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30/06/2016 | FRANCE | N°15NC02213-15NC02455

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 15NC02213-15NC02455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjou

r, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...E...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 1500364 et 1500365 du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de M. et MmeB....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 29 octobre 2015 sous le n° 15NC02213, MmeB..., représentée par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos1500364 et 1500365 du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 septembre 2014 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil, laquelle renonce à percevoir l'aide juridictionnelle en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance, dont 13 euros de droit de plaidoirie.

Mme B...soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée tant en droit qu'en fait, la motivation étant stéréotypée, le jugement n'étant pas suffisamment motivé sur ce point et les premiers juges ont renversé la charge de la preuve ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision méconnait le droit d'être entendu, le principe général du droit de l'Union européenne du droit de la défense et de bonne administration ;

- le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

- le préfet n'a pas vérifié si la décision n'a pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée par conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C...B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2015.

II. Par une requête enregistrée le 10 décembre 2015 sous le n° 15NC02455, M. B..., représenté par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1500364 et 1500365 du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 9 septembre 2014 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil, laquelle renonce à percevoir l'aide juridictionnelle en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance, dont 13 euros de droit de plaidoirie.

M. B...soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée tant en droit qu'en fait, la motivation étant stéréotypée, le jugement n'étant pas suffisamment motivé sur ce point ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée sera annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision méconnait le droit d'être entendu, le principe général du droit de l'Union européenne du droit de la défense et de bonne administration ;

- le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;

- le préfet n'a pas vérifié si la décision n'a pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée par conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'ensemble des moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2015.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeB..., de nationalité kosovare, nés respectivement le 19 et le 6 novembre 1976, sont entrés en France le 8 novembre 2012 afin de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes d'asile par décisions du 29 novembre 2013 qui ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 24 juillet 2014.

2. Par arrêtés du 9 septembre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M et Mme B...relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 9 septembre 2014.

3. Les requêtes susvisées concernent un jugement et des décisions administratives relatifs aux membres d'une même famille dont le bien-fondé dépend d'éléments de fait et de considérations de droit qui sont étroitement liés, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

I. Sur la légalité des refus de titre de séjour :

I/A En ce qui concerne la motivation des décisions :

4. Les décisions attaquées, prises au visa de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, exposent la situation des intéressés au regard des procédures qu'ils ont initiées en matière d'asile et envisagent leur situation au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Contrairement à ce que M. et Mme B...soutiennent, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement, les arrêtés qu'ils contestent ne sont pas revêtus d'une motivation stéréotypée et comportent toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles ils se fondent et permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de leur situation personnelle au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions de refus de titre de séjour et de l'absence d'examen particulier de leur situation personnelle doivent être écartés comme manquant en fait.

I/B En ce qui concerne le respect de la vie familiale :

5. Selon les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

" Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :

(...)

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

Selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. et Mme B...soutiennent qu'ils résident en France depuis 2012 avec leurs deux filles nées en 2011 et 2013. Toutefois, à la date où les décisions contestées ont été prises, les intéressés, qui sont arrivés en France à l'âge de 41 et 36 ans, ne résidaient en France que depuis vingt trois mois, et ne font état d'aucun lien particulier sur le territoire français. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions et de la durée du séjour des requérants en France, les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour ne portent pas à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, elles n'ont méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

I/C En ce qui concerne le respect de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant :

7. Selon les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant :

" Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu' elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation (CE 25 juin 2014 n° 359359).

9. M. et Mme B...n'établissent pas l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale en dehors du territoire français, les décisions litigieuses n'ayant ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses méconnaîtraient l'intérêt supérieur de leurs enfants garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

II. Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

II/A En ce qui concerne l'exception d'illégalité des décisions de refus de séjour :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions par lesquelles le préfet a fait obligation aux requérants de quitter le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions refusant de leur accorder un titre de séjour doit être écarté.

II/B En ce qui concerne le respect du droit à être entendu avant toute décision défavorable :

11. Selon l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

" 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union.

2. Ce droit comporte notamment :

- le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

12. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui est loisible, tout au long de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. M. et Mme B...qui ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile, pouvaient ainsi faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à leur situation tant en ce qui concerne leur séjour en France que leurs perspectives d'éloignement avant que n'intervienne les décisions portant obligation de quitter le territoire français litigieuses, ne sont ainsi pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés du droit d'être entendu qu'ils tiennent notamment de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

II/C En ce qui concerne l'examen de leur situation :

13. Si les requérants soutiennent qu'il découle de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 et des objectifs qu'elle poursuit, que l'autorité compétente de l'État membre dispose d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'elle prend une décision de retour d'un ressortissant étranger, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait estimé lié par les décisions portant refus de titre de séjour et n'aurait pas examiné les conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés qui n'ont d'ailleurs fait valoir aucun motif humanitaire ou autre, avant de prendre les obligations de quitter le territoire français litigieuses à l'encontre de M. et Mme B.... Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet s'est cru en situation de compétence liée et a entaché ses décisions d'une erreur de droit.

14. En quatrième lieu, les requérants font valoir que les décisions contestées ne prennent pas en compte leur situation familiale. Toutefois, eu égard à la brièveté du séjour de la famille, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu leur situation familiale ne peut qu'être écarté.

III. Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

III/A En ce qui concerne l'exception d'illégalité des décisions de refus de séjour et des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

15. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut, eu égard à ce qui précède, qu'être écarté.

III/B En ce qui concerne la motivation des décisions :

16. Les décisions désignant le pays à destination duquel un étranger peut être éloigné d'office trouvent leur fondement légal dans les dispositions du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles " l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ", qu'elles doivent viser, ce qui est le cas en l'espèce. Par ailleurs, les décisions sont suffisamment motivées en fait et en droit. Par suite le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.

III/C En ce qui concerne le respect de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

17. Selon les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

" Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

Selon l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

" Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

18. M. et Mme B...soutiennent qu'ils encourent le risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Kosovo. Toutefois, ils n'apportent à l'appui de leurs allégations aucun élément de nature à établir qu'ils seraient effectivement exposés à de tels traitements dans ce pays, alors que tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté leurs demandes d'asile. Par suite, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées méconnaissent les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

III/D En ce qui concerne le respect de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant :

19. Il ne résulte pas de l'instruction que les décisions contestées, qui n'ont pas pour effet de séparer les enfants de leurs parents, portent atteinte à l'intérêt supérieur des deux filles de M. et MmeB.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant précitées au point 7 doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction, et celles tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ou 37 de la loi du 10 juillet 1991, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E..., épouseB..., à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 15NC02213-15NC02455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02213-15NC02455
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-30;15nc02213.15nc02455 ?
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