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06/10/2016 | FRANCE | N°15NC02265

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 06 octobre 2016, 15NC02265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, la décision du 17 septembre 2012 par laquelle le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville l'a sanctionné d'une peine de quatorze jours de cellule disciplinaire, d'autre part, la décision du 3 octobre 2012 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1300619 du 3 mars 2015, le tribunal administratif

de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, d'une part, la décision du 17 septembre 2012 par laquelle le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville l'a sanctionné d'une peine de quatorze jours de cellule disciplinaire, d'autre part, la décision du 3 octobre 2012 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg rejetant son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1300619 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2015, M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300619 du 3 mars 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 3 octobre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me C...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur d'appréciation en considérant qu'un téléphone portable constitue un objet dangereux ;

- la procédure suivie devant la commission de discipline n'a pas été régulière ;

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale ;

- la durée du placement en cellule disciplinaire est manifestement excessive.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2016, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance. Il soutient en outre qu'une recharge téléphonique doit être assimilée à un téléphone dont elle est l'accessoire indispensable.

Par une décision du 10 septembre 2015, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., né le 14 janvier 1981, est incarcéré depuis le 1er février 2008. Il a été condamné par la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle le 21 mai 2011 à une peine de trente ans de réclusion criminelle, ainsi que par le tribunal correctionnel de Nancy le 14 septembre 2012, à six ans d'emprisonnement. Il exécute aussi une peine de trois ans d'emprisonnement pour des faits de mutinerie organisés à la maison d'arrêt de Bar-le-Duc. Il est libérable le 11 février 2050.

2. Le 17 septembre 2012, il a comparu devant la commission de discipline du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville et a été sanctionné de quatorze jours de cellule disciplinaire. Il a formé un recours administratif préalable contre cette décision, qui a été rejeté le 3 octobre 2012 par la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg.

3. M.B..., qui est désormais incarcéré à.... Il ressort de ses écritures que sa requête doit être regardée comme tendant à l'annulation de ce jugement en tant seulement que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 3 octobre 2012.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision en date du 3 octobre 2012 :

4. En premier lieu, M. B...soutient que la procédure suivie devant la commission de discipline n'a pas été régulière au motif que sa convocation ne lui a pas été régulièrement notifiée alors que ce document informe la personne détenue de ses droits.

5. Selon les dispositions de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale :

" En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. Le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition.

La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures.

Elle dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique (...). "

Selon l'article R. 57-7-17 du même code :

" La personne détenue est convoquée par écrit devant la commission de discipline.

La convocation lui rappelle les droits qui sont les siens en vertu de l'article R. 57-7-16 (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que si M. B...n'a pas signé la convocation à la commission de discipline qui lui a été remise le 4 septembre 2012, il a en revanche signé ce même jour à 14 h 10, la demande d'aide juridique pour l'assistance d'un avocat devant la commission de discipline qui a été éditée en même temps que la convocation. Il ressort de l'examen du formulaire de cette demande, que celle-ci mentionne, dans les mêmes termes que la convocation, la description des évènements donnant lieu à poursuite et la teneur de l'infraction réprimée par l'article R. 57-7-1 7°, énonce la possibilité de se faire assister d'un conseil, le nom de son conseil figurant comme alternative à la désignation d'un avocat par le batonnier, et précise la date de sa convocation, le 17 septembre 2012, devant la commission de discipline. Par ailleurs, M. B...a signé le bordereau de remise des pièces de la procédure établissant que celles-ci ont été mises à sa disposition le 13 septembre 2012. Enfin, les pièces de la procédure comportaient une copie de la convocation, laquelle mentionnait ses droits.

7. En conséquence, M. B...qui ne démontre pas avoir été privé des informations lui permettant d'exercer valablement ses droits, n'est pas fondé à soutenir que la procédure est irrégulière au motif que sa convocation ne lui aurait pas été régulièrement notifiée, faute pour l'administration de justifier de son émargement par le détenu.

8. En deuxième lieu, M. B...soutient que la décision contestée n'est pas suffisamment motivée en ce qu'elle mentionne, sans le démontrer, qu'il est peu probable qu'il n'ait pas ouvert la boîte de chocolat dans laquelle se trouvait un téléphone et son chargeur.

