 15 mai 2000 qui n'a pas été invoquée ;
- la société n'a invoqué que la documentation administrative de base référencée BOI-BA-BASE-20-20-20-30 ; que cette documentation n'a été publiée que le 17 décembre 2012 ;
- cette documentation publiée en 2012 est postérieure aux années d'imposition en litige et ne peut donc lui être opposée ;
- au surplus, elle se rapporte à l'impôt sur le revenu et aux bénéfices agricoles et non à l'impôt sur les sociétés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2015, la SA Sogycobois conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre ;
- et les conclusions de Mme Peton-Philippot, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Ecurie des Fougerets, qui est membre d'un groupe fiscalement intégré dont la société mère est la société anonyme (SA) Sogycobois, a pour activité l'achat-revente de chevaux de concours ; que cette société a fait l'objet, en 2011, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur a notamment procédé à une nouvelle valorisation de ses stocks ; que celui-ci a estimé que les chevaux comptabilisés en stock pour leur seul prix d'achat constituaient des productions en cours devant être évaluées pour leur coût de revient lequel devait intégrer l'ensemble des charges directes et indirectes et notamment les frais d'entretien ; que la SA Sogycobois, qui détient 99 % des parts de la SARL Ecurie des Fougerets, a ainsi été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; qu'elle en a demandé la décharge au tribunal administratif de Besançon ; que, par jugement du 17 février 2015, rectifié pour erreur matérielle par ordonnance du 13 mars 2015, le tribunal a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de l'intégration dans le prix de revient des chevaux figurant dans ses stocks, des frais correspondant aux salaires de la personne chargée de leur entraînement ainsi que des frais de participation aux concours et a mis à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le ministre relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne le motif de décharge retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " ;
3. Considérant que la société Sogycobois s'est prévalue du paragraphe n° 23 de l'instruction n° 5 E-64 du 15 mai 2000, dont les dispositions ont été reprises par la documentation administrative de base, référencée BOI-BA-BASE-20-20-20-30 publiée le 7 décembre 2012 ; que cette doctrine qui prévoit que, pour les chevaux achetés, " Le prix de revient est égal au prix d'achat majoré des frais accessoires d'achat " n'est cependant relative qu'à la détermination du bénéfice des exploitants agricoles imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles ; que la société Sogycobois, seule redevable de l'impôt sur les sociétés à raison des résultats des membres du groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts et, en particulier de ceux réalisés par la SARL Ecurie des Fougerets, société de capitaux dont les résultats au titre de son activité relèvent de l'impôt sur les sociétés, n'est, en conséquence, pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de cette doctrine qui concerne un autre impôt ; que le ministre est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que cette doctrine pouvait être opposée à l'administration fiscale à l'encontre des rectifications concernant les années d'impositions en litige et en a prononcé pour ce motif la décharge ;
4. Considérant qu'il appartient dès lors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA Sogycobois tant en première instance qu'en appel ;
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par SA Sogycobois :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III au code général des impôts : " Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises, des matières premières, des matières et fournitures consommables, des productions en cours, des produits intermédiaires, des produits finis, des produits résiduels et des emballages non destinés à être récupérés, qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire et dont la vente en l'état ou au terme d'un processus de production à venir ou en cours permet la réalisation d'un bénéfice d'exploitation. Les productions en cours sont les biens ou les services en cours de formation au travers d'un processus de production " ; qu'aux termes de l'article 38 nonies de la même annexe : " 1. Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient, qui s'entend : (...) 1. Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient, qui s'entend : a. Pour les biens acquis à titre onéreux, du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des frais de transport, de manutention et autres coûts directement engagés pour l'acquisition des biens et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies ; b) Pour les biens produits dans l'entreprise, du coût de production qui comprend les coûts directement engagés pour la production ainsi que les frais indirects de production variables ou fixes (...) " ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL Ecurie des Fougerets, qui, ainsi qu'il a été dit plus haut, exerce l'activité de négoce de chevaux de concours, procède, dans le cadre de son activité, à l'acquisition de jeunes chevaux qu'elle intègre, avec l'aide à partir de 2009 d'un cavalier professionnel, dans un processus d'entraînement et de participation à des concours de saut d'obstacles afin de les valoriser en tant que chevaux de compétition ; que ces chevaux doivent être dès lors regardés comme des biens produits dans l'entreprise au sens du b de l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts ; que la SA Sogycobois n'est, en conséquence, pas fondée à soutenir que ses chevaux doivent être regardés comme des biens acquis à titre onéreux au sens du même article ;
7. Considérant, en second lieu, que la SA Sogycobois n'établit pas, par la facture qu'elle produit et l'attestation non datée établie par l'EARL Fabien Acide, qu'une partie des prestations fournies par cette entreprise correspond à des frais de pension devant être exclus du prix de revient à retenir pour la valorisation de son stock ; que ses prétentions, invoquées à titre subsidiaire, ne peuvent dès lors être accueillies ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SA Sogycobois a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 résultant de l'intégration dans le prix de revient des chevaux figurant dans ses stocks des frais correspondant aux salaires de la personne chargée de leur entraînement ainsi que des frais de participation aux concours et a, d'autre part, mis à la charge de l'État le versement à la SA Sogycobois d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance, le versement de la somme que la SA Sogycobois demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1301229 du 17 février 2015, rectifié pour erreur matérielle par ordonnance du 13 mars 2015, du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La demande de la SA Sogycobois devant le tribunal administratif de Besançon et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SA Sogycobois a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 résultant de l'intégration dans le prix de revient des chevaux figurant dans ses stocks, des frais correspondant aux salaires de la personne chargée de leur entraînement ainsi que des frais de participation aux concours sont rétablies.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SA Sogycobois et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 15NC00665