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24/11/2016 | FRANCE | N°15NC02571

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 24 novembre 2016, 15NC02571


Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la société Hochtief Solutions AG ainsi que celles de MeA..., pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Des notes en délibéré, produites par MeB..., pour la société Hochtief Solutions AG ont ét

é enregistrées les 13 et 14 novembre 2016.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hochtief Solutions AG éta...

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la société Hochtief Solutions AG ainsi que celles de MeA..., pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Des notes en délibéré, produites par MeB..., pour la société Hochtief Solutions AG ont été enregistrées les 13 et 14 novembre 2016.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hochtief Solutions AG était titulaire du lot n° 1 " Gros oeuvre " du marché passé par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) pour la construction du nouvel hôpital civil de Strasbourg. A la suite du recours exercé par un groupement de candidats, le tribunal administratif de Strasbourg a, par un jugement du 4 juillet 2006, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 décembre 2007, annulé les décisions d'attribution de ce marché en raison de la méconnaissance des règles de mise en concurrence. Le 4 septembre 2006, les HUS ont résilié le marché dont était titulaire la société requérante avec effet au 31 décembre 2006. Celle-ci a saisi le tribunal administratif de Strasbourg du différend qui l'a alors opposé à la personne publique sur le montant du décompte général du marché. Par un jugement du 30 juin 2011, le tribunal administratif de Strasbourg a arrêté le décompte général définitif du marché à la somme de 12 602 475,70 euros à la charge de la société Hochtief Solutions AG et rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes. Par l'arrêt attaqué du 18 novembre 2013, rectifié par un arrêt du 9 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a arrêté le décompte à la somme de 375 969,50 euros à la charge de cette même société. Par une décision du 6 mars 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Hochtief Solutions AG dirigées contre l'arrêt du 18 novembre 2013 en tant qu'il a statué, d'une part, sur le montant des travaux supplémentaires portant sur la réalisation du bâtiment énergie et ayant fait l'objet du projet d'avenant n° 5 ainsi que, d'autre part, sur les surcoûts liés aux prolongations des délais par ordre de service du 15 juillet 2005. Par une décision du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé, dans cette mesure, l'arrêt rectifié du 18 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy et a renvoyé l'affaire, dans les limites de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Nancy.

I. Sur la demande de la société Hochtief Solutions AG relatives aux pénalités de retard :

2. La société Hochtief Solutions AG demande à la cour de la décharger de toute pénalité de retard.

3. Toutefois, par sa décision du 9 décembre 2015, et ainsi que le soutiennent les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le Conseil d'Etat n'a annulé l'arrêt rectifié du 18 novembre 2013 qu'en tant qu'il a statué sur le montant des travaux supplémentaires portant sur la réalisation du bâtiment énergie et sur les surcoûts liés aux prolongations des délais par ordre de service du 15 juillet 2005.

4. La cour ne saurait se prononcer sur les conclusions de la société Hochtief Solutions AG relatives aux pénalités de retard dès lors que ces conclusions excèdent le cadre du renvoi opéré par le Conseil d'Etat.

II. Sur la demande de la société Hochtief Solutions AG relative au coût des travaux supplémentaires réalisés sur le bâtiment Energie :

5. Les parties s'accordent à dire qu'en cours de chantier, des adaptations se sont avérées nécessaires pour la réalisation du bâtiment Energie. Un ordre de service n° 01A-04A a été notifié à ce titre le 11 décembre 2003 à la société Hochtief Solutions AG qui a émis des réserves. Ces travaux supplémentaires ont fait l'objet d'une fiche de travaux supplémentaires (FTM) n° 46 et d'un projet d'avenant n° 5, d'un montant de 37 640,69 euros HT, que l'entreprise a refusé de signer par un courrier du 19 octobre 2004, au motif qu'elle avait présenté au maître d'oeuvre, pour la réalisation des travaux adaptatifs, deux devis de travaux supplémentaires (DTS) n° 031 A et 031 B de montants respectifs de 410 744,42 euros HT et 142 124,15 euros HT. L'entreprise a émis un DTS supplémentaire n° 76 pour la réalisation des travaux nécessaires à la mise en conformité du bâtiment Energie.

