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05/08/2016 | FRANCE | N°15NC00239

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 août 2016, 15NC00239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 9 avril 2014 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public d'insertion de la défense (EPIDE) a prononcé son licenciement dans l'intérêt du service à compter du 7 avril 2014 et d'enjoindre à cet établissement public de le réintégrer dans ses fonctions de directeur adjoint et de reconstituer sa carrière ou, subsidiairement, de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 112 66

0 euros représentant trois années de salaire. Il a également demandé au tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 9 avril 2014 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public d'insertion de la défense (EPIDE) a prononcé son licenciement dans l'intérêt du service à compter du 7 avril 2014 et d'enjoindre à cet établissement public de le réintégrer dans ses fonctions de directeur adjoint et de reconstituer sa carrière ou, subsidiairement, de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 112 660 euros représentant trois années de salaire. Il a également demandé au tribunal de condamner l'EPIDE à lui verser une somme de 45 194 euros en réparation des préjudices qu'il allègue avoir subis du fait de son licenciement.

Par un jugement n° 1401241 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision attaquée uniquement en tant qu'elle fixe la date d'effet du licenciement de M. C... à une date antérieure à sa notification, intervenue le 12 avril 2014, et enjoint à l'EPIDE de réintégrer l'intéressé pour la période du 7 au 12 avril 2014. Il a rejeté le surplus de la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 4 février 2015, 23 mars 2016 et 28 avril 2016, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 décembre 2014 dans la mesure où il annule la décision du 9 avril 2014 uniquement en tant qu'elle fixe la date d'effet de son licenciement à une date antérieure au 12 avril 2014 ;

2°) d'annuler la décision du directeur général de l'Etablissement public d'insertion de la défense (EPIDE) du 9 avril 2014 en tant qu'elle prononce son licenciement à compter du 13 avril 2014 ;

3°) de condamner l'EPIDE à lui verser la somme de 112 660 euros représentant trois années de salaire, ainsi que la somme de 35 194 euros à titre de rappel de salaire et la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4°) de mettre les dépens à la charge de l'EPIDE ;

5°) de mettre à la charge de l'EPIDE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'EPIDE devait reprendre l'intégralité de la procédure disciplinaire et ne pouvait pas le licencier le 9 avril 2014 sans l'avoir convoqué à un entretien préalable ;

- la décision de licenciement n'est pas motivée ;

- il a toujours exercé ses fonctions de directeur adjoint avec sérieux, s'est constamment employé à permettre un bon fonctionnement du centre de Langres de l'EPIDE et aucune des insuffisances professionnelles qui lui sont reprochées n'est fondée ; son licenciement constitue une sanction pour avoir dénoncé les dysfonctionnements de l'établissement et les agissements de son directeur ;

- sa réintégration implique que l'EPIDE lui verse la différence de rémunération depuis le jour de la rupture de son contrat de travail, sous déduction des indemnités versées par Pôle emploi ;

- sa réintégration ne pouvant désormais être prononcée, il doit être indemnisé de sa perte de salaire entre le 12 octobre 2012 et le 9 avril 2014, soit une somme de 112 660 euros ;

- la décision illégale de licenciement du 1er février 2013 lui a causé un préjudice matériel, d'un montant de 35 194 euros, représentant sa perte de salaire entre le 1er février 2013 et le 7 juin 2014 ;

- il a subi un préjudice moral, caractérisé par une atteinte à son honneur, qui doit être réparé par l'allocation d'une indemnité de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2015, l'Etablissement public d'insertion de la défense (EPIDE), représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M. C...a été recruté le 15 janvier 2007, initialement en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée, pour exercer les fonctions de directeur adjoint du centre de Langres de l'Etablissement public d'insertion de la défense (EPIDE) ; que, par une décision du 1er février 2013, il a été licencié dans l'intérêt du service ; que, par un jugement du 28 janvier 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision au motif qu'elle n'était pas suffisamment motivée ; que le directeur général de l'EPIDE a pris une nouvelle décision, le 9 avril 2014, par laquelle il a prononcé le licenciement de M. C...avec effet au 7 avril 2014 ; que, par un jugement du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision en tant qu'elle fixe la date d'effet du licenciement de l'intéressé à une date antérieure à sa notification intervenue le 12 avril 2014, puis a rejeté le surplus de la demande présentée devant lui ; que M. C...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision prononçant son licenciement à partir du 13 avril 2014 ; qu'il renouvelle également devant la cour les conclusions indemnitaires qu'il avait présentées en première instance ;

Sur la légalité de la décision de licenciement du 9 avril 2014 :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis " ;

3. Considérant, en premier lieu, que M. C...soutient que la décision du 9 avril 2014 prononçant son licenciement dans l'intérêt du service n'a pas été précédée d'un entretien préalable, en méconnaissance des dispositions de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, préalablement à la décision de licenciement du 1er février 2013, M. C...a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 9 janvier 2013 ; qu'en l'absence de changement de circonstances, l'annulation contentieuse de la décision du 1er février 2013 en raison d'un défaut de motivation n'obligeait pas l'établissement public à organiser un nouvel entretien préalable avant de prononcer le licenciement de M. C...le 9 avril 2014, dès lors que ce licenciement est fondé sur les mêmes insuffisances professionnelles ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'entretien préalable doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, que la décision du 9 avril 2014 expose les insuffisances professionnelles reprochées à M.C..., ainsi que les dispositions qui la fondent ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 ;

