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30/06/2016 | FRANCE | N°15NC02290

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 15NC02290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...veuve D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 27 août 2014 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1406357 du 22 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme C...veuveD....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2015 et un mémoi

re enregistré le 3 mai 2016, Mme C...veuveD..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...veuve D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 27 août 2014 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1406357 du 22 avril 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme C...veuveD....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2015 et un mémoire enregistré le 3 mai 2016, Mme C...veuveD..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1406357 du 22 avril 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Bas-Rhin du 27 août 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me B...d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Mme C...veuve D...soutient que :

En ce qui concerne la décision lui refusant un titre de séjour :

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- la décision méconnaît les stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet aurait dû, en application du principe général du droit de l'Union repris à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la mettre à même de présenter ses observations avant de prononcer une obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision relative au délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas spécifiquement la durée du délai de départ volontaire qui lui était accordé.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2016, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...veuve D...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 avril 2016, l'instruction a été close au 10 mai 2016.

Mme C...veuve D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2015

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., de nationalité algérienne, est entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour délivré pour motif touristique le 20 août 2013. Le 24 mars 2014, elle a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Le préfet du Bas-Rhin a refusé de faire droit à cette demande par un arrêté du 27 août 2014, refus assorti d'une obligation de quitter le territoire et d'une décision fixant le pays de destination.

2. Mme C...veuve D...relève appel du jugement du 22 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2014.

I. Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, Mme C...veuve D...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de ce que le préfet du Bas-Rhin s'est estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.

4. En deuxième lieu, Mme C...veuve D...soutient que le préfet a méconnu les stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en ne lui délivrant pas un titre de séjour au regard de son état de santé.

5. Selon les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 :

" (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit :

(...)

7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

Selon les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens :

" (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police.

L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...).

Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

Selon l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 :

" Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant :

- si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;

- si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;

- s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ;

- la durée prévisible du traitement.

Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, le médecin de l'agence régionale de santé peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".

6. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que par son avis du 16 juin 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué que si l'état de santé de Mme A... C...veuve D...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut toutefois bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et peut voyager sans risque.

8. Mme C... veuve D...n'établit pas, par les certificats médicaux des 1er et 25 septembre 2014 versés en première instance, qu'il n'existerait pas, en Algérie, un traitement approprié à son état de santé, ces certificats rédigés en des termes peu circonstanciés faisant d'ailleurs simplement état de " soins difficiles " en Algérie. Elle ne contredit pas sérieusement les allégations du préfet du Bas-Rhin qui rappelle que les médicaments nécessaires au traitement pour lequel elle a sollicité le titre de séjour demandé, dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sont disponibles en Algérie. Elle n'apporte pas le commencement de preuve de ce qu'elle serait dans l'impossibilité d'y accéder et ne justifie pas non plus de circonstances exceptionnelles tirées de la particularité de sa situation personnelle à la date de la décision litigieuse.

9. Par suite, et alors que les éléments invoqués sur l'opération suivie postérieurement à la décision litigieuse sont sans incidence sur le présent litige, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet a méconnu les stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

II. Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Mme C...veuve D...qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, une mesure d'éloignement serait en principe prise à son encontre et qu'un délai de trente jours lui serait laissé pour quitter le territoire. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait sollicité en vain un entretien, ni qu'elle ait été privée de la possibilité de faire valoir auprès de l'administration des informations pertinentes susceptibles de conduire à l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C...veuve D...aurait eu des éléments pertinents à faire valoir afin de faire obstacle à la décision d'éloignement. Dans ces conditions, Mme C...veuve D...n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 §2 a) de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

11. Mme C...veuve D...reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance et tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ce moyen, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. Il en va de même des moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, et qui doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.

III. Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

13. Mme C...veuve D...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse et de l'erreur de droit commise par le préfet du Bas-Rhin. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.

IV. Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

15. En conclusion de tout ce qui précède, Mme C...veuve D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 27 août 2014 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...veuve D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...veuve D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 15NC02290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02290
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-30;15nc02290 ?
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