6. La société Hochtief Solutions AG soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas retenu sa demande de prise en compte des travaux supplémentaires réalisés sur le bâtiment Energie à hauteur de 552 868,57 euros HT et subsidiairement au montant arrêté par l'expert désigné par le tribunal à hauteur de 274 208,38 euros HT.

7. Dans le cadre de sa décision du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat a jugé " qu'en estimant que la société Hochtief Solutions AG n'apportait aucun élément de nature à justifier que le montant de 37 640,69 euros retenu par l'avenant n° 5 au marché et intégré dans le décompte général était insuffisant pour couvrir le coût des travaux supplémentaires qu'elle avait réalisés sur le bâtiment Energie, alors que la société se prévalait d'une expertise diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg (...) selon laquelle le montant de 37 640,69 euros ne couvrait pas tous les travaux en cause et devait être augmenté des sommes de 218 749,49 euros et 17 818,20 euros indiquées dans les devis de travaux supplémentaires (DTS) n° 31A et 31B présentés par la société Hochtief Solution AG, la cour administrative d'appel de Nancy a dénaturé les pièces du dossier ".

En ce qui concerne les DTS 031 A et B :

8. Aux termes de l'article 3.3.3. du cahier des clauses administratives particulières communes (CCAPc) relatif au contenu du prix global et forfaitaire: " Conformément à l'article 10.1 du CCAG, l'entrepreneur reconnaît formellement que les prix figurant au marché, tiennent compte de toutes les prescriptions, garanties, sujétions et obligations résultant du marché (...) ; ces prix tiennent compte de toutes les charges et tous les aléas pouvant résulter de l'exécution des travaux (...) / Il en sera de même pour tous les éventuels travaux modificatifs quel que soit le mode de fixation du prix correspondant. / 3.3.3.1 Le prix global et forfaitaire des prestations de chaque lot comprend notamment : Les frais d'exécution de chacune des prestations décrites, y compris implantation, études préparatoires, nettoyages, frais de réception en usine, tous moyens de levage et de manutention etc... / Les frais d'études complémentaires nécessaires pour établir les Plans d'Exécution des Ouvrages (PEO) et le Dossier des Ouvrages Exécutés (DOE) (...) ".

9. Le titulaire d'un marché à prix forfaitaire a droit au paiement des travaux prévus au marché initial ou des travaux supplémentaires qui, bien qu'ils aient été réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art (CE 14 juin 2002 n° 219 874).

10. La société Hochtief Solutions AG sollicite le règlement de travaux et d'études supplémentaires qu'elle a détaillés et chiffrés dans les DTS 031 A et B à hauteur de 552 868,57 euros HT et qu'elle a été contrainte d'engager, selon elle, alors qu'ils n'étaient pas prévus au marché initial et qui, bien qu'ils aient été réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, ont été indispensables à la réalisation du bâtiment Energie dans les règles de l'art.

11. La société requérante indique avoir comparé les plans du marché avec les derniers plans d'exécution et mis en évidence de nombreuses différences quant aux prestations à fournir de nature à engendrer des surcoûts détaillés dans le devis 031 A. Ce devis, dans la dernière version produite par la société Hochtief Solutions AG, dans son courrier du 6 avril 2004 envoyé au maître d'oeuvre, comprend ainsi un montant de 491 250,33 TTC euros décomposé comme suit :

- un poste n° 1 relatif à l'utilisation de fondations spéciales de type " colonnes ballastées " et une compensation financière au titre de la différence de métrés pour un montant de 57 000 euros ;

- un poste n° 2 relatif à la " plus-value pour négatif dans les voiles de façade " pour un montant de 24 000 euros ;

