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30/06/2016 | FRANCE | N°15NC02403-15NC02404

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 15NC02403-15NC02404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 24 juin 2015 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de les admettre au séjour en qualité de demandeurs d'asile et a décidé de les remettre aux autorités allemandes.

Par des jugements nos 1505939 et 1505940 du 2 novembre 2013, le magistrat délégué du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 5 décembre

2015 sous le n° 15NC02403, Mme A..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 24 juin 2015 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de les admettre au séjour en qualité de demandeurs d'asile et a décidé de les remettre aux autorités allemandes.

Par des jugements nos 1505939 et 1505940 du 2 novembre 2013, le magistrat délégué du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 5 décembre 2015 sous le n° 15NC02403, Mme A..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1505940 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me D...d'une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le premier juge n'a pas écarté des débats une lettre en allemand du 15 mai 2015 produite par le préfet pour établir que les autorités allemandes avaient accepté de prendre en charge les époux A...;

- l'ordonnance de Villers-Cotterets du 25 août 1539 est méconnue dès lors que cet acte n'a pas été traduit ;

- l'acte est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision des autorités allemandes ordonnant la remise des époux A...à la France ne comporte pas l'ensemble des mentions prévues par l'article 26 du règlement n° 604/2013 dit Dublin III.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II°) Par une requête enregistrée le 5 décembre 2015 sous le n° 15NC02404, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1505939 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me D...d'une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le premier juge n'a pas écarté des débats une lettre en allemand du 15 mai 2015 produite par le préfet pour établir que les autorités allemandes avaient accepté de prendre en charge les époux A...;

- l'ordonnance de Villers-Cotterets du 25 août 1539 est méconnue dès lors que cet acte n'a pas été traduit ;

- l'acte est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision des autorités allemandes ordonnant la remise des époux A...à la France ne comporte pas l'ensemble des mentions prévues par l'article 26 du règlement n° 604/2013 dit Dublin III

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2015, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. et Mme A...n'ont pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par des décisions du 26 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement UE n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 15NC02403 et 15NC02404 de M. et Mme A...concernent le même jugement et des décisions administratives relatives aux membres d'une même famille dont le bien-fondé dépend d'éléments de fait et de considérations de droit qui sont étroitement liés, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

2. M. et MmeA..., ressortissants kosovares, sont entrés en France le 4 juillet 2013 avec leurs deux enfants et ont présenté une demande d'asile. La comparaison de leurs empreintes digitales avec le fichier Eurodac a révélé qu'ils avaient déjà présenté une demande d'asile en Hongrie le 14 juin 2013. Par arrêté du 17 septembre 2013, le préfet du Bas-Rhin a refusé l'admission au séjour au titre de l'asile des intéressés et décidé leur réadmission en Hongrie.

3. Les requérants n'ont pas déféré à cette mesure et se sont rendus en Allemagne où ils ont demandé l'asile le 17 mars 2014, date à laquelle leurs empreintes ont à nouveau été relevées. Les autorités allemandes ont alors demandé à la France de prendre en charge M. et MmeA.... Le délai de départ vers la Hongrie étant échu, la France a accepté le 13 mai 2014 et les autorités allemandes ont décidé de remettre les intéressés à la France par décision du 14 mai 2014. Toutefois, cette décision n'a pas été exécutée.

4. M. et Mme A...sont revenus en France le 26 février 2015 et ont à nouveau demandé le 10 mars 2015, leur admission au séjour en France au titre de l'asile. Le 7 mai 2015, le préfet du Bas-Rhin a saisi les autorités allemandes d'une demande de réadmission qui a été acceptée par courrier du 15 mai 2015.

5. Par arrêtés du 24 juin 2015, le préfet du Bas-Rhin a refusé l'admission au séjour de M. et Mme A...et a décidé leur remise aux autorités allemandes. M. et Mme A...intejettent appel des jugements du magistrat délégué du tribunal administratif de Strasbourg qui ont rejeté leurs recours pour excès de pouvoir dirigés contre ces actes.

Sur la régularité des jugements attaqués :

En ce qui concerne la violation du principe du contradictoire :

6. M. et Mme A...font valoir que le document du 15 mai 2015 joint par le préfet à son mémoire en défense et présenté comme correspondant à l'accord des autorités allemandes de prendre en charge les requérants et justifiant les arrêtés contestés, était uniquement rédigé en allemand et que, faute de traduction, ils n'ont pu présenter d'observations utiles sur ce document.

