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06/10/2016 | FRANCE | N°15NC02016

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 06 octobre 2016, 15NC02016


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 septembre 2015 et le 23 mai 2016, sous le n° 15NC02015, la société Sadef, représentée par Me A..., demande à la cour d'annuler la décision du 1er juillet 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société SAS Etablissements Roland Hunsinger à transformer un supermarché à l'enseigne Match situé à Horbourg-Wihr en magasin de bricolage à l'enseigne Brico E. Leclerc et de l'étendre de 4 000 m², portant la surface totale de vente à 6 000 m² et de mettre

solidairement à la charge de l'Etat et de la SAS Etablissement Roland Hunsing...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 septembre 2015 et le 23 mai 2016, sous le n° 15NC02015, la société Sadef, représentée par Me A..., demande à la cour d'annuler la décision du 1er juillet 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société SAS Etablissements Roland Hunsinger à transformer un supermarché à l'enseigne Match situé à Horbourg-Wihr en magasin de bricolage à l'enseigne Brico E. Leclerc et de l'étendre de 4 000 m², portant la surface totale de vente à 6 000 m² et de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la SAS Etablissement Roland Hunsinger une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

- la commission nationale a commis une erreur d'appréciation compte tenu des effets négatifs du projet sur l'animation locale, sur les flux de transport et son accessibilité ainsi qu'en matière environnementale ;

- la société ne disposait plus de la maîtrise foncière à la date de la décision contestée ;

- la demande présentée par le défendeur sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative est irrecevable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 janvier et 27 mai 2016, la SAS Etablissements Roland Hunsinger, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande le versement, par la société Sadef, d'une part d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure suivie a été régulière ;

- le projet ne porte pas atteinte aux critères d'aménagement du territoire, d'environnement et de développement durable ;

- le recours est abusif.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 septembre 2015 et le 23 mai 2016, sous le n° 15NC02016, la société Surquoit, représentée par Me A..., demande à la cour d'annuler la décision du 1er juillet 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société SAS Etablissements Roland Hunsinger à transformer un supermarché à l'enseigne Match situé à Horbourg-Wihr, en magasin de bricolage à l'enseigne Brico E. Leclerc et de l'étendre de 4 000 m², portant la surface totale de vente à 6 000 m² et de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la SAS Etablissement Roland Hunsinger une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

- la commission nationale a commis une erreur d'appréciation compte tenu des effets négatifs du projet sur l'animation locale, sur les flux de transport et son accessibilité, ainsi qu'en matière environnementale ;

- la société ne disposait plus de la maîtrise foncière à la date de la décision contestée ;

- la demande présentée sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative est irrecevable.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 27 mai 2016, la SAS Etablissements Roland Hunsinger, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande le versement, par la société Surquoit, d'une part d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure suivie a été régulière ;

- le projet ne porte pas atteinte aux critères d'aménagement du territoire, d'environnement et de développement durable ;

- le recours est abusif.

III. Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 octobre 2015 et le 31 mai 2016, sous le n° 15NC02061, la société Bricot Dépôt et la société Castorama France, représentées par Me C..., demandent à la cour d'annuler la décision du 1er juillet 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société SAS Etablissements Roland Hunsinger à transformer un supermarché à l'enseigne Match situé à Horbourg-Wihr, en magasin de bricolage à l'enseigne Brico E. Leclerc et de l'étendre de 4 000 m², portant la surface totale de vente à 6 000 m² et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

- la commission nationale aurait dû requalifier la nature de la demande d'autorisation (création et non extension) ;

- la commission nationale a commis une erreur d'appréciation compte tenu des effets du projet sur l'animation locale, sur les flux de transport et son accessibilité, en matière environnementale ;

- le projet n'est pas compatible avec le Scot Colmar Rhin Vosges ;

- la demande présentée sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative est irrecevable, et le recours n'est pas abusif.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2016, la SAS Etablissements Roland Hunsinger, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande le versement, par les sociétés Brico Dépôt et Castorama France, d'une part d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les sociétés requérantes n'ont pas d'intérêt à agir ;

- la procédure suivie a été régulière ;

- la nature de la demande a été correctement appréciée par la commission nationale ;

- le projet ne porte pas atteinte aux critères d'aménagement du territoire, d'environnement et de développement durable ;

- le projet est compatible avec le Scot Colmar Rhin Vosges ;

- le recours est abusif.

