Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI des Carrières a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 20 novembre 2012 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier a modifié les attributions réalisées par la commission intercommunale d'aménagement foncier et proposé la modification du périmètre d'aménagement foncier.
Par un jugement n° 1301973 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la SCI des Carrières.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2015 et des mémoires enregistrés les 25 octobre et 18 novembre 2016, la SCI des Carrières, représentée par la Selarl Dôme avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1301973 du 24 septembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2012 ;
3°) de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCI des Carrières soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont rejeté à tort sa demande comme irrecevable ;
- le jugement a retenu un moyen d'ordre public qui ne lui a pas été communiqué et a méconnu le principe du contradictoire ;
- le jugement est entaché de plusieurs contradictions de motifs ;
- les premiers juges ont estimé à tort que la décision de la commission départementale d'aménagement foncier était divisible ;
- les premiers juges ont estimé à tort que la décision de la commission d'aménagement foncier relative à la modification du périmètre et transmise au président du conseil départemental présentait un caractère non décisoire ;
- les dispositions de l'article L. 121-10 du code rural l'autorisent à contester la décision de la commission départementale d'aménagement foncier ;
- elle justifie d'un intérêt donnant qualité pour agir contre la décision litigieuse ;
- le vote de la commission départementale d'aménagement foncier s'est déroulé de façon irrégulière compte tenu de la participation d'un suppléant et d'un titulaire au même vote pour deux catégories représentées ;
- la commission départementale d'aménagement foncier n'aurait pas dû statuer sur la réclamation émise par M. A...qui était tardive ;
- les parcelles qui lui ont été attribuées en contrepartie de ses apports proviennent en ce qui concerne la parcelle n° 55 section 32 d'une exclusion de celle-ci de l'opération d'aménagement opérée à tort sur le fondement de l'article R. 123-24 du code rural et de la pêche maritime ou de l'article R. 123-34, à supposer que le visa de l'article R. 123-24 procède d'une erreur matérielle ;
- les dispositions de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime ont été méconnues ;
- les dispositions de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime ne justifiaient pas l'exclusion de sa parcelle du périmètre d'aménagement foncier ;
- les dispositions de l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime ont été méconnues ;
- les écritures en défense du département de la Moselle sont irrecevables.
Par des mémoires en défense enregistrés les 28 avril et 3 novembre 2016, le département de la Moselle, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SCI des Carrières au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département de la Moselle soutient que les moyens soulevés par la SCI des Carrières ne sont pas fondés.
Par un courrier en date du 28 octobre 2016, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré du défaut d'intérêt donnant qualité pour agir de la SCI des Carrières.
Un mémoire en réponse au moyen relevé d'office a été enregistré le 4 novembre 2016 pour la SCI des Carrières.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la SCI des Carrières, ainsi que celles de Me B..., pour le département de la Moselle.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI des Carrières est propriétaire de deux parcelles cadastrées n° 27 et n° 71 section 26 sur le territoire de la commune de Hilbesheim (57) concerné par l'institution d'une ligne à grande vitesse (LGV). Devant le tribunal administratif de Strasbourg, elle a contesté la délibération du 20 novembre 2012 par laquelle, dans le cadre de l'aménagement foncier intercommunal des communes de Reding et Hilbesheim, la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle a proposé au président du conseil général d'exclure du périmètre de l'aménagement foncier la parcelle n° 27 avant de procéder à la modification des attributions des parcelles des propriétaires concernés par l'opération d'aménagement. La SCI des Carrières relève appel du jugement du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
I. Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal a interprété la demande dont il était saisi par la SCI des Carrières comme tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier en tant qu'elle portait, d'une part, proposition de modification du périmètre de l'aménagement et, d'autre part, modification des limites entre les parcelles section 32 n° 54 appartenant à M. A...et les parcelles n° 56, 57 et 58 attribuées à M.D....
3. Le tribunal a rejeté cette demande comme irrecevable au motif que la proposition de modification de périmètre ne constitue pas un acte décisoire susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et que la société requérante n'établit ni même n'allègue " être propriétaire desdites parcelles, ne démontre pas en quoi ses propres attributions seraient concernées par la décision en cause ni ne fait état d'un quelconque préjudice à ce titre, se bornant, sur le fond, à contester la seule proposition susmentionnée de la commission départementale ".
4. La SCI des Carrières soutient que le tribunal lui a opposé à tort ces motifs d'irrecevabilité dès lors que dans ses écritures introductives de première instance, elle avait clairement sollicité l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier par laquelle ses parcelles d'apport et d'attribution avaient été modifiées.
