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06/10/2016 | FRANCE | N°16NC00921

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 06 octobre 2016, 16NC00921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1600301 du 22 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 mai 2016

sous le n° 16NC00920, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 octobre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

Par un jugement n° 1600301 du 22 avril 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 mai 2016 sous le n° 16NC00920, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de M.B....

Le préfet du Haut-Rhin soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en considérant que la communauté de vie entre M. B...et Mme A...est établie par une simple attestation de la caisse d'allocations familiales dans la mesure où en outre, les intéressés ont vécu séparément entre 2005 et 2013 ;

- la présence réelle et continue de M. B...en France n'est pas établie ; les virements bancaires qu'il a effectués depuis la Martinique sont espacés de plusieurs mois ; M. B...n'a jamais vécu de manière régulière en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2016, M. C...B...représenté par Me D...conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, cette injonction devant être assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à payer à Me D..., en application combinée des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle s'engage, dans cette hypothèse, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat correspondant à la mission au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 23 mai 2016 sous le n° 16NC00921, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 22 avril 2016 du tribunal administratif de Strasbourg.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2016, M. C...B...représenté par Me D...conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à payer à Me D..., en application combinée des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, laquelle s'engage, dans cette hypothèse, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat correspondant à la mission au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 septembre 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- et les observations de Me D...pour M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité guinéenne est entré en France métropolitaine en 1989. Il a résidé à la Martinique entre 1997 et 2013, puis en France métropolitaine à partir d'août 2013 selon ses déclarations. Il a demandé le 25 janvier 2014 son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 14 avril 2014, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

2. Le 6 juin 2015, l'intéressé a présenté une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11, ainsi que de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 14 octobre 2015, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

3. Le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement du 22 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 14 octobre 2015.

4. Les requêtes nos16NC00920 et 16NC00921 du préfet du Haut-Rhin étant dirigées contre un même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

5. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 14 octobre 2015 au motif qu'il méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... fait valoir qu'il est entré en France métropolitaine le 18 septembre 1989, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire métropolitain avant de partir s'installer en Martinique en 1997 où il aurait eu, en 2003, avec MmeA..., un premier enfant et, en 2005, un second enfant, né à Mulhouse. Il soutient qu'il a envoyé de l'argent à sa compagne pour l'entretien de sa famille, de 2008 à 2013, qu'il est revenu en métropole pour vivre à Mulhouse en 2013 auprès de Mme A... qui est désormais titulaire d'une carte de résident valable du 7 août 2012 au 6 août 2022 et qu'un troisième enfant est né à Mulhouse, avant la décision contestée, le 28 août 2014.

8. La simple production d'une attestation du 24 avril 2014 par laquelle la caisse d'allocations familiales du Haut-Rhin indique qu'au mois de mars 2014 M. B...a perçu conjointement avec Mme A...les prestations familiales au titre de leurs deux premiers enfants, le revenu de solidarité active et l'aide personnalisée au logement, ne permet pas d'établir, à elle seule, la réalité de la communauté de vie entre M. B...et MmeA.... La réalité de leur vie commune alléguée ne ressort pas non plus des billets d'avion produits par M.B..., qui démontrent seulement que Mme A...avait fait, avec lui et ses enfants, un séjour d'un mois en Martinique en août 2006 et que Mme A...a fait un séjour de trois mois en Martinique au début de l'année 2011, alors que pendant plus de dix ans, Mme A...a vécu à Mulhouse et M.B..., en Martinique. En outre, si M. B...produit des documents attestant de virements bancaires au bénéfice de Mme A...entre 2008 et 2013, ces virements, dont il n'est pas établi qu'ils proviennent de M. B..., ne permettent pas à eux seuls d'établir la réalité et l'intensité des liens familiaux avec Mme A... et leurs enfants. De même, la présence réelle et continue de M. B...en France depuis 2008 ne peut être établie par la seule production de documents attestant de virements bancaires effectués à la Martinique dès lors, ainsi qu'il l'a été dit, que ces documents ne mentionnent pas le titulaire du compte débité.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 14 octobre 2015 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à M.B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.

10. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant la cour en appel.

11. M. B...soutient que le préfet du Haut-Rhin n'a pas suffisamment motivé son refus de séjour au regard des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement desquels il avait également présenté sa demande.

12. Il ressort de l'arrêté litigieux que le préfet a visé l'article L. 313-14 mais s'est borné à indiquer " qu'il ne ressort pas de la demande ni des documents fournis en pièces jointes que sa situation relèverait d'une circonstance humanitaire exceptionnelle ", alors que dans sa demande, M. B...avait décrit et expliqué de manière circonstanciée les éléments de sa situation qui, selon lui, étaient de nature à caractériser une telle circonstance, notamment l'ancienneté de son séjour en France, sa vie commune avec sa compagne et leurs trois enfants, la scolarisation des deux plus âgés, ainsi que son intégration. M. B...avait en outre invoqué le bénéfice de la circulaire dite " Valls ", dont il estimait remplir les conditions. L'arrêté contesté, en se bornant à une phrase générale, ne comporte pas des motifs de droit et de fait de nature à justifier les raisons de refus du préfet au regard de l'argumentation détaillée présentée par le requérant.

13. Par ailleurs, le préfet n'a même pas visé le 7° de l'article L. 313-11 également invoqué par l'intéressé et, s'agissant de la vie privée et familiale de M.B..., a simplement indiqué que la décision opposée à l'intéressé " ne contrevient pas à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". En admettant même que le préfet se soit ainsi également prononcé au regard du 7° de l'article L. 313-11, qui tient compte des mêmes considérations, cette formule, qui ne fait pas référence aux éléments précis invoqués par le requérant, ne permet pas de connaître les motifs de la décision à ce titre.

14. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 14 octobre 2015 doit être accueilli.

15. M. B...est, en outre, fondé à soutenir que, par voie de conséquence, l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire ainsi que la décision fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné sont illégales.

16. En conclusion de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par M.B..., le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 14 octobre 2015.

Sur les conclusions de sursis à exécution :

17. La cour se prononçant par le présent arrêt sur le bien fondé du jugement du 22 avril 2016, les conclusions du préfet du Haut-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

18. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

19. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

20. Le présent arrêt implique seulement que le préfet du Haut-Rhin procède au réexamen de la situation administrative de M.B.... Il y a lieu, par suite, de l'enjoindre à procéder au réexamen de la demande de titre de séjour sur chacun des fondements de la demande présentée le 6 juin 2015 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

21. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16NC00921.

Article 2 : La requête n°16NC00920 du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par M. B...sur chacun de ses fondements dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

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N° 16NC00920...-16NC00921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00921
Date de la décision : 06/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-10-06;16nc00921 ?
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