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31/03/2015 | FRANCE | N°14NC01843

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 31 mars 2015, 14NC01843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 22 août 2014 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a ordonné son placement en rétention dans un local non-pénitentiaire pour une période de cinq jours.

Par un jugement n° 1402157 du 27 août 2014, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2014, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administr

atif de Nancy du 27 août 2014.

Le préfet du Bas-Rhin soutient que :

- à titre principal, le pla...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 22 août 2014 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a ordonné son placement en rétention dans un local non-pénitentiaire pour une période de cinq jours.

Par un jugement n° 1402157 du 27 août 2014, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2014, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 août 2014.

Le préfet du Bas-Rhin soutient que :

- à titre principal, le placement en rétention n'est pas fondé sur la prolongation du délai de transfert de l'intéressée vers la Pologne, mais sur la décision de réadmission du 4 juin 2013 ; la prolongation du délai, constituant une étape de la procédure, n'avait pas à être notifiée à l'intéressée préalablement à son placement en rétention ;

- à titre subsidiaire, aucune obligation d'information de l'étranger en cours de réadmission sur la prolongation du délai ne pèse sur l'autorité administrative ; Mme A... avait été informée de la procédure et des modalités de prolongation du délai, dont elle remplissait les conditions.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

- le règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeA..., de nationalité russe, est entrée irrégulièrement en France en mars 2013, selon ses déclarations, et a déposé auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin une demande d'asile le 4 avril 2013 ; que la consultation du fichier EURODAC ayant révélé que l'intéressée avait demandé l'asile en Pologne, le préfet du Bas-Rhin a, le 23 mai 2013, sollicité sa reprise en charge par les autorités de ce pays ; que ces dernières ont accepté, le 29 mai 2013, de reprendre en charge la demande de l'intéressée ; que, par une décision du 4 juin 2013, le même préfet a refusé l'admission provisoire de Mme A...et l'a invitée à se rendre volontairement en Pologne à défaut de quoi la procédure de réadmission vers ce pays pourrait être mise en oeuvre d'office ; que Mme A...n'a pas déféré à cette invitation ; qu'elle a été regardée comme en fuite au sens de l'article 20 du règlement du 18 février 2003 susvisé ; que le préfet du Bas-Rhin a informé le 27 novembre 2013 les autorités polonaises de la prolongation du délai de remise à dix-huit mois ; qu'à la suite de l'interpellation le 22 août 2014 de l'intéressée par la police lors d'un contrôle d'identité, le préfet du Bas-Rhin a ordonné son placement en rétention en vue de l'exécution de la décision de remise par une décision du même jour ; que le préfet du Bas-Rhin demande l'annulation du jugement du 27 août 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy, sur demande de l'intéressée, a annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du règlement susvisé du 18 février 2003 : " 1. La reprise en charge d'un demandeur d'asile conformément à l'article 4, paragraphe 5, et à l'article 16, paragraphe 1, points c), d) et e), s'effectue selon les modalités suivantes : a) la requête aux fins de reprise en charge doit comporter des indications permettant à l'État membre requis de vérifier qu'il est responsable; b) l'État membre requis pour la reprise en charge est tenu de procéder aux vérifications nécessaires et de répondre à la demande qui lui est faite aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de sa saisine. Lorsque la demande est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines ; c) si l'État membre requis ne fait pas connaître sa décision dans le délai d'un mois ou dans le délai de deux semaines mentionnés au point b), il est considéré qu'il accepte la reprise en charge du demandeur d'asile ; d) l'État membre qui accepte la reprise en charge est tenu de réadmettre le demandeur d'asile sur son territoire. Le transfert s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande aux fins de reprise en charge par un autre État membre ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d'effet suspensif ; e) l'État membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'État membre responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. Cette décision est susceptible d'un recours ou d'une révision. Ce recours ou cette révision n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du transfert, sauf lorsque les tribunaux ou les instances compétentes le décident, au cas par cas, si la législation nationale le permet. / Si nécessaire, le demandeur d'asile est muni par l'État membre requérant d'un laissez-passer conforme au modèle adopté selon la procédure visée à l'article 27, paragraphe 2. / L'État membre responsable informe l'État membre requérant, le cas échéant, de l'arrivée à bon port du demandeur d'asile ou du fait qu'il ne s'est pas présenté dans les délais impartis. 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'État membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert ou à l'examen de la demande en raison d'un emprisonnement du demandeur d'asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite. [...] " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du règlement susvisé du 2 septembre 2003 : " [...] 2. Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 19, paragraphe 4, et à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 343/2003, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois prévu à l'article 19, paragraphe 3, et à l'article 20, paragraphe 1, point d), dudit règlement, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande d'asile et les autres obligations découlant du règlement (CE) n° 343/2003 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 19, paragraphe 4, et de l'article 20, paragraphe 2, dudit règlement. " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; [...] " ;