- un poste n° 3 relatif au traitement des joints de socle et du dallage pour un montant de respectivement 19 170 euros et 7 597 euros soit une somme fixée dans le dernier état de ses écritures à 26 767 euros ;

- un poste n° 4 relatif à la réalisation de fosses et regards pour un montant de 71 694,86 euros ;

- un poste n° 5 relatif aux frais d'étude et de chantier pour un montant de 32 360 euros ;

- un poste n° 6 relatif aux frais supplémentaires d'installation de chantier et d'encadrement pour un montant de 44 465 euros ;

- un poste non numéroté au titre des frais généraux pour un montant de 72 961,18 euros HT au regard du taux choisi de 21,6 % ;

- et l'application de la TVA (19,6%). pour un montant de 80 505,91 euros.

12. La société Hochtief Solutions AG a ensuite transmis un DTS 031B évaluant à 108 824 euros HT les frais supplémentaires d'études engendrés par les travaux supplémentaires du bâtiment Energie pour la période du 19 janvier 2004 au 19 mai 2004 afin de pallier les carences de la direction de synthèse et respecter les délais d'exécution du bâtiment. La société Hochtief Solutions AG évalue le montant total de ce devis 031B à 169 980,49 euros TTC, après affectation des frais généraux évalués à 30,6 % et de la TVA à 19,6 %.

13. Il résulte de l'instruction que dans le cadre de l'analyse des devis de travaux supplémentaires fournis par la société Hochtief Solutions AG, le bureau d'études OTE a estimé que seule la mise en place de 80 m² de voile supplémentaire, non prévue au marché, s'avérait indispensable pour la réalisation des travaux adaptatifs du bâtiment Energie. Le chiffrage détaillé des travaux supplémentaires réalisé par le bureau d'étude dans son courrier du 15 mars 2004, dont le règlement a été accepté par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, a donné lieu à un ordre de service et un projet d'avenant n° 5 chiffré au vu de la FTM n° 46 à hauteur de 37 640,69 euros qui comprend la création ou la modification de divers éléments de structure du bâtiment Energie.

14. Afin de contester cette analyse et obtenir l'intégralité de la somme figurant dans ses devis 031 A et 031 B, la société Hochtief Solutions AG se prévaut de la contre analyse qu'elle a effectuée dont elle retranscrit les termes dans son courrier du 6 avril 2004 ainsi que du rapport d'expertise réalisé à la suite de l'ordonnance du 4 avril 2005.

S'agissant des postes n°1 et 2 dits de fondations spéciales et de plus-value dans les voiles de façades :

15. Il résulte de l'instruction que si la société Hochtief Solutions AG réclame le versement d'une somme complémentaire de 57 000 euros concernant les travaux de fondation en pointant, au titre des modifications essentielles constatées entre les documents du marché et les plans d'exécution, la réalisation de colonnes ballastées, elle ne produit dans son courrier du 6 avril 2004 et dans ses écritures, aucun élément de nature à contredire sérieusement les critiques précises émises sur ce point par le bureau d'étude qui indique, de même que pour l'épaisseur des dalles, que les différences de métrés constatées entre le projet défini dans les documents contractuels et le projet notifié par ordre de service ne provient que des modifications apportées par la société requérante " suite à ses propres choix techniques ainsi qu'à ceux de son bureau d'étude ". Par ailleurs, si le rapport d'expertise propose de donner suite à cette réclamation de l'entreprise, nonobstant le fait qu'aucune vérification sur place n'a été effectuée durant les opérations d'expertise comme l'exigeait pourtant sa mission, l'expert n'apporte aucune critique précise de nature à contredire sérieusement la démonstration du bureau d'étude sur ce point. Enfin et alors que l'expert écarte " la position 2 " et toute indemnisation au titre des plus values dans les voiles de façade en relevant qu'elle a été discutée en cours de chantier mais qu'elle n'est " pas retrouvée sur les plans d'exécution BPE ", la société requérante ne produit pas non plus d'éléments suffisamment précis et probants, notamment dans son courrier du 6 avril 2004, pour justifier de ce que le montant exigé au titre de la plus-value dans les voiles de façades correspondrait à des travaux qui lui ont été imposés sans avoir été prévus par les documents contractuels alors que le bureau d'études relève la responsabilité des choix techniques de la société titulaire du marché qui a réalisé de sa propre initiative des voiles de façades plus épais que ceux prévus au marché, sans que cela soit nécessaire à la réalisation des ouvrages dans les règles de l'art. Dans ces conditions, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que la rémunération des travaux effectués au titre des postes n° 1 et 2 précités aurait dû être intégrée au décompte général.