En ce qui concerne la légalité interne :

6. Considérant que, ainsi que l'énonce la décision du 9 avril 2014, l'EPIDE a pris la décision de licencier M. C...en raison de carences dans l'encadrement et l'animation du service dont il avait la responsabilité en qualité de directeur adjoint du centre de Langres ;

7. Considérant, d'une part, qu'une enquête administrative conduite en février 2012 mentionne les difficultés relationnelles de M. C...avec plusieurs agents du centre de Langres ainsi qu'un manque d'efficacité dans le travail ; que ces insuffisances ont été confirmées par les auditions réalisées à l'occasion d'une enquête interne conduite par le directeur des ressources humaines de l'EPIDE en décembre 2012, qui font état d'un comportement impulsif de M. C..., d'excès de langage ainsi que d'une agressivité à l'égard de jeunes volontaires dont le centre EPIDE de Langres avait pour mission d'assurer l'insertion sociale et professionnelle ; qu'il ressort également des comptes rendus de ces auditions menées auprès de deux autres membres du comité de direction du centre de Langres que M. C...n'organisait pas ni n'assistait à certaines des réunions qu'il devait animer, n'a pas respecté la confidentialité de certaines informations relatives aux agents du centre et a manqué à son devoir de réserve en formulant des critiques sur la gestion des ressources humaines de l'EPIDE ; que l'ensemble de ces éléments révèle une inaptitude de M. C...à exercer normalement les fonctions de directeur adjoint pour lesquelles il avait été recruté ;

8. Considérant, d'autre part, que si les témoignages versés au dossier, dont certains émanent d'agents ou anciens agents du centre de Langres, font apparaître que M. C...s'est efforcé, en sa qualité de directeur adjoint, de pallier les absences du directeur du centre et qu'il était apprécié par certains membres de son équipe, ils ne contiennent pas d'éléments de nature à remettre en cause la réalité des insuffisances professionnelles relevées par l'EPIDE ; que le requérant ne saurait en outre se prévaloir de son évaluation professionnelle faite le 9 juin 2009 et des termes de l'attestation rédigées par le directeur général adjoint de l'EPIDE qui portent sur sa manière de servir avant 2009 ; qu'il ne saurait non plus se prévaloir de la circonstance qu'il donne satisfaction dans son nouvel emploi, au sein du pôle ministériel de l'action sociale du ministère de la défense ;

9. Considérant, enfin, que M. C...soutient que son licenciement est exclusivement motivé par son attitude à l'égard du directeur du centre de Langres dont il avait dénoncé le comportement auprès du directeur général de l'EPIDE ; que si le requérant était effectivement en conflit avec sa hiérarchie et si certains manquements qu'il a rapportés étaient fondés, il ressort de ce qui a été dit précédemment que la matérialité des griefs qui lui sont faits et qui ont fondé son licenciement est établie ; que compte tenu du niveau hiérarchique que M. C...occupait, l'EPIDE a pu estimer que ses insuffisances et son comportement étaient de nature à nuire au bon fonctionnement du service et prononcer pour ce motif son licenciement ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 9 avril 2013 uniquement en tant qu'elle prononce son licenciement à compter du 13 avril 2014 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Considérant, en premier lieu, qu'en l'absence d'illégalité fautive de la décision du 9 avril 2014 en tant qu'elle prononce le licenciement de M. C...à compter du 13 avril 2014, celui-ci ne peut prétendre à la réparation du préjudice que lui aurait causé cette décision ;

12. Considérant, en second lieu, que M. C...demande également réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision de licenciement du 1er février 2013 ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, cette décision a été annulée par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en raison d'un défaut de motivation ; qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de la nature de cette irrégularité et de son faible degré de gravité, la même décision de licenciement aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière ; que, par suite, le préjudice financier et le préjudice moral dont M. C...demande réparation ne peuvent être regardés comme la conséquence du défaut de motivation dont était entachée la décision de licenciement du 1er février 2013 ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes indemnitaires ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant, d'une part, que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, les conclusions présentées par M.C..., tendant à ce que l'EPIDE soit condamné aux dépens, ne peuvent qu'être rejetées ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EPIDE, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par M. C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'EPIDE présentées sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etablissement public d'insertion de la défense tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à l'Etablissement public d'insertion de la défense.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Rousselle, président de chambre,

- Mme Dhiver, président assesseur,

- M. Fuchs, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 août 2016

Le rapporteur,

Signé : M. DHIVERLe président,

Signé : P. ROUSSELLE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

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N° 15NC00239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00239
Date de la décision : 05/08/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET JACQUEMET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-08-05;15nc00239 ?
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