7. Il ressort effectivement des pièces du dossier que ce document n'était accompagné d'aucune traduction certifiée et qu'aucune traduction n'a été effectuée par l'administration à la suite du moyen soulevé par les demandeurs devant le tribunal administratif dans des mémoires du 30 octobre 2015. Dans ces mémoires, M. et Mme A...faisaient valoir que le document du 15 mai 2015 était en langue allemande, non traduit, que dans ces conditions ils n'étaient pas en mesure de discuter le bien fondé des dires du préfet et qu'il fallait écarter cette pièce des débats.

8. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. et MmeA..., de nationalité kosovare, étaient en mesure de vérifier par eux-mêmes les mentions de ce document. Cependant, le préfet a, dans le mémoire suivant celui par lequel M. et Mme A...disaient ne pas être en mesure de vérifier les mentions de ce document, traduit les deux phrases utiles du document afin d'appuyer son argumentation quant à son contenu. Les requérants n'ont pas jugé utile de répliquer à ce mémoire qui explicitait clairement les décisions prises par les autorités allemandes. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le jugement méconnaît le principe du contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'ordonnance de Villers-Cotterêt du 25 août 1539 :

9. Aucun texte ni aucune règle générale de procédure n'interdit au juge de tenir compte d'un document rédigé dans une langue autre que le français. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance que le document du 15 mai 2015 ait été rédigé en allemand a eu pour effet de priver le magistrat délégué du tribunal administratif de Strasbourg de la faculté d'exercer utilement son contrôle sur les arrêtés contestés. Le moyen doit donc être écarté.

Sur la légalité des arrêtés contestés :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'acte :

10. Par arrêté du 29 août 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 1er janvier 2014, le préfet du Bas-Rhin a donné à M. Christian Riguet, secrétaire général de la préfecture, délégation à" à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents, correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département (...) à l'exception / 1- des mesures concernant la défense nationale ; / 2 - des ordres de réquisition du comptable public ; / 3 - des des arrêtés de conflit ". Ainsi, M. B...était compétent pour signer les arrêtés contestés. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétaire général n'aurait pas été absent ou empêché. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces arrêtés doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

11. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) ".

12. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " (...) 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen (...) ".

13. Aux termes de l'article 18 du même règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) ".

14. Aux termes de l'article 21 : " (...): 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur(...) ".

15. Aux termes de l'article 29 du même règlement : " (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant.. (...) ".

16. A la suite des demandes d'asile formées par M. et Mme A...en Allemagne le 17 mars 2014, les autorités françaises ont donné le 13 mai 2014 leur accord à la demande des autorités allemandes tendant à la réadmisssion des intéressés en France et les autorités allemandes ont pris des décisions en ce sens le 14 mai. Toutefois, ces décisions n'ont pas été exécutées dans un délai de six mois. Ainsi, à la date du 10 mars 2015 à laquelle M. et Mme A... ont de nouveau présenté une demande d'asile en France, la France était libérée de son obligation de prendre en charge les intéressés en application de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 et a pu demander à l'Allemagne, qui a donné son accord par lettre du 15 mai 2015, en application de l'article 21 du règlement de prendre en charge les intéressés, sans que les requérants puissent utilement invoquer le fait que la France avait enregistré leur demande d'asile le 12 juillet 2013. Ainsi, le préfet du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur de droit en décidant de remettre les intéressés aux autorités allemandes.

17. La seule circonstance invoquée que M. et Mme A...étaient présents sur le territoire français au cours de l'année 2013 ne suffit pas à démontrer que le préfet du Bas-Rhin a commis une erreur dans l'appréciation de leur situation.

18. M. et Mme A...font valoir que faute de mentionner les voies et délais de recours prévu par l'article 26 du règlement n° 604/2013, comme par le code de justice administrative et le droit interne allemand, ces délais ne leur sont pas opposables et que le préfet ne pouvait utilement soutenir que l'Allemagne était compétente pour examiner leur demande d'asile à l'expiration d'un délai dont ils n'ont pas eu connaissance. Toutefois, les délais de prise en charge entre Etat ne sont pas des délais de recours dont aucune disposition du règlement ne prévoit qu'ils soient notifiés à l'étranger.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : Les requêtes de M. et Mme A...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à Mme E...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 15NC02403-15NC02404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02403-15NC02404
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BURKATZKI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-30;15nc02403.15nc02404 ?
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