Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Agence d'architecture Anne Toutut a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler le titre exécutoire du 16 septembre 2013 par lequel la communauté de communes de Soulaines a mis à sa charge une somme de 11 055,79 euros.
Par un jugement n° 1302021 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de la SARL Agence d'architecture Anne Toutut.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015 et un mémoire récapitulatif enregistré le 30 mars 2016, la SARL Agence d'architecture Anne Toutut, représentée par la SELARL Billet-Morel-Billet-Deroi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302021 du 19 mai 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler le titre exécutoire du 16 septembre 2013 et la décharger des pénalités qui lui ont été infligées ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Soulaines une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Agence d'architecture Anne Toutut soutient que :
- le titre exécutoire ne lui permet pas de connaître les bases sur lesquelles la somme réclamée a été calculée ;
- le montant figurant sur le titre exécutoire n'est pas explicite puisqu'elle n'a pas été rendue destinataire de l'ensemble des pièces pouvant justifier les pénalités litigieuses en méconnaissance du principe du contradictoire et de la loi du 11 juillet 1979 ;
- l'émission du titre exécutoire n'a été précédée ni d'une demande explicite d'explications préalables concernant la réduction de ses honoraires, ni de l'émission d'une mise en demeure de l'ensemble des constructeurs ;
- l'émission du titre exécutoire caractérise une mesure rétroactive mettant en cause le droit à la rémunération du titulaire du marché, le montant de sa rémunération ne pouvant être compensé avec le montant des pénalités ;
- les travaux ne sont pas achevés et les réserves ne sont pas levées, la communauté de communes de Soulaines ne pouvant donc émettre un titre exécutoire en vue de recouvrer les sommes dues au titre de pénalités avant le décompte général et définitif ;
- l'application des pénalités en cause n'est pas justifiée compte tenu de l'application des documents contractuels et des éléments justificatifs produits par la communauté de communes de Soulaines qui souffrent d'incohérences et d'inexactitudes et dès lors que ces pénalités lui ont été infligées par la communauté de communes afin d'obtenir un geste financier de sa part pour compenser les coûts du recours à un titulaire d'une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) ;
- la juridiction pourra moduler le montant des pénalités et le limiter en tout état de cause à la somme de l'euro symbolique.
Par des mémoires en défense enregistrés le 8 décembre 2015 et le 28 avril 2016, la communauté de communes de Soulaines, représentée par Maîtres Labayle-Pabet et Germain-Letaleur, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Agence d'architecture Anne Toutut au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SARL Agence d'architecture Anne Toutut ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 mai 2016, l'instruction a été close au 31 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 15 mai 2009, la communauté de communes de Soulaines a confié un marché de maîtrise d'oeuvre à la SARL agence d'architecture Anne Toutut en vue de la construction d'une maison médicalisée à Soulaines-Dhuys.
2. La SARL agence d'architecture Anne Toutut s'est vu infliger des pénalités pour divers manquements contractuels relatifs au délai de vérification des décomptes transmis par les entrepreneurs pour un montant total de 14 418,56 euros HT. La communauté de communes de Soulaines a ensuite procédé à une compensation de cette somme avec les décomptes que la société requérante lui avait adressés et a émis le 19 septembre 2013 un titre exécutoire pour une somme de 11 055,79 euros TTC, correspondant au solde restant dû, après communication des décomptes.
3. La SARL agence d'architecture Anne Toutut relève appel du jugement du 19 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de la somme de 11 055,79 euros TTC.
Sur la légalité du titre exécutoire et l'obligation de payer de la SARL Agence d'architecture Anne Toutut :
4. En premier lieu, la SARL Agence d'architecture Anne Toutut soutient que le titre exécutoire est insuffisamment motivé et qu'il ne comporte pas d'indications claires concernant les bases de liquidation de la créance.
5. Le titre exécutoire litigieux émis par la communauté de communes de Soulaines, s'il n'est pas au nombre des décisions individuelles défavorables soumises aux exigences de motivation posées par la loi du 11 juillet 1979, doit néanmoins, en application du principe selon lequel un état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la dette, indiquer dans le titre lui-même, les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il a été émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur.
6. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire litigieux comporte la mention " pénalités -mission de maitrise d'oeuvre suite aux courriers du 22 avril et du 30 mai 2013 ". Les courriers précités que la communauté de communes a envoyés à la SARL Agence d'architecture Anne Toutut indiquent de façon suffisamment précise les bases de liquidation et les modalités de calcul de la créance de la communauté de communes de Soulaines revendiquée à l'égard de la SARL Agence d'architecture Anne Toutut.
7. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du titre litigieux et des précisions insuffisantes données sur les bases de liquidation doit, dès lors, être écarté.
8. En deuxième lieu, la SARL Agence d'architecture Anne Toutut soutient qu'elle n'a pas bénéficié de la procédure contradictoire, qu'aucune mise en demeure n'a été envoyée aux constructeurs afin de lui permettre d'exercer convenablement sa mission et qu'elle n'a pas été mise en possession de l'ensemble des éléments qui ont servi à l'établissement du calcul des pénalités litigieuses.
9. Il résulte de l'instruction que par une lettre du 22 avril 2013 assortie de ses annexes, la communauté de communes de Soulaines a indiqué à la SARL Agence d'architecture Anne Toutut son intention de lui infliger un montant de 14 418,56 euros de pénalités de retard prévues aux articles 8-1-1 et 8-1-2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de maîtrise d'oeuvre en lui indiquant les modalités de calcul précises de ces pénalités et lui a laissé un délai de huit jours à compter de la réception de la lettre pour faire part de ses observations. En revanche, il n'incombait à la communauté de communes ni de mettre en demeure les constructeurs, ni de transmettre l'ensemble des pièces justificatives qui ont servi au tableau récapitulatif des pénalités à la SARL Agence d'architecture Anne Toutut, préalablement à l'émission du titre litigieux.
10. Dans ces conditions, la SARL Agence d'architecture Anne Toutut, qui n'a émis aucune remarque notamment en vue de se faire communiquer de telles pièces justificatives, n'est pas fondée à soutenir que la procédure contradictoire a été méconnue en l'espèce, une telle procédure n'étant en tout état de cause requise ni par les dispositions contractuelles, ni même par celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 inapplicables en l'espèce.
11. En troisième lieu, la SARL Agence d'architecture Anne Toutut soutient que la communauté de communes de Soulaines ne pouvait émettre de titre exécutoire relatif aux pénalités, dans le cadre d'une