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24/11/2016 | FRANCE | N°16NC00524

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 24 novembre 2016, 16NC00524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1506573 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de MmeC....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2016, MmeC..., représentée pa

r Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1506573 du 3 mars 2016 du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1506573 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de MmeC....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mars 2016, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1506573 du 3 mars 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 19 novembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie-privée et familiale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C...soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- il n'est pas conforme aux exigences de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'instruction a été close le 29 septembre 2016.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...C..., de nationalité turque, née le 1er juin 1958, est entrée régulièrement en France le 24 juin 2012 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 2 août 2012, elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Sa demande a été rejetée le 9 novembre 2012 par le préfet du Haut-Rhin, qui l'a en outre obligée à quitter le territoire français.

2. Le tribunal administratif de Strasbourg, le 12 février 2013, puis la cour administrative d'appel de Nancy, le 28 octobre 2013, ont rejeté la requête que Mme C...avait présentée à l'encontre de ces décisions.

3. MmeC..., qui est néanmoins restée en France, a présenté une nouvelle demande de délivrance d'un titre de séjour à l'occasion d'un entretien en préfecture le 22 septembre 2015. Par un arrêté du 19 novembre 2015, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement en cas d'exécution d'office.

4. Mme C...relève appel du jugement du 3 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté.

Sur le refus de séjour :

5. En premier lieu, Mme C...reprend en appel, de manière parfaitement identique, les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse ainsi que de l'insuffisance de motivation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs suffisamment étayés retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.

6. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux comporte la signature de son auteur et, en caractères lisibles, indique ses nom et prénom, Guillaume Marx, et précise sa qualité de secrétaire général de la préfecture agissant sur délégation du préfet. Mme C...n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'il ne respecte pas les formes prescrites par les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000.

7. En troisième lieu, Mme C...soutient que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle fait valoir, à ces différents titres, les mêmes considérations relatives à sa vie privée et familiale.

8. Aux termes de l'article L. 313-14 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". Selon le 7° de l'article L. 313-11, " la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Enfin, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme C...soutient que, son époux et ses parents étant décédés, ses seules attaches familiales, sa fille unique, ses petits-enfants et ses deux frères, se trouvent en France depuis 2012 et qu'elle est isolée dans son pays d'origine. Elle n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ces affirmations, alors qu'avant de venir en France, où il est seulement établi qu'elle avait déjà séjourné entre 1983 et 1986, elle avait vécu 26 ans dans son pays d'origine, jusqu'à l'âge de 54 ans. En outre, elle y est restée jusqu'en juin 2012, après n'avoir entamé des démarches pour venir en France que fin janvier de la même année, alors que son époux, dont elle soutient pourtant qu'il l'avait de son vivant empêchée d'y revenir, était décédé deux ans et demi auparavant, en juillet 2009.

10. Cette attente, alors qu'elle était selon elle isolée dans son pays, est en outre incompatible avec son affirmation selon laquelle, ne sachant ni lire ni écrire, elle serait incapable de s'assumer seule pour les actes de la vie civile et aurait besoin de l'assistance d'un tiers. Au demeurant, si elle soutient à cet égard qu'elle a besoin de l'assistance de sa fille et souligne que celle-ci dispose d'un logement suffisamment grand pour l'héberger, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne réside pas au domicile de cette dernière, situé 12 rue des Fabriques à Mulhouse, mais à celui de son frère situé 10 rue Vauban dans la même ville.

11. Par ailleurs, si elle fait valoir qu'elle est sans ressources dans son pays et ne bénéficie pas de la " pension confortable " dont fait état le préfet, elle n'apporte aucun élément ni aucune précision à cet égard et, notamment, n'explique pas comment elle parvenait à subvenir à ses besoins en Turquie, en particulier pendant la période de trois années où elle s'y serait trouvée totalement isolée.

12. Quant à la bonne intégration dont elle se prévaut en France, non seulement elle n'apporte aucun élément concret de nature à la justifier, mais encore il est constant qu'elle ne parle pas le français.

13. Enfin, elle ne justifiait, à la date de l'arrêté litigieux, que d'une ancienneté de séjour de moins de quatre années en France, qui plus est acquise en s'y étant maintenue en dépit d'une mesure d'éloignement édictée à son encontre et définitivement validée par la juridiction administrative.

14. Dans ces conditions, et alors qu'elle n'allègue même pas d'un quelconque obstacle à ce que sa famille résidant en France vienne lui rendre visite en Turquie ou à ce qu'elle fasse ponctuellement de même en sens inverse, Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A plus forte raison, il ne s'est pas non plus livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du même code.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, à supposer que Mme C...ait entendu invoquer également à l'encontre de cette décision le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14, ce moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant puisque lesdites dispositions ne s'appliquent pas aux décisions portant obligation de quitter le territoire français.

16. En second lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 9 à 13 ci-dessus, elle n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction, et celles tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 16NC00524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00524
Date de la décision : 24/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : YASIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-11-24;16nc00524 ?
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