La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2016 | FRANCE | N°16NC00468

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2016, 16NC00468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa remise aux autorités allemandes.

Par un jugement du 26 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2016, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il porte rejet de sa demande ;
>2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa remise aux autorités allemandes.

Par un jugement du 26 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2016, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il porte rejet de sa demande ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de lui délivrer une attestation de demande d'asile ainsi qu'un formulaire de demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre à des moyens ;

- la personne ayant signé l'arrêté contesté n'avait pas compétence faute d'une délégation régulièrement publiée ;

- l'entretien individuel dont elle a bénéficié n'a pas été tenu dans des conditions garantissant sa confidentialité ;

- l'interprète n'était pas qualifié ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 17 du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le préfet a commis une erreur de droit en visant le b et le d du 1 de l'article 18 du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2016, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Etienvre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant que le tribunal a omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu, dès lors, et sans qu'il besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il porte rejet de la demande de Mme B...et d'évoquer dans cette mesure ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n 'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...) contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres " ; qu'aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'État membre d'origine : / a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; / c) des destinataires des donnée ; / d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; / e) de l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. / Dans le cas de personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées (...) " ;

3. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application de ce règlement doit se voir remettre, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à leur nature, la délivrance de ces informations constitue une garantie pour le demandeur d'asile ;

5. Considérant que si le préfet établit que MmeB..., ressortissante monténégrine, a reçu, le 4 janvier 2016, le guide du demandeur d'asile en langue serbe, seule langue qu'elle a déclarée comprendre, comme l'indique le questionnaire établi par la préfecture lors de sa demande d'asile, il ressort, en revanche, des pièces du dossier que celle-ci s'est vu remettre la notice relative à la procédure d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 annexe A " informations sur le règlement de Dublin pour les demandeurs d'une protection internationale " ainsi que la notice d'information relative à la prise de ses empreintes sur le système Eurodac et les droits qui y sont attachés en langue française et non pas, comme le soutient le préfet, en langue albanaise ; que si le préfet soutient que l'interprète présent le jour de l'entretien a assuré une traduction orale en serbe de l'ensemble des informations requises, il n'en justifie pas alors que la requérante soutient que cet interprète s'est seulement engagé à lui assurer ultérieurement cette traduction ; que, dans ces conditions, Mme B...est fondée à soutenir qu'elle a été effectivement privée d'une garantie et que, par suite, la décision contestée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa remise aux autorités allemandes ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique seulement, eu égard au motif d'annulation retenu, que la demande de Mme B...soit réexaminée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, le versement au conseil de Mme B...le versement de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 février 2016 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il porte rejet de la demande de MmeB....

Article 2 : L'arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé la remise de Mme B...aux autorités allemandes est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de procéder à un nouvel examen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de la demande de Mme B....

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 12016, à laquelle siégeaient :

- M. , président de chambre,

- M. , président-assesseur,

- Mme , premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : Le président,

Signé :

La greffière,

Signé :

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 16NC00468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00468
Date de la décision : 08/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme PETON-PHILIPPOT
Avocat(s) : BERRY ; BERRY ; BERRY ; BERRY ; BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-12-08;16nc00468 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award