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05/08/2016 | FRANCE | N°15NC02340

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 août 2016, 15NC02340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) JM5 SAR a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dégagé au titre du troisième trimestre de l'année 2007, pour un montant de 44 100 euros, correspondant au crédit de taxe déductible dont elle disposait au titre de cette même année.

Par un jugement n° 0804843 du 23 juin 2011, le tribunal administratif a accordé à la société le remboursement demandé.

Par un arrêt n° 1

1NC01362 du 21 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur recours du ministre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) JM5 SAR a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dégagé au titre du troisième trimestre de l'année 2007, pour un montant de 44 100 euros, correspondant au crédit de taxe déductible dont elle disposait au titre de cette même année.

Par un jugement n° 0804843 du 23 juin 2011, le tribunal administratif a accordé à la société le remboursement demandé.

Par un arrêt n° 11NC01362 du 21 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur recours du ministre chargé du budget, annulé les articles 1er et 2 de ce jugement et remis à la charge de la SCI JM5 SAR les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement avait été accordé par le tribunal administratif de Strasbourg.

Par une décision n° 375055 du 23 novembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 23 août 2011, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804843 du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la demande de la SCI JM5 SAR en lui accordant, d'une part, le remboursement de la somme de 44 100 euros correspondant au crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre du troisième trimestre de l'année 2007 et, d'autre part, en condamnant l'Etat à verser à cette société la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCI JM5 SAR devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) d'ordonner le reversement des sommes en litige.

Le ministre soutient que :

- la société intimée ne remplit pas les conditions prévues par l'article 257 bis du code général des impôts dispensant de taxe sur la valeur ajoutée une opération de transfert d'une universalité totale ou partielle de biens, dès lors qu'elle a cédé l'immeuble situé à Imling le jour même de son acquisition et a entendu destiner cet immeuble à une activité de vente et non à une activité de location durable ;

- le service pouvait donc, en application de l'article 210 de l'annexe II au même code, procéder à la régularisation de la taxe déduite à raison de l'acquisition d'agencements immobiliers, qu'elle a revendus dans le cadre de l'opération de cession de l'immeuble ;

- ni le cédant, ni le cessionnaire de l'immeuble n'ont fait part de leur intention de se placer sous le régime de faveur de l'article 257 bis du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2011, la SCI JM5 SAR, représentée par MeA..., conclut au rejet du recours du ministre et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'application de l'article 257 bis du code général des impôts est de droit et n'est soumise à aucune exigence de forme ;

- elle remplit les conditions prévues par l'article 257 bis dès lors qu'elle a cédé l'immeuble destiné à la location à une société redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et qui a continué l'exploitation locative de cet immeuble ;

- l'administration ne pouvait, dans ces conditions, procéder à la régularisation prévue par l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts.

La clôture d'instruction a été fixée au 6 avril 2016 par une ordonnance en date du 22 mars 2016 prise en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 ;