S'agissant des postes n° 3 et n° 4 de plus-value concernant le traitement des joints et du dallage ainsi que la réalisation de fosses et regards :

16. La société Hochtief Solutions AG, pas plus que l'expert dans le cadre de son analyse de ces postes de dépenses, ne produisent d'éléments de nature à établir que les travaux requis par les ordres de service sur ce point excéderaient les prévisions du marché notamment dans le cadre des prescriptions particulières de mise en oeuvre des bétons et des fosses diverses figurant aux articles 1.4.9. et 6.2 du CCTP ni n'établissent que les dépenses en cause, qui correspondent à des travaux réalisés sans ordre de service, auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. La demande de versement supplémentaire des sommes de 26 767 euros et de 71 694,86 euros pour les postes n° 3 et n° 4 doit donc être rejetée.

S'agissant du poste n° 5 des frais supplémentaires d'études et de chantier et du devis 031 B portant sur le même objet pour la période postérieure au 19 janvier 2004 :

17. Il résulte de l'instruction que les travaux supplémentaires dont le règlement est demandé par la société requérante correspondent à des prestations de reprise d'études, comprises dans le prix global et forfaitaire du marché au titre de l'article 3.3.3.1 précité du CCAPc du marché, dont les Hôpitaux universitaires de Strasbourg soulignent sans être sérieusement contestés que l'expert n'en a pas pris connaissance avant d'émettre son avis sur le litige. En tout état de cause et même si, comme le soutient la société Hochtief Solutions AG, ces études supplémentaires ont dû être réalisées dans des délais contraints du fait, notamment, de la défaillance de la cellule de synthèse, il résulte du jugement contesté que les premiers juges ont déjà procédé à l'indemnisation des préjudices subis jusqu'au 30 novembre 2004 résultant de tels dysfonctionnements pour un montant de 1 700 000 euros. La société Hochtief ne produit aucun élément probant ni même aucun commencement de preuve de ce que les dépenses dont elle demande l'indemnisation au titre du poste n° 5 des frais supplémentaires d'études et de chantier et du devis 031 B n'ont pas déjà été prises en compte dans le cadre de la somme globale de 1 700 000 euros qui lui a été accordée. Sa demande sur ce point doit dès lors être rejetée.

S'agissant des frais supplémentaires d'installation de chantier et d'encadrement :

18. Il ne résulte pas de l'instruction, alors que la société Hochtief Solutions AG ne produit aucun commencement de preuve à ce titre, que les modifications de travaux auxquelles elle a dû faire face sur le bâtiment Energie ait donné lieu à des frais supplémentaires d'installation de chantier et d'encadrement, le rapport d'expertise indiquant au demeurant sur ce point que la demande de la société requérante n'est pas détaillée ni justifiée.

En ce qui concerne le DTS n° 76 :

19. Pour répondre à une demande du maître d'oeuvre concernant la mise en conformité du bâtiment Energie, la société Hochtief Solutions AG lui a transmis un DTS n° 76, d'un montant de 1 687,33 euros HT, portant sur des travaux de maçonnerie pour raccord ZAG dans ce bâtiment.

