La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2016 | FRANCE | N°15NC00388

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 15NC00388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...veuve B...a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2013 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Nancy a prononcé son licenciement, d'autre part, de condamner le même centre communal d'action sociale à lui verser les sommes de 2 763 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 5 342,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 10 684,08 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugem

ent n° 1302617 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...veuve B...a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2013 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Nancy a prononcé son licenciement, d'autre part, de condamner le même centre communal d'action sociale à lui verser les sommes de 2 763 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 5 342,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 10 684,08 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1302617 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2015, Mme B..., représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du président du centre communal d'action sociale de Nancy du 19 septembre 2013 ;

3°) de condamner le centre communal d'action sociale de Nancy à lui verser les sommes de 2 763 euros à titre d'indemnité de licenciement, de 5 342,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 10 684,08 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Nancy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à son moyen selon lequel l'arrêté litigieux vise des contrats qui n'existent pas, ni à celui relatif à l'existence d'une contradiction dans l'arrêté qui met fin à un contrat d'ores et déjà achevé ;

- l'arrêté du 19 septembre 2013 est irrégulier dès lors qu'il vise des contrats en date du 12 juillet 2013 et du 1er août 2013 qui n'existent pas ;

- l'arrêté du 19 septembre 2013, qui prononce son licenciement à une date à laquelle le dernier contrat qu'il vise était expiré, est entaché de contradiction ;

- l'arrêté du 19 septembre 2013 est en contradiction avec le certificat de travail établi le 17 septembre 2013 qui indique qu'elle est radiée des effectifs à compter du 1er septembre 2013 ;

- il est aussi en contradiction avec la lettre de licenciement du 6 septembre 2013 ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie dans la mesure où M. P. lui a librement fait un don d'argent ;

- la décision de licenciement méconnaît le principe de présomption d'innocence ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors, d'une part, qu'elle n'avait fait l'objet d'aucun précédent reproche et, d'autre part, qu'elle n'exerçait plus ses fonctions dans la maison de retraite mais était affectée depuis trois mois à la crèche Clodion auprès de nourrissons ;

- son licenciement est en réalité motivé par une volonté du centre communal d'action sociale de la dissuader de porter plainte pour harcèlement moral contre le directeur de l'EHPAD et d'éviter les conséquences de ses arrêts de travail du fait de sa maladie ;

- elle est fondée à demander réparation des préjudices subis du fait de son licenciement illégal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2015, le centre communal d'action sociale de Nancy, représenté par Me Luisin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Luisin, avocat de centre communal d'action sociale de Nancy.

1. Considérant que Mme B...a été employée par le centre communal d'action sociale de Nancy en qualité d'agent contractuel à compter du 16 septembre 2008 et affectée à la maison de retraite " Notre maison " jusqu'au 16 juin 2013 puis à la crèche " Clodion " ; que, par une lettre du 6 septembre 2013, le président du centre communal d'action sociale l'a informée de sa décision de la licencier avec effet à la date de la notification du courrier ; que, par un arrêté du 19 septembre 2013, cette même autorité a, à nouveau, prononcé le licenciement de Mme B...avec effet à compter de sa date de notification ; que la requérante a saisi le tribunal administratif de Nancy à la fois de conclusions en excès de pouvoir dirigées contre l'arrêté du 19 septembre 2013 et de conclusions indemnitaires ; que Mme B...relève appel du jugement du 31 décembre 2014 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, que si le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen qu'il a visé, tiré de ce que l'arrêté du 19 septembre 2013 vise des contrats de travail inexistants, ce moyen était, pour les motifs énoncés ci-après au point 3 du présent arrêt, inopérant ; que, par suite, les premiers juges n'étaient pas tenus d'y répondre ; que, d'autre part, en relevant l'existence d'un contrat verbal nécessairement conclu pour une période déterminée, ils ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté du 19 septembre 2013 contient une contradiction entre la date qu'il fixe d'effet du licenciement et la date qu'il indique d'expiration de son contrat écrit ; que, par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué aurait omis de répondre à ses moyens ;

Sur les conclusions en excès de pouvoir :

En ce qui concerne les moyens tirés de ce que l'arrêté du 19 septembre 2013 comporte des erreurs et contradictions :