9. La décision litigieuse indique cependant qu'elle est prise au visa des articles R. 57-7-32 et 33, R. 57-7-6 et R. 57-7-1 du code de procédure pénale et, outre la phrase relevée par M. B...dans l'énoncé de son moyen, elle mentionne de façon précise les diverses circonstances de fait qui la fondent et notamment la découverte le 1er août 2012, vers 10 h 10, lors de la fouille de la cellule 142 où l'intéressé était alors seul, d'un chargeur artisanal, d'un téléphone portable et de deux numéros de téléphone dans une boîte de chocolat en poudre, les explications données par deux détenus faisant valoir que le requérant ignorait la présence de ces objets dans sa cellule, les raisons pour lesquelles ces explications ne peuvent être regardées comme convaincantes, ainsi que les raisons pour lesquelles la détention de tels biens constitue une faute disciplinaire du premier degré au sens du 7° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale justifiant, compte tenu de ces faits, le maintien de la sanction prononcée par la commission de discipline. La décision rappelle également que devant la commission de discipline, M. B...n'a pas reconnu les faits, dont la réalité est néanmoins établie par le compte-rendu circonstancié dressé le jour même par le surveillant concerné. Enfin, elle répond de façon détaillée à l'argumentation présentée dans le recours préalable.

10. Ainsi, cette décision est motivée de façon particulièrement complète et précise en droit comme en fait. Le moyen tiré de son absence de motivation ne peut être accueilli.

11. En troisième lieu, M. B...soutient qu'il ignorait la présence du téléphone portable dans sa cellule et que, par suite, il ne peut lui être reproché d'avoir méconnu les dispositions du 7° de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale.

12. Il ressort des comptes-rendus d'incident établis par l'agent du personnel pénitentiaire de service que, le 2 août 2012, un chargeur artisanal et un téléphone portable ont été saisis dans la cellule que M. B...occupait seul. Ni les affirmations de deux de ses codétenus, dont fait état la décision attaquée, ni l'attestation produite par M.B..., dans laquelle un troisième codétenu explique qu'ils ont voulu lui faire une surprise en cachant les objets dans la boîte de chocolat en poudre, ne permettent de considérer qu'il en ignorait l'existence. En effet, ces différents témoignages ne sont accompagnés d'aucune explication quant aux raisons d'un tel cadeau, prohibé au sein d'un établissement pénitentiaire. Par ailleurs, M. B...a, à plusieurs reprises par le passé, été pris en possession de tels objets.

13. Dans ces conditions, l'ignorance alléguée par M. B...ne peut être regardée comme établie.

14. En quatrième lieu, M. B...soutient qu'aucun élément au dossier ne permet d'établir que ce téléphone constitue un objet dangereux et qu'il l'aurait utilisé pour organiser une activité répréhensible.

15. Selon l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale :

" Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue :

(...)

7° D'introduire ou de tenter d'introduire au sein de l'établissement tous objets ou substances dangereux pour la sécurité des personnes ou de l'établissement, de les détenir ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service ;

(...) ".

16. Doit être regardé comme dangereux, au sens de l'article D. 249-1 du code de procédure pénale dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 57-7-1 de ce code, tout objet dont on peut raisonnablement craindre, en raison notamment de la facilité de son usage, que son utilisation soit susceptible de mettre en cause la sécurité des personnes et des biens, notamment dans l'enceinte pénitentiaire. La possession d'un téléphone portable par un détenu, compte tenu de l'usage qui peut en être fait, notamment pour s'affranchir des règles particulières applicables, en vertu de l'article 727-1 du code de procédure pénale, aux communications téléphoniques des détenus et pour faire échec aux mesures de sécurité prises dans l'établissement pénitentiaire, doit être regardée comme la détention d'un objet dangereux et constitue ainsi une faute disciplinaire du premier degré. (CE 4 février 2013 n° 344266).

17. Ainsi, contrairement à ce que soutient M.B..., la détention de ce téléphone constituait une faute disciplinaire, indépendamment de l'usage effectif qu'il en avait été fait ou qu'il projetait d'en faire.

18. En cinquième lieu, M. B...soutient que la durée de placement en cellule disciplinaire est manifestement excessive.

19. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. (CE 1er juin 2015 n° 380449).

20. Il ressort des pièces du dossier que M. B...présentait des antécédents disciplinaires pour des faits similaires en octobre 2011 et février 2012. La détention d'un téléphone portable en cellule constitue une faute du premier degré en application des dispositions précitées de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale. Compte tenu de la gravité de cette faute et des antécédents disciplinaires de l'intéressé, en confirmant la sanction de confinement en cellule disciplinaire pour une période de 14 jours alors que la sanction maximale de cellule disciplinaire encourue pour une faute du premier degré est de 20 jours selon l'article R. 57-7-43 du code de procédure pénale, la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg n'a pas pris une décision disproportionnée aux faits reprochés.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

22. Les conclusions de M. B...tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ou 37 de la loi du 10 juillet 1991, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de la justice.

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N° 15NC02265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02265
Date de la décision : 06/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LAGRANGE PHILIPPOT CLEMENT ZILLIG VAUTRIN SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-10-06;15nc02265 ?
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