La commission nationale d'aménagement commercial a transmis les pièces de l'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-165 du 14 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour les sociétés Sadef et Surquoit, ainsi que celles de Me C...pour les sociétés Castorama et Brico Dépôt.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Etablissements Roland Hunsinger a demandé à la commission départementale d'aménagement commercial du Haut-Rhin de l'autoriser à transformer un supermarché alimentaire à l'enseigne Match situé à Horbourg-Wihr, fermé depuis novembre 2014, en magasin de bricolage à l'enseigne Brico E. Leclerc (bricolage, jardinage). Le projet, qui implique la démolition du bâtiment existant et la construction d'un nouveau bâtiment, avec une extension de la surface totale de vente de 2 000 à 6 000 m², a été autorisé par la commission départementale le 16 février 2015.

2. La société Surquoit qui exploite un magasin de bricolage à l'enseigne Benoist Bricolage à Vogelstein, et les sociétés Sadef, Brico Dépôt et Castorama qui exploitent des magasins de bricolage à Colmar sous les enseignes Mr Bricolage, Brico dépôt et Castorama, ont contesté cette décision devant la Commission nationale d'aménagement commercial. Le 1er juillet 2015, celle-ci a autorisé le projet de la société SAS Etablissements Roland Hunsinger.

3. Par des requêtes séparées, les sociétés Surquoit, Sadef, Brico Dépôt et Castorama contestent cette décision.

4. Les requêtes susvisées concernent une même décision administrative dont le bien-fondé dépend d'éléments de fait et de considérations de droit qui sont étroitement liés, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

I. Sur la fin de non recevoir opposée à la demande des sociétés Brico Dépôt et Castorama :

5. La société Etablissements Roland Hunsinger soutient que les sociétés Brico Dépôt et Castorama n'ont pas d'intérêt à agir dès lors que le projet en litige est de taille modeste et ne peut faire concurrence aux magasins Castorama et Brico dépôt, qui exploitent respectivement 11 000 m² et 5 993 m² de surfaces de vente à Colmar, les deux enseignes maîtrisant la moitié de l'offre commerciale de la zone de chalandise du projet.

6. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " (...) tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial ".

7. Il ressort des pièces du dossier que les sociétés Brico Dépôt et Castorama disposent toutes deux d'établissements commerciaux situés au nord de Colmar, qui sont intégrés dans la zone de chalandise du projet. A supposer même que les deux enseignes détiennent la moitié de l'offre commerciale dans cette zone, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que leur activité n'est pas susceptible d'être affectée par l'opération projetée, alors qu'elle est de même nature que celle du projet autorisé et que celui-ci est implanté à 8 ou 10 minutes de leurs établissements. Dès lors, la société Etablissements Roland Hunsinger n'est pas fondée à soutenir que les sociétés Brico Dépôt et Castorama sont dépourvues d'intérêt pour agir contre la décision litigieuse.

II. Sur la légalité de la décision du 1er juillet 2015 :

II. A. En ce qui concerne la régularité de la procédure devant la Commission nationale d'aménagement commercial :

II. A. 1. S'agissant de la convocation des membres de la commission :

8. Les requérants soutiennent que la décision contestée n'a pas été prise au terme d'une procédure régulière permettant la tenue d'un débat utile et éclairé dès lors qu'il n'est pas démontré que les membres de la commission ont reçu communication des éléments composant le dossier et utiles à leur appréciation.

9. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce dans sa version applicable au litige : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier :

1° L'avis ou la décision de la commission départementale ;

2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ;

3° Le rapport des services instructeurs départementaux ;

4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ;

5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale ont été convoqués par lettre du 17 juin 2015 pour la réunion le 1er juillet 2015. L'annexe jointe à cette lettre comportait l'ordre du jour et mentionnait la liste, comportant l'ensemble des éléments prévus par les dispositions mentionnées ci-dessus de l'article R. 752-35 du code de commerce, des documents composant chaque dossier à examiner. L'annexe précisait également que "les documents relatifs à ces dossiers seront disponibles sur la plateforme de téléchargement 5 jours au moins avant la tenue de la séance. Ces documents ne seront pas imprimés par le secrétariat de la commission". Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les membres de la commission n'auraient pas été régulièrement mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des documents nécessaires à l'examen des recours déposés par les sociétés requérantes. Par suite, la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas entachée d'irrégularité en raison des modalités de convocation de ses membres.

II. A. 2. S'agissant de la composition du dossier de demande :

11. Les sociétés Sadef et Surquoit soutiennent que la demande d'autorisation commerciale a été présentée par la SAS Etablissements Roland Hunsinger en qualité de futur propriétaire des constructions alors qu'il résulte des documents du dossier que la promesse de vente expirait le 28 novembre 2014.

12. Aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " la demande d'autorisation commerciale est présentée :

a) soit par le ou les propriétaires des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes (...) ".