3. Considérant, en premier lieu, que la décision de licencier Mme B...a été prise par le directeur du centre communal d'action sociale de Nancy le 6 septembre 2013 et que l'arrêté contesté du 19 septembre 2013 n'a eu pour seul effet que de reporter la date d'effet de ce licenciement ; que, par suite, la circonstance alléguée que cet arrêté du 19 septembre 2013 viserait des contrats de travail inexistants est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de la décision de licencier Mme B... ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que l'arrêté du 19 septembre 2013 n'est entaché d'aucune contradiction avec la décision du 6 septembre 2013 ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a été recrutée par contrat le 16 septembre 2008 et que ce contrat a été renouvelé jusqu'au 30 juin 2013 ; qu'il est constant qu'elle a continué à être employée après cette date ; que son maintien en fonction a eu pour effet, en l'absence de décision expresse de l'administration, de prolonger son contrat à durée déterminée ; que, par suite, elle était toujours en fonction lorsque le centre communal d'action sociale a, par son arrêté du 19 septembre 2013, fixé la date d'effet de son licenciement ; que Mme B... n'est dès lors pas fondée à soutenir que cet arrêté serait entaché d'une contradiction quant aux dates qu'il vise ;

6. Considérant en quatrième lieu, que si le certificat de travail délivré à Mme B...le 17 septembre 2013 mentionne de façon erronée que l'intéressée a été radiée des effectifs le 1er septembre 2013, cette erreur est sans influence sur la légalité de l'arrêté du 19 septembre 2013 ;

En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à Mme B...et l'existence d'une faute :

7. Considérant qu'il est reproché à Mme B...d'avoir, entre juin et juillet 2013, fait établir à son nom plusieurs chèques, d'un montant total supérieur à 10 000 euros, émis sur le compte bancaire d'un résident, âgé de 97 ans, de la maison de retraite dans laquelle elle exerçait ses fonctions ; que la requérante ne conteste pas avoir encaissé ces chèques ; qu'elle soutient qu'il s'agit d'un don librement consenti par une personne avec laquelle elle avait des liens d'amitié ; que, toutefois, ses dires sont contredits par la circonstance que les faits ont été découverts à l'initiative même de la victime qui, après avoir été alertée par sa banque de l'existence de mouvements anormaux sur son compte, a prévenu le directeur de la maison de retraite ; que le centre communal d'action sociale de Nancy établit que Mme B...a, en recevant de l'argent d'un résident, abusé de la faiblesse d'une personne âgée dépendante ; que la circonstance que certains chèques ont été rédigés alors que Mme B... avait quitté la maison de retraite n'est pas de nature à remettre en cause ce constat ; qu'en tout état de cause, le seul fait pour un agent en poste dans un établissement chargé d'accueillir des personnes âgées d'accepter des sommes d'argent d'un pensionnaire est constitutif d'une faute ;

En ce qui concerne l'erreur d'appréciation :

8. Considérant qu'eu égard à la gravité des faits reprochés à MmeB..., à la vulnérabilité du public auprès duquel elle intervenait et alors même que son attitude à l'égard des personnes âgées n'avait précédemment fait l'objet d'aucune critique, le centre communal d'action sociale de Nancy a pu légalement décider de prononcer son licenciement, quand bien même elle n'exerçait plus de fonctions au sein de la maison de retraite ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de présomption d'innocence :

9. Considérant que si les faits reprochés à Mme B...étaient susceptibles de relever de l'infraction pénale d'abus de la situation de faiblesse sur une personne vulnérable, le centre communal d'action sociale de Nancy s'est fondé exclusivement sur la gravité des faits portés à sa connaissance et non sur la qualification pénale que ces faits auraient été susceptibles de recevoir ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision de licenciement méconnaîtrait le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le détournement de pouvoir :

10. Considérant que Mme B...soutient que son licenciement serait en réalité motivé par une volonté du centre communal d'action sociale de Nancy de la dissuader de porter plainte pour harcèlement moral contre le directeur de la maison de retraite et d'éviter les conséquences de ses arrêts de travail du fait de sa maladie ; que, toutefois, elle ne démontre pas l'existence du détournement de pouvoir ainsi allégué ;

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Considérant qu'en l'absence d'illégalité fautive de la décision du 19 septembre 2013, Mme B...ne peut prétendre à la réparation du préjudice que lui aurait causé cette décision ;

Sur l'amende pour recours abusif :

12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ; qu'en l'espèce, la requête de Mme B...présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de condamner Mme B...à payer une amende de 250 euros ;

Sur le retrait de l'aide juridictionnelle :

13. Considérant qu'en application de l'article 50 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) le bénéfice de l'aide juridictionnelle (...) est retiré (...) dans les cas suivants : (...) 3° Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive " ; que l'article 51 précise que : " Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle " ; qu'en application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de retirer à Mme B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre communal d'action sociale de Nancy, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par Mme B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre communal d'action sociale de Nancy présentées sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B...est condamnée à payer une amende de 250 euros.

Article 3 : L'aide juridictionnelle est retirée à MmeB....

Article 4 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Nancy présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...veuveB..., au centre communal d'action sociale de Nancy, au directeur départemental des finances publiques de Meurthe-et-Moselle et au président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy.

''

''

''

''

2

N° 15NC00388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00388
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MARTIN-SERF

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-10-13;15nc00388 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award