20. Il ne résulte pas de l'instruction que l'exécution de ces travaux a fait l'objet d'un ordre de service. En revanche, il ressort d'une analyse du maître d'oeuvre que la nécessité d'exécution desdits travaux est imputable à la société requérante qui a omis de reporter sur les plans de l'ouvrage l'accord ZAG. Par suite, la société Hochtief Solutions AG n'est pas fondée à réclamer le paiement de ces prestations.

21. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, compte tenu de la somme de 37 640,69 euros qui lui a déjà été accordée dans le cadre du décompte général au titre des travaux modificatifs rendus nécessaires à la bonne réalisation de l'ouvrage, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes complémentaires relatives aux prestations effectuées sur le bâtiment énergie.

Sur les surcoûts liés à la prolongation des délais par l'ordre de service du 15 juillet 2015 :

22. La société Hochtief Solutions AG a demandé le versement d'une somme de 3 505 479,52 euros HT au titre de l'indemnisation de surcoûts engendrés par la prolongation des délais d'exécution du chantier pour une période de 16 mois, résultant de l'ordre de service du 15 juillet 2005.

23. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire d'un marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de l'ouvrage.

24. Si les défaillances de la cellule de synthèse ont causé à la société requérante des sujétions d'organisation dans les moyens mis en oeuvre pour l'exécution de son lot et ont généré des surcoûts, il résulte de l'instruction, d'une part, que les HUS avaient pris les mesures nécessaires pour pallier ces difficultés à compter de la fin du mois de novembre 2004 et, d'autre part, que, par jugement du 3 juin 2011, confirmé par l'arrêt de la cour du 18 novembre 2013 et devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Strasbourg a mis à la charge du maître d'ouvrage une somme de 1 700 000 euros pour indemniser l'entreprise des surcoûts imputables à ces difficultés.

25. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la société Hochtief, il résulte des pièces du dossier, notamment du constat contradictoire du 29 août 2005 et des notes de synthèse n°s 21 et 27 sur l'état des retards fin mai 2005 et fin novembre 2005 réalisés par la société GPCI, responsable de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination des travaux, que les prestations relatives au lot dont elle était titulaire, hors travaux de parachèvement tributaires de l'avancement des autres corps d'état, n'étaient pas terminés depuis octobre 2004, que de nombreux ordres de service n'avaient pas été exécutés et que les prestations restant à réaliser ne pouvaient être regardées comme de simples travaux de finition. Les Hôpitaux universitaires de Strasbourg soutiennent également sans être contredits sur ce point que les travaux évoqués par la société Hochtief Solutions AG ont été réceptionnés avec de nombreuses réserves, en sorte qu'elle n'avait pas totalement exécuté ses obligations contractuelles à la date du 29 décembre 2006.

26. Enfin, il résulte de l'article 5 de l'acte d'engagement du marché litigieux que " le délai d'exécution des travaux, tous les corps d'état confondus, est de 36 mois, le délai particulier propre à chaque lot est précisé par ordre de service " et que, par ordre de service n° 01A-001-01, notifié le 6 juin 2002, l'entrepreneur a été informé que les travaux dont il était titulaire étaient à réaliser selon le calendrier indice F et qu'il devait prendre les mesures nécessaires pour une date de démarrage fixée au 3 juin 2002. Si la société Hochtief Solutions AG se prévaut d'un courrier en date du 6 juin 2002, signé par le directeur des investissements et de la logistique des HUS, lui confirmant que le calendrier sur lequel elle était engagée était le calendrier indice D, elle n'établit, ni même n'allègue que cette décision aurait fait l'objet d'un ordre de service ni qu'en en tout état de cause, un tel courrier soit en lien avec les dépenses supplémentaires. Contrairement à ce que soutient la société Hochtief Solutions AG, il ne résulte pas de la décision du 9 décembre 2015 que le Conseil d'Etat ait admis la validité du calendrier indice D sur le point en litige ou sur la question des pénalités de retard, le pourvoi de la société requérante ayant été rejeté sur ce dernier point. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que les difficultés rencontrées par la société Hochtief Solutions AG et les préjudices qui en auraient résulté trouvent, en soi, leur origine dans la lettre du 6 juin 2002 proposant de retenir le calendrier de travaux indice D.