5. Il résulte des écritures de première instance que la SCI des Carrières a fait porter sa contestation sur l'évolution de ses parcelles d'apport et d'attribution entre la proposition de la commission intercommunale et celle de la commission départementale d'aménagement foncier. La société requérante ne peut donc être regardée comme ayant seulement demandé l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier en tant qu'elle a proposé au président du conseil général de modifier le périmètre de l'aménagement foncier lié à l'institution de la LGV ou l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier en tant qu'elle concernait les parcelles d'autres propriétaires.
6. Dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier portant modification de ses attributions.
7. Il s'ensuit que la SCI des Carrières est fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation pour ce motif.
8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI des Carrières qui est en état d'être jugée.
II. Sur la recevabilité de la demande de première instance dirigée contre la délibération du 20 novembre 2012 :
9. Par sa délibération du 20 novembre 2012, la commission départementale d'aménagement foncier a proposé au président du conseil général de modifier le périmètre institué par son arrêté du 4 janvier 2010 en excluant de l'opération d'aménagement foncier la parcelle n° 27 section 26 appartenant à la SCI des Carrières avant de procéder à la modification des décisions relatives aux apports et attributions des comptes compris dans le périmètre modifié.
10. Aux termes de l'article L. 121-14 du code rural et de la pêche maritime : " (...) IV.-Dans le cas prévu à l'article L. 123-24, si la commission se prononce en faveur d'un aménagement foncier agricole et forestier, le président du conseil général ordonne l'opération d'aménagement proposée par la commission, fixe le ou les périmètres d'aménagement foncier correspondants et conduit l'opération à son terme. Lorsque la commission s'est prononcée en faveur de l'inclusion de l'emprise d'un ouvrage linéaire dans le périmètre d'aménagement, le président du conseil général est tenu d'ordonner cette opération dans un délai d'un an à compter de la demande qui lui est faite par le maître d'ouvrage ; à défaut, le maître d'ouvrage peut engager la procédure d'expropriation de l'emprise nécessaire à la réalisation de l'ouvrage ou de certaines de ses parties et proposer l'expropriation des terrains concernés. Dans ce cas, les terrains expropriés sont exclus du périmètre d'aménagement. V.-Sauf dans le cas mentionné au IV, l'opération est ordonnée par délibération du conseil général. / La délibération du conseil général ou l'arrêté de son président ordonnant l'opération fixent le ou les périmètres correspondants, comportent la liste des prescriptions susmentionnées et mentionnent la décision du président du conseil général prévue à l'article L. 121-19. VI.-Les périmètres d'aménagement foncier peuvent être modifiés jusqu'à la clôture des opérations, conformément à la procédure prévue pour leur délimitation. Toutefois, si la modification représente moins de 5 % du périmètre fixé dans la décision ordonnant l'opération, elle est décidée par le conseil général après avis de la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Lorsqu'une décision de la commission départementale a été annulée par le juge administratif, le ou les périmètres peuvent être modifiés pour assurer l'exécution de la chose jugée ".
11. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'exclusion de la parcelle n° 27 section 26 (devenue la parcelle n° 55 section 32) du périmètre d'aménagement foncier de Réding-Hilbesheim, parcelle dont la SCI des Carrières n'établit pas ne plus avoir la propriété dans sa configuration initiale, la société requérante est demeurée attributaire de l'unique parcelle de 90,81 ares qu'elle avait apportée, cadastrée sous le n° 71 section 26, devenue la parcelle n° 67 section 32 dans le cadre du périmètre modifié par l'arrêté du président du conseil général du 27 février 2013, qu'elle n'a pas contesté et dont elle n'excipe pas l'illégalité, clôturant cette opération d'aménagement.
12. Par ailleurs, l'appelante ne produit aucun élément de nature à justifier, à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Strasbourg, de son intérêt pour agir contre la décision par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier lui a laissé en attribution sa parcelle d'apport incluse dans le périmètre devenu définitif de l'aménagement foncier.
13. Enfin, la SCI des Carrières ne peut utilement se prévaloir de la situation intermédiaire résultant de la proposition de la commission intercommunale d'aménagement foncier, postérieurement à l'engagement de l'opération d'aménagement, qui lui semblait de nature à mieux préserver ses intérêts.
14. Il s'ensuit qu'à défaut de justifier de son intérêt donnant qualité pour agir, les conclusions de la SCI requérante dirigées contre la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 20 novembre 2012 ne peuvent qu'être rejetées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Moselle qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI des Carrières demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
16. Dans les circonstances de l'espèce et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir de la SCI des Carrières, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département de la Moselle présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1301973 du tribunal administratif de Strasbourg du 24 septembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande de la SCI des Carrières est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du département de la Moselle tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI des Carrières et au département de la Moselle.
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N° 15NC02331