13. Il ressort de l'instruction que la demande d'autorisation commerciale a été déposée par la SAS Etablissements Roland Hunsinger, qui aux termes d'une attestation notariée fournie à la Commission nationale d'aménagement commercial, était propriétaire des parcelles concernées par l'implantation du projet. L'acte de vente a été signé le 1er décembre 2014. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-4 du code de commerce doit être écarté comme manquant en fait.

II. B. En ce qui concerne le bien-fondé de la décision contestée :

II. B. 1. S'agissant de la nécessité de requalifier la demande :

14. Les sociétés requérantes soutiennent que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait dû requalifier la demande d'autorisation en demande de création et non d'extension, dès lors qu'elle ne portait pas sur la réhabilitation d'une ancienne friche commerciale, mais sur la création ex nihilo d'un nouveau commerce. Il ressort toutefois du rapport du service instructeur de la Commission nationale d'aménagement commercial que la commission s'est prononcée sur le "changement de secteur d'activité d'un supermarché à l'enseigne Match afin de le transformer en magasin de bricolage Brico E. Leclerc et [l'] extension de 4 000 m² de ce dernier, portant sa surface de vente totale à 6 000 m², à Horbourg Wihr (Haut-Rhin)".

15. Ainsi, les auteurs de la décision contestée ne se sont pas mépris sur le sens de la demande et n'étaient pas dans l'obligation de la requalifier.

II. B. 2. S'agissant de l'appréciation de la commission nationale :

16. La demande d'autorisation d'aménagement commercial a été présentée par la SAS Etablissement Roland Hunsinger avant l'entrée en vigueur le 15 février 2015 de la loi du 18 juin 2014 et du décret du 12 février 2015. Toutefois, l'article 4 du décret du 12 février 2015 prévoit en son III que " par dérogation à l'article R. 752-34 du code de commerce, pour les demandes d'autorisation d'exploitation (...) en cours d'instruction devant la Commission nationale d'aménagement commercial à la date d'entrée en vigueur du présent décret, les délais d'un et quatre mois prévus à l'article L. 752-4 et aux I , II et V de l'article L. 752-17 du même code courent à compter de la date de publication du décret prévu à l'article L. 751-5 du même code ". Par suite, ces dispositions s'appliquent à la décision contestée.

17. Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, applicable au litige : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ".

18. Selon les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux petites entreprises et applicable au litige, la commission départementale d'aménagement commercial prend en considération trois séries de critères liés à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs. A titre accessoire, elle peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. Lorsqu'elle est saisie, la Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6, qui se substitue à celui de la commission départementale.

19. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation des objectifs prévus par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code.

Sur le critère de l'aménagement du territoire :

20. Les requérants font grief au projet, d'une part, de risquer de créer une friche artisanale par disparition du magasin Benoist Bricolage de Volgelsheim, d'autre part, de ne pas tenir compte de l'offre déjà existante en matière de commerces de bricolage et de jardinage.

21. Aux termes du 1° de l'article L. 752-6 du code de commerce relatif au critère de l'aménagement du territoire, la commission prend en considération :

" a) La localisation du projet et son intégration urbaine ;

b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ;

c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ;

d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ".

22. Le projet en cause vise à modifier l'activité d'un supermarché fermé depuis novembre 2014. Il est situé dans la commune de Horbourg-Wihr qui appartient à l'agglomération de Colmar, dans une zone d'activités artisanales, hôtelières et de commerce.

23. La création d'une surface commerciale spécialisée, située dans une zone commerciale existante et urbanisée, a pour objectif d'offrir une offre plus diversifiée aux consommateurs afin de leur permettre de diminuer leurs déplacements et de compléter l'offre commerciale de l'agglomération de Colmar par un magasin de bricolage de format intermédiaire dans un secteur géographique où cette activité est peu représentée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet pourrait avoir un impact négatif sur les commerces du centre ville de Horbourg-Wihr qui, selon le rapport présenté devant la Commission nationale d'aménagement commercial, ne comporte pas de commerce de cette nature, ni qu'il méconnaît l'objectif d'animation de la vie urbaine. Ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission nationale a fait une appréciation erronée de l'incidence du projet en matière d'animation de la vie urbaine et rurale.

Sur le critère du développement durable :

24. Les sociétés requérantes soutiennent que la décision attaquée méconnaît l'objectif fixé par le législateur en matière de développement durable, dès lors que le projet entraînera une importante " artificialisation " des sols.

25. A ce titre, la commission prend en considération, selon l'article L. 752-6 du code de commerce :

" a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ;

b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ;

c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche.

(...). ".

