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22/09/2016 | FRANCE | N°15NC02291

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 22 septembre 2016, 15NC02291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 19 février 2015 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et, d'autre part, la décision du 9 juin 2015 par laquelle cette même autorité a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1503134 du 11 juin 2015, le magistrat

désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 19 février 2015 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et, d'autre part, la décision du 9 juin 2015 par laquelle cette même autorité a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1503134 du 11 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 9 juin 2015 plaçant M. B...en rétention administrative et a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement et de la décision fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1502254 du 29 octobre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 19 février 2015 en tant qu'il refuse un titre de séjour à M.B....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 31 juillet 2015 sous le n° 15NC01710, le préfet du

Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 11 juin 2015 en tant qu'il annule la décision du 9 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M.B....

Il soutient que :

- il n'a jamais considéré que M. B...était sans domicile fixe ;

- l'intéressé n'a jamais communiqué d'adresse effective aux services de la préfecture ;

- l'intimé ne dispose d'aucun document d'identité ou de voyage ;

- il a manifesté la volonté de ne pas retourner dans son pays d'origine malgré deux mesures d'éloignement prises à son encontre.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 décembre 2015, M.B..., représenté par Me Dole, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il fait valoir que :

- la mesure de rétention est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 19 février 2015 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

- il justifie de garanties de représentation suffisantes ;

- la mesure de rétention est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- une assignation à résidence aurait suffi à garantir son éloignement.

Par une décision du 28 avril 2016, le président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête enregistrée le 18 novembre 2015 sous le n° 15NC02291, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 octobre 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M.B....

Il soutient que :

- il a examiné la demande de titre de séjour de M. B...au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre gracieux, au regard de celles de l'article L. 313-10 du même code ;

- l'intimé ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions précitées pour la délivrance d'un titre de séjour ;

- il ne s'est pas estimé en situation de compétence liée au regard des orientations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, dont M. B...ne peut se prévaloir ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de titre de séjour ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ce refus n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2016, M. A...B..., représenté par Me Dole, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il fait valoir que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle n'avait pas à être précédée d'une autorisation de travail visée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- cette décision n'a pas été précédée d'un examen de sa situation ;

- le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée au regard des critères fixés par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 28 avril 2016, le président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

III. Par une requête enregistrée le 18 novembre 2015 sous le n° 15NC02292, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 29 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 19 février 2015 en tant qu'il oppose un refus de séjour à M.B....

Il soutient les mêmes moyens que ceux qui sont invoqués dans la requête susvisée enregistrée sous le n° 15NC02291.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2016, M. A...B..., représenté par Me Dole, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il fait valoir les mêmes moyens que ceux qui sont invoqués dans son mémoire enregistré le 26 août 2016 sous la requête susvisée, enregistrée sous le n° 15NC02291.

Par une décision du 28 avril 2016, le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2016.

1. Considérant que M.B..., ressortissant kosovar né le 29 septembre 1985, est entré en France, selon ses déclarations, le 25 novembre 2010 pour solliciter l'octroi du statut de réfugié ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 18 août 2011, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 février 2013 ; qu'il ressort des pièces des dossiers que, par un courrier du 17 juin 2014, M. B...a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (7°) et sur celui de l'article L. 313-14 du même code ; que, par un arrêté du 19 février 2015, le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande et assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français à destination de l'Albanie ; que M. B...a demandé l'annulation de cet arrêté par une requête enregistrée le 28 avril 2015 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg ; que, par une décision du 9 juin 2015, le préfet du Bas-Rhin a placé l'intéressé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que, par un jugement du 11 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, statuant en application des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé la décision du 9 juin 2015 et rejeté les conclusions de M. B...dirigées contre l'arrêté du 19 février 2015 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français à destination de l'Albanie ; que, par un jugement du 29 octobre 2015, le tribunal administratif a annulé ce même arrêté en tant qu'il refuse un titre de séjour à l'intéressé ; que, par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le préfet du Bas-Rhin demande l'annulation du jugement du 11 juin 2015 en tant qu'il annule sa décision du 9 juin précédent, ainsi que l'annulation et le sursis à l'exécution du jugement du 29 octobre 2015 ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que, dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant par là-même des motifs exceptionnels exigés par la loi ; qu'il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

3. Considérant que, dans son courrier du 17 juin 2014, M. B...a présenté une demande de titre de séjour en se prévalant tant du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des mentions de la circulaire du 26 novembre 2012 visant une admission exceptionnelle au séjour, au titre du travail, en application de l'article L. 313-14 du code précité ; qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 19 février 2015, en particulier de l'avant dernier paragraphe de ses motifs, que le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de l'intimé présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 aux motifs qu'il résidait en France depuis moins de cinq ans et qu'il n'était titulaire d'aucun visa de long séjour, ni d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions du code du travail auxquelles renvoie l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que toutefois, la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-14, si elle suppose un examen de l'ancienneté du séjour de l'étranger en France, n'est pas subordonnée à une durée de résidence d'au moins cinq ans ; que par ailleurs, le préfet du Bas-Rhin a opposé à l'intéressé des motifs tirés de l'application des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il lui revenait, étant saisi d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code, d'examiner, quand bien même M. B...ne bénéficierait ni d'un visa de long séjour, ni d'une autorisation de travail, si la qualification et l'expérience professionnelle de l'intéressé, au regard notamment de la promesse d'embauche dont il se prévalait, pouvaient constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ; que, dès lors, la décision du préfet de Bas-Rhin du 19 octobre 2015 refusant un titre de séjour à M. B...est entachée d'erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 19 février 2015 en tant qu'il refuse un titre de séjour à M.B... ;

Sur la légalité de la décision du 9 juin 2015 :

5. Considérant que par le jugement n° 1502254 du 29 octobre 2015, dont le bien-fondé est confirmé par le présent arrêt, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du préfet du Bas-Rhin du 19 février 2015 refusant un titre de séjour à M. B...; que l'annulation ainsi prononcée a pour effet de priver de base légale l'obligation de quitter le territoire français prise le même jour par le préfet, sur le fondement de laquelle a été prise la décision du 9 juin 2015 ordonnant le placement de l'intimé en rétention ; que par suite, la décision du 9 juin 2015 est elle-même illégale, par voie d'exception, à raison de l'illégalité dont la mesure d'éloignement est entachée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 11 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 9 juin précédent ;

Sur les conclusions tendant à ce que la cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement du 29 octobre 2015 :

7. Considérant que le présent arrêt rejette la requête présentée en appel par le préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 29 octobre 2015 ; que par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet tendant au sursis à l'exécution de ce jugement, qui est devenue sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dole, avocate de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement de la somme de 1 500 euros au conseil de l'intimé ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes nos 15NC01710 et 15NC02291 du préfet du Bas-Rhin sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête no 15NC02292 du préfet du Bas-Rhin.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dole une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'intéressée renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin, pour information.

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Nos 15NC01710, 15NC02291, 15NC02292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02291
Date de la décision : 22/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-22;15nc02291 ?
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