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30/06/2016 | FRANCE | N°15NC02254

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 15NC02254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 août 2014 ordonnant son placement en rétention.

Par un jugement n° 1402157 du 27 août 2014, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 22 août 2014.

Par un arrêt n° 14NC01843 du 31 mars 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête par laquelle le préfet du Bas-Rhin a demandé l'annulation du jugement n° 1402157 du 27 août 2014.

Par une déci

sion du 21 octobre 2015 n° 391375, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par le ministre de l'intérieur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 août 2014 ordonnant son placement en rétention.

Par un jugement n° 1402157 du 27 août 2014, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 22 août 2014.

Par un arrêt n° 14NC01843 du 31 mars 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête par laquelle le préfet du Bas-Rhin a demandé l'annulation du jugement n° 1402157 du 27 août 2014.

Par une décision du 21 octobre 2015 n° 391375, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par le ministre de l'intérieur, a annulé l'arrêt n° 14NC01843 du 31 mars 2015 et renvoyé le jugement de l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Eu égard à la décision précitée du 21 octobre 2015, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête enregistrée le 1er octobre 2014.

Par sa requête enregistrée le 1er octobre 2014, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402157 du 27 août 2014 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande de MmeA....

Le préfet du Bas-Rhin soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'absence de notification à Mme A...de la prolongation du délai de remise aux autorités polonaises privant de fondement légal la décision de placement en rétention.

Par une ordonnance du 4 mars 2016, l'instruction a été close au 22 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

- le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., de nationalité russe, est entrée irrégulièrement en France le 25 mars 2013, selon ses déclarations, et a déposé auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin une demande d'asile le 4 avril 2013. La consultation du fichier EURODAC ayant révélé que l'intéressée avait déjà déposé une demande d'asile en Pologne le 16 février 2013, le préfet du Bas-Rhin a sollicité sa reprise en charge par les autorités de ce pays qui ont fait droit à cette demande par un courrier du 29 mai 2013.

2. Par une décision du 4 juin 2013, le préfet a refusé l'admission provisoire de Mme A..., a pris à son encontre une décision de remise aux autorités polonaises et l'a invitée à se rapprocher des services de la police aux frontières dans un délai de huit jours afin d'organiser les modalités de son départ. Le préfet a informé le 27 novembre 2013 les autorités polonaises de la prolongation du délai de remise à dix-huit mois en estimant que l'intéressée devait être regardée comme en fuite au sens de l'article 20 du règlement du 18 février 2003 susvisé.

3. A la suite de l'interpellation de MmeA..., le préfet du Bas-Rhin a ordonné, par un arrêté du 22 août 2014, son placement en rétention en vue de l'exécution de la décision de remise. Le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 27 août 2014 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté ordonnant le placement en rétention de MmeA....

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

4. Le magistrat délégué du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté litigieux au motif qu'en l'absence de notification à Mme A...de la prolongation du délai de remise, aucune décision de prolongation ne lui était opposable, compte tenu des dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978, ce qui a privé de fondement légal la décision de placement en rétention.

5. Aux termes de l'article 20 du règlement du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers : " 1. La reprise en charge d'un demandeur d'asile (...) s'effectue selon les modalités suivantes : (...) / d) l'Etat membre qui accepte la reprise en charge est tenu de réadmettre le demandeur d'asile sur son territoire. Le transfert s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande aux fins de reprise en charge par un autre Etat membre ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d'effet suspensif ; / e) l'Etat membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'Etat membre responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert ou à l'examen de la demande en raison d'un emprisonnement du demandeur d'asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite. (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. (...) " et selon l'article L. 551-1 du même code: " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; (...) ".

7. Il résulte des dispositions citées ci-dessus du paragraphe 2 de l'article 20 du règlement du 18 février 2003, combinées avec celles du règlement du 2 septembre 2003 qui en porte modalités d'application, que si l'Etat membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d'asile a informé l'Etat membre responsable de l'examen de la demande, avant l'expiration du délai de six mois dont il dispose pour procéder au transfert de ce demandeur, qu'il n'a pu y être procédé du fait de la fuite de l'intéressé, l'Etat membre requis reste responsable de l'instruction de la demande d'asile pendant un délai de dix-huit mois courant à compter de l'acceptation de la reprise en charge dont dispose l'Etat membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur pour procéder à son transfert.