26. Il ressort des pièces du dossier que si la surface de plancher passe de 4 960 m² à 7 285 m², le projet, qui se substitue à un bâtiment existant et comporte la suppression de surfaces de stationnement, n'augmente pas les surfaces imperméabilisées. De plus, les plantations existantes seront réhabilitées par un rajeunissement et un renforcement des végétaux (arbre à haute tige, végétation de clôture). Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le projet est situé en zone urbanisée, en dehors d'un périmètre Natura 2000 et d'espaces protégés et qu'un soin particulier sera apporté au traitement paysager du terrain afin de préserver le caractère rural du secteur et d'intégrer les constructions dans le paysage végétal environnant. Des plantations d'arbres de haute tige et d'arbustes borderont ainsi les voies principales et les parkings seront arborés. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commission nationale a fait une appréciation erronée de l'impact du projet en matière de développement durable.

Sur le critère de la protection des consommateurs :

27. A ce titre, la commission prend en considération, selon l'article L. 752-6 du code de commerce :

" a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ;

b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ;

(...). ".

28. Il ressort du rapport d'instruction de la demande que le projet se situe au sein d'une zone d'activités, et que l'accès des véhicules s'y fait soit par la rue de Mulhouse, soit par la route départementale 418, au niveau du giratoire assurant l'intersection avec la rue de Sélestat. Selon le même rapport, qui tient compte des éléments complémentaires fournis par la société Roland Hunsinger à la demande de la Commission nationale, 280 000 clients et visiteurs sont attendus chaque année dans le nouveau magasin, ce qui y amènera 266 000 véhicules par an. Les requérants n'apportent aucun élément précis permettant de remettre en cause ces chiffres et les flux prévisionnels qui en résultent sont comparables à ceux qui étaient générés par l'ancien supermarché.

29. Par ailleurs, si les requérants font valoir que la fréquence des autobus serait insuffisante et que les liaisons piétonnes ne devraient pas être prise en compte en raison de l'éloignement du nouveau commerce par rapport aux habitations, ils n'apportent aucun élément probant à l'appui de ces affirmations.

30. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le projet, situé à faible distance des zones d'habitation, doit permettre de développer une offre de proximité complémentaire et ainsi contribuer à l'amélioration du confort d'achat des consommateurs locaux, au renforcement de l'attractivité globale de la commune et à la limitation de l'évasion commerciale vers des pôles commerciaux situés à l'extérieur de la zone de chalandise.

31. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la Commission nationale a entaché d'erreur son appréciation du projet au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

II. B. 3. S'agissant de la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale Colmar Rhin Vosges :

32. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale (SCOT), mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs que les schémas définissent.

33. Les requérants soutiennent que le projet n'est pas compatible avec le SCOT Colmar Rhin Vosges dès lors que l'objectif énoncé dans le document d'orientation générale du SCOT, de recherche d'une qualité architecturale pour les projets commerciaux ainsi que d'une bonne intégration paysagère avec des formes urbaines plus attractives, n'est pas respecté.

34. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment sera construit à l'emplacement de l'actuel supermarché, en fond de terrain. La plantation de 90 arbres à haute tige et l'aménagement d'une haie doivent constituer un filtre végétal autour d'un bâtiment, qui sera construit avec des matériaux en verre, acier et aluminium pour lui donner un aspect de transparence et de sobriété des lignes. Par ailleurs, le bâtiment qui respecte la règlementation thermique en vigueur, intègre des systèmes de récupération des eaux de pluies et une pompe à chaleur. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet contesté avec le schéma de cohérence territoriale doit être écarté.

35. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée.

III. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

36. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros. ".

37. La faculté prévue par cette disposition constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la société SAS Roland Hunsinger tendant à ce que les sociétés requérantes soient condamnées à une telle amende ne sont pas recevables.

IV. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

38. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Roland Hunsinger, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que les sociétés Sadef, Surquoit, Brico Dépôt et Castorama France demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de chacune des sociétés Sadef, Surquoit, Brico Dépôt et Castorama France une somme de 500 euros à verser à société SAS Etablissements Roland Hunsinger au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes des sociétés Sadef, Surquoit, Brico Dépôt et Castorama France sont rejetées.

Article 2 : Les sociétés Sadef, Surquoit, Brico Dépôt et Castorama France verseront chacune une somme de 500 euros (cinq cents euros) à la société SAS établissements Roland Hunsinger au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Sadef, Surquoit, Brico Dépôt et Castorama France, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la société SAS Etablissements Roland Hunsinger.

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N° 15NC02015-15NC02016-15NC2061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02016
Date de la décision : 06/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-02-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Procédure. Commission nationale d`aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LESAGE ORAIN PAGE VARIN CAMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-10-06;15nc02016 ?
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