Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B...et Mme D...épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés en date du 21 août 2015 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.
Par un jugement n° 1505845, 1505846 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 9 juin 2016 sous le n° 16NC01098, M. E... B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 août 2015 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- la décision de refus de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a droit au séjour en qualité d'accompagnant de son enfant ou de son épouse, tous deux malades ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code précité ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est borné à se référer aux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2016, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé.
II. Par une requête enregistrée le 9 juin 2016 sous le n° 16NC01099, Mme D...épouse B..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 décembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 août 2015 pris à son encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient les mêmes moyens que ceux qui sont invoqués dans la requête susvisée, enregistrée sous le n° 16NC01098.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2016, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 26 mai 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants kosovars nés respectivement les 28 mai 1977 et 11 décembre 1983, déclarent être entrés en France le 10 juillet 2013 pour y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 septembre 2014, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 18 mars 2015 ; que, tirant les conséquences du rejet de la demande d'asile des requérants, et statuant en outre sur une demande présentée par Mme B..., le 1er avril 2015, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle a, par deux arrêtés du 21 août 2015, refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français à destination du Kosovo ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 26 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 21 août 2015 ;
Sur la légalité des décisions portant refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que le préfet de la Moselle a, par un arrêté du 20 mai 2015 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs du département, donné délégation à M. Alain Carton, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'État dans le département de la Moselle, à l'exception " des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit " et " des réquisitions de la force armée " ; que les décisions statuant sur le droit au séjour des étrangers ne figurent pas au nombre des exceptions à la délégation de signature consentie à M. Carton ; qu'ainsi, celui-ci avait délégation pour signer les décisions refusant d'accorder un titre de séjour à M. et Mme B...;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ;
4. Considérant, d'une part, que, pour rejeter la demande de titre de séjour formée par Mme B... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 20 juillet 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Lorraine qui a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque ; que les certificats médicaux établis par les médecins psychiatres de MmeB..., notamment celui du 27 mai 2014, ne permettent pas d'établir l'absence d'un traitement approprié à son état de santé au Kosovo ; que la requérante ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre son traitement au Kosovo, où elle indique avoir subi les évènements traumatiques à l'origine de sa pathologie, alors au demeurant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a estimé que la réalité de ces évènements n'était pas établie ; que, dans ces conditions, le préfet de la Moselle a pu refuser de lui délivrer un titre de séjour sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces des dossiers que M. B...n'a saisi le préfet de la Moselle d'une demande de titre de séjour pour raison médicale que le 9 septembre 2015, postérieurement à la décision contestée lui refusant le droit au séjour ; que, dans ces conditions, il ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour demander l'annulation de cette décision ;
6. Considérant, enfin, qu'eu égard à ce qui a été dit aux deux points précédents, M. et Mme B... ne sauraient se prévaloir d'un droit au séjour en qualité d'accompagnant de leur conjoint malade ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort encore des pièces des dossiers que la demande d'autorisation de séjour présentée par M. et Mme B...en qualité d'accompagnant de leur fille malade n'a été présentée au préfet de la Moselle que le 31 août 2015, postérieurement aux décisions contestées ; que, par suite et en tout état de cause, ils ne sauraient utilement se prévaloir d'une prétendue méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à l'un des parents de l'étranger mineur qui remplit par ailleurs les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du même code ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que M. et Mme B...font tous deux l'objet de décisions de refus de séjour ; que s'ils font valoir que plusieurs de leurs frères et soeurs respectifs ont quitté le Kosovo, il n'est pas établi qu'ils seraient dépourvus de toute attache au Kosovo, pays dans lequel ils ont résidé jusqu'à l'âge, respectivement, de 36 ans et de 29 ans et où résident encore leurs parents ; que par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées méconnaîtraient les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, que les décisions contestées ont été signée par M. Carton, secrétaire général de la préfecture de Moselle, et non par MmeC..., qui s'est bornée à signer la lettre accompagnant ces décisions et détaillant les modalités prévues pour leur exécution qui et n'avait pas, pour ce faire, à détenir une quelconque délégation de signature régulièrement publiée ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que M. Carton avait reçu délégation du préfet de la Moselle pour signer les mesures d'éloignement prises à l'encontre des étrangers et, par suite, pouvait signer les décisions obligeant M. et Mme B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que la circonstance que les décisions contestées ne visent pas l'arrêté du 20 mai 2015 par lequel le préfet de la Moselle a délégué sa signature à M. Carton est sans influence sur la légalité de ces décisions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les mesures d'éloignement auraient été prises par une autorité incompétente doit être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
12. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant, d'autre part, que le certificat médical du 14 août 2015, selon lequel une intervention chirurgicale permettrait de restaurer les capacités auditives de M. B..., ne permet pas d'établir que la situation sanitaire de ce dernier ferait obstacle à une mesure d'éloignement dans les conditions prévues par les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 ;
14. Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme B...font tous les deux l'objet d'une mesure d'éloignement ; que ni le certificat établi le 26 juin 2013 émanant d'une clinique de Pristina, ni le document non signé, présenté comme un certificat établi le 31 juillet 2015 par le médecin traitant des requérants, selon lequel la situation médicale de leur fille " justifie à [son] sens une demande d'autorisation de séjour prolongée sur le territoire français pour raison médicale " ne sont de nature à établir que M. et Mme B...ne pourraient emmener leur enfant avec eux dans l'hypothèse d'un éloignement à destination du Kosovo ; que, dans ces conditions, eu égard en outre à ce qui a été dit au point 9, que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que M. Carton était compétent pour signer les décisions fixant le pays à destination duquel M. et Mme B...pourraient être reconduits en cas d'exécution forcée des mesures d'éloignement prises à leur encontre ;
16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
17. Considérant que les requérants soutiennent avoir fait l'objet de menaces au Kosovo après que M.B..., victime de blessures par balles en mai 2011 au cours du braquage du restaurant dans lequel il travaillait, a dénoncé à la police l'identité d'un des malfaiteurs ; que toutefois, ils n'apportent à l'instance aucun élément de nature à établir les risques auxquels ils indiquent être exposés en cas de retour dans leur pays d'origine, alors au demeurant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a estimé que la réalité des évènements vécus au Kosovo n'était pas établie ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté ;
18. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 9 et 14, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
19. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet de la Moselle se serait estimé, à tort, en situation de compétence liée pour éloigner M. et Mme B...à destination du Kosovo au motif de l'absence de risque avéré dans leur pays d'origine ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme D...épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 16NC01098, 16NC01099