27. Il résulte en revanche de l'instruction, notamment du rapport de fin de chantier du 27 juin 2007 qui analyse la répartition des responsabilités des intervenants au marché public litigieux vis-à-vis du retard constaté sur le chantier, que trois mois de retard au regard du chemin critique sont imputables au maître d'ouvrage et sont de nature à ouvrir un droit à indemnisation de la société Hochtief Solutions, sous réserve que les dépenses supplémentaires qu'elle a dû engager trouvent leur origine dans ce retard.

28. Si la société Hochtief Solutions AG se prévaut d'un tableau récapitulatif détaillé des dépenses exposées à compter du mois de novembre 2004, pour justifier du montant et de la nature du préjudice subi, il résulte toutefois de l'analyse détaillée de ce tableau, qui ne fait d'ailleurs pas le départ entre les dépenses exposées dans le cadre des avenants signés et les avenants non signés par la société Hochtief Solutions AG, que de nombreux postes de dépenses tels que l'achat de fournitures et matières premières nécessaires à la réalisation du marché, sont sans aucun lien avec la prolongation de délai imputable au maître d'ouvrage et que certaines des lignes de dépenses ne sont étayées d'aucune pièce justificative probante. Eu égard aux indications figurant dans ce tableau, et compte tenu des montants mensuels moyens engagés au titre des frais de personnel et d'immobilisation du matériel utilisé, il y a lieu d'établir le montant de l'indemnisation due à la société Hochtief Solutions AG au titre de la prolongation des délais de réalisation du marché pour une durée de trois mois à une somme de 30 000 euros HT.

29. Dans ces conditions, la société Hochtief Solutions AG est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas intégré au décompte général du marché litigieux la somme de 30 000 euros soit 35 880 euros TTC en sa faveur au titre des dépenses supplémentaires qu'elle a dû engager du fait de la prolongation des délais de réalisation du marché.

Sur l'établissement du décompte général et définitif :

30. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus à la suite de la décision du Conseil d'Etat du 9 décembre 2015, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ou une mission de conciliation, le décompte du marché dont la société Hochtief était titulaire doit être fixé à la somme de - 375 969,50 euros + 35 880 euros = - 340 089,50 euros.

Sur les intérêts :

31. En dépit des sommes accordées à la société Hochtief Solutions AG par le jugement attaqué et le présent arrêt, le solde du marché litigieux présente toujours un caractère négatif pour la société Hochtief Solutions AG, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande d'allocation d'intérêts.

Sur les conclusions d'appel en garantie formulées par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg :

32. A supposer même que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg aient entendu maintenir leurs conclusions à fin d'appel en garantie dans le cadre du présent litige, il ne résulte pas de l'instruction, alors d'ailleurs que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ne produisent aucun élément probant sur ce point, que les indemnisations précitées mises à leur charge et venant au crédit de la société Hochtief Solutions AG dans le cadre du décompte général et définitif seraient imputables à des fautes de la société Meyer Isolation. Les conclusions à fin d'appel en garantie de cette société ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que présentent les parties et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le décompte du marché dont la société Hochtief Solutions AG était titulaire est arrêté à la somme de - 340 089,50 euros (moins trois cent quarante mille quatre-vingt-neuf euros et cinquante centimes).

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 juin 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hochtief Solutions AG, aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg et à la société Meyer Isolation.

2

N° 15NC02571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02571
Date de la décision : 24/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : MOREL-RAGER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-11-24;15nc02571 ?
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