8. La prolongation du délai de transfert a pour effet de maintenir en vigueur la décision de remise aux autorités de l'Etat responsable, dont le demandeur est informé en application des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non de faire naître une nouvelle décision de remise dont ce demandeur devrait être informé dans les formes prévue par ces dispositions pour la décision initiale.

9. Il appartient seulement aux autorités compétentes d'informer le demandeur, au moment de la notification de la décision de remise, des cas et conditions dans lesquels le délai de transfert peut être porté à douze ou dix-huit mois et, lorsque cette décision de remise sert de fondement, après prorogation, à une mesure de rétention, de l'existence, de la date et des motifs de la prorogation. Ces informations peuvent, dans ce cas, figurer dans les motifs de la mesure de rétention.

10. Il ressort des pièces du dossier que par son courrier du 27 novembre 2013, le préfet du Bas-Rhin a informé les autorités polonaises de la prolongation du délai de remise à dix-huit mois en estimant que l'intéressée devait être regardée comme en fuite au sens de l'article 20 du règlement du 18 février 2003 susvisé. Cette information ayant été effectuée au sein du délai de six mois courant à compter du 29 mai 2013, date à laquelle les autorités polonaises ont accepté la remise de MmeA..., la prolongation du délai de transfert a pour effet de maintenir en vigueur la décision de remise aux autorités de l'Etat responsable, le demandeur en étant informé en application des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non de faire naître une nouvelle décision de remise dont ce demandeur devrait être informé dans les formes prévue par ces dispositions pour la décision initiale. Il ressort également des pièces du dossier, notamment du courrier du 19 août 2013 et du guide du demandeur d'asile qui lui a été remis lors de l'instruction de sa demande d'admission au séjour, que Mme A...a été informée de l'existence, de la date et des motifs de la prorogation du délai de son transfert aux autorités polonaises. Le préfet du Bas-Rhin est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision de placement en rétention par voie d'exception de l'illégalité d'une telle décision de prolongation.

11. A ce stade de l'examen du litige, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...à l'encontre de l'arrêté du 22 août 2014.

En ce qui concerne les autres moyens de MmeA... :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue (...). Elle est écrite et motivée ".

13. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse comporte de façon précise et détaillée les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. La seule circonstance invoquée qu'elle ne vise pas le règlement du 18 décembre 2003 est sans incidence sur sa légalité dès lors notamment que la décision ne trouve pas son fondement légal dans ces dispositions. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux doit donc être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) - Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) / - 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ".

15. Il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation de quitter le territoire français, laquelle est susceptible de donner lieu à une mesure de rétention de l'étranger. Il s'ensuit, alors au demeurant que Mme A...a été mise en mesure de savoir qu'une mesure de rétention était susceptible d'être prise à son encontre et en conséquence, mise à même d'exposer les raisons pour lesquelles elle aurait pu ne pas être placée en rétention, que le moyen tiré du non respect de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois ". Aux termes du 3° de l'article L. 511 -1 de ce code : " S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

17. Il ressort des pièces du dossier que MmeA..., qui a fait l'objet d'un refus d'admission au séjour à la suite de sa demande d'asile formée le 4 avril 2013, ainsi que d'une décision de réadmission vers la Pologne, a été interpellée sur le territoire français sans aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Elle ne peut justifier d'aucune domiciliation stable et a déclaré ne pas vouloir retourner en Russie. Il s'ensuit que le préfet du Bas-Rhin, en estimant qu'il existait un risque de fuite de l'intéressée, n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur d'appréciation ou d'une erreur de droit dans l'application des dispositions précitées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 22 août 2014 portant placement de Mme A...en rétention.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 27 août 2014 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A...présentée devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 15NC02254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02254
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-30;15nc02254 ?
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