- l'arrêt C-497/01 du 27 novembre 2003 de la Cour de justice des communautés européennes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) JM5 SAR a conclu le 3 mai 2004 un crédit-bail immobilier portant sur un immeuble situé à Imling (Moselle) composé de locaux commerciaux destinés à la location ; que, le 31 décembre 2006, elle a acquis, auprès d'une société locataire, des agencements immobiliers pour un montant hors taxes de 250 000 euros et a acquitté une somme de 49 000 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, le 14 avril 2007, elle a acquis l'ensemble immobilier qui faisait l'objet du crédit-bail, pour un montant de 560 000 euros, puis, le même jour, a revendu cet ensemble à un tiers au prix de 850 000 euros ; que cette cession, qui comprenait la revente des agencements immobiliers acquis le 31 décembre 2006, n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société ayant sollicité le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée lors de l'acquisition de ces agencements, l'administration fiscale a estimé, à l'issue d'une vérification de comptabilité, qu'une fraction de ladite taxe correspondant aux agencements immobiliers devait faire l'objet d'une régularisation au motif que la cession de l'ensemble immobilier n'avait pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par un arrêt du 21 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur l'appel du ministre chargé du budget, annulé les articles 1er et 2 du jugement du 23 juin 2011 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg avait accordé à la SCI JM5 SAR le remboursement de la somme de 44 100 euros, et a remis à sa charge les droits de taxe en litige ; que, par une décision du 23 novembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 257 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 89 de la loi du 30 décembre 2005, pris en application de la faculté ouverte par l'article 5, paragraphe 8 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du 10 avril 1995 : " Les livraisons de biens, les prestations de services et les opérations mentionnées aux 6° et 7° de l'article 257, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens. / (...) Le bénéficiaire est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, ainsi que, s'il y a lieu, pour l'application des dispositions du e du 1 de l'article 266, de l'article 268 ou de l'article 297 A " ; qu'aux termes de l'article 210 de l'annexe II à ce code, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " I. Lorsque des immeubles sont cédés ou apportés avant le commencement de la dix-neuvième année qui suit celle de leur acquisition ou de leur achèvement et que la cession ou l'apport ne sont pas soumis à la taxe sur le prix total ou la valeur totale de l'immeuble, l'assujetti est redevable d'une fraction de la taxe antérieurement déduite. Cette fraction est égale au montant de la déduction diminuée d'un vingtième par année civile ou fraction d'année civile écoulée depuis la date à laquelle l'immeuble a été acquis ou achevé. Sont assimilés à une cession ou un apport la cessation de l'activité ou la cessation des opérations ouvrant droit à déduction ainsi que le transfert entre différents secteurs d'activités d'un assujetti prévus à l'article 213. (...) " ;

3. Considérant que, conformément à l'interprétation des dispositions de l'article 5, paragraphe 8 de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 27 novembre 2003 dans l'affaire C-497/01, la dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 257 bis du code général des impôts lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens s'applique à tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise dès lors que le bénéficiaire du transfert a pour intention d'exploiter le fonds de commerce ou la partie d'entreprise ainsi transmis et non simplement de liquider immédiatement l'activité concernée ; que ce transfert peut notamment porter sur des éléments corporels permettant cette exploitation, comme des éléments d'équipement commercial ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les biens cédés par la SCI JM5 SAR le 19 avril 2007 comprenaient l'ensemble immobilier situé à Imling, ainsi que les agencements immobiliers acquis par la SCI le 31 décembre 2006, et permettaient au tiers bénéficiaire de la cession de poursuivre, de façon autonome, l'activité de location de ces locaux ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par l'administration que le bénéficiaire du transfert a poursuivi cette activité de location ; que, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 257 bis du code général des impôts, le cessionnaire était réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier ; qu'ainsi, l'administration ne pouvait procéder à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée, acquittée lors de l'acquisition des agencements immobiliers le 31 décembre 2006, sur le fondement des dispositions de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts ;

5. Considérant, en second lieu, que si le ministre fait valoir que ni le cédant, ni le cessionnaire de l'ensemble immobilier n'auraient fait part de leur intention de se placer sous le régime de faveur prévu par les dispositions de l'article 257 bis du code général des impôts, il n'est pas établi, ni même sérieusement soutenu, que la SCI JM5 SAR aurait méconnu les règles applicables en matière de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'au demeurant, il ressort expressément de l'acte de cession conclu le 19 avril 2007 que les parties ont entendu placer l'opération de transfert de l'ensemble immobilier situé à Imling sous l'empire de l'article 257 bis du code général des impôts ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la SCI JM5 SAR le remboursement de la somme de 44 100 euros correspondant au crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre du troisième trimestre de l'année 2007 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI JM5 SAR et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SCI JM5 SAR une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière JM5 SAR et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Rousselle, président de chambre,

- Mme Dhiver, président-assesseur,

- M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 août 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-M. GUERIN-LEBACQLe président,

Signé : P. ROUSSELLELe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

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N° 15NC02340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02340
Date de la décision : 05/08/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ELIDE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-08-05;15nc02340 ?
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