5. Considérant que les dispositions combinées des articles 20-2 du règlement n° 343/ 2003 et 9-2 du règlement n° 1560/2003 ont pour objet de déterminer l'État membre responsable de la demande d'asile après l'expiration du délai de six mois suivant l'acceptation par l'État membre requis de la reprise en charge ; que si l'État membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d'asile a informé l'État membre responsable avant l'expiration du délai de six mois qu'il n'a pu être procédé au transfert du fait de la fuite du demandeur d'asile, l'État membre requis reste alors responsable de l'instruction de la demande d'asile pendant un délai de dix-huit mois courant à compter de l'acceptation de la reprise en charge ; que cet effet est de droit à compter de la simple information par l'État membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d'asile de l'État requis de ce qu'il n'a pu procéder au transfert du fait de la fuite du demandeur d'asile, et cela sans que l'État requis ait à manifester son accord ; que ces dispositions ont également implicitement mais nécessairement pour effet de porter le délai accordé à l'État membre sur lequel séjourne le demandeur d'asile pour procéder à son transfert à dix-huit mois ; que cette prolongation, intervenue à la suite d'un nouvel examen par le préfet des éléments de fait relatifs à la situation de l'intéressé à la date à laquelle il statue, constitue une décision venant se substituer à la décision initiale de remise aux autorités de l'Etat membre responsable à l'échéance de celle-ci; que, par suite, la décision ultérieure par laquelle le préfet ordonne, le cas échéant, le placement de l'intéressé en rétention administrative trouve son fondement légal dans cette décision ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 27 novembre 2013, soit deux jours avant l'expiration du délai de remise de six mois prévu par l'article 20 du règlement n° 343/2003, le préfet du Bas-Rhin a informé les autorités polonaises de la prolongation du délai de remise jusqu'au 28 novembre 2014 ; que cette simple information emportait implicitement mais nécessairement prolongation du délai imparti au préfet du Bas-Rhin pour remettre Mme A...aux autorités polonaises et constitue la base légale de sa décision du 22 août 2014 par laquelle il a ordonné le placement de Mme A...en rétention administrative ;

7. Considérant, toutefois, que l'article 8 de la loi susvisée du 17 juillet 1978 prévoit que " Sauf disposition prévoyant une décision implicite de rejet ou un accord tacite, toute décision individuelle prise au nom de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme, fût-il de droit privé, chargé de la gestion d'un service public, n'est opposable à la personne qui en fait l'objet que si cette décision lui a été préalablement notifiée. " ;

8. Considérant que la décision implicite de prolongation du délai de réadmission, qui n'est pas une réponse à une demande de MmeA..., ne rentre pas dans les exceptions limitativement prévues par les dispositions précitées de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 au principe édicté par cet article selon lequel les décisions individuelles ne sont opposables qu'après avoir été notifiées à leur destinataire ; que faute de notification à MmeA..., qui, contrairement à ce que soutient le préfet, n'a pu en avoir connaissance par le courrier susanalysé du 19 août 2013, la décision portant prolongation du délai de réadmission, qui aurait dû être explicite, n'était, à la date du 22 août 2014, pas entrée en vigueur à son égard ; que dans ces conditions, le préfet ne pouvait légalement prendre une décision ordonnant le placement de Mme A...en rétention en se fondant sur la décision de prolongation du délai de réadmission ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé sa décision du 22 août 2014 portant placement de Mme A...en rétention ; que sa requête doit dès lors être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du préfet du Bas-Rhin est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 14NC01843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01843
Date de la décision : 31/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-03-31;14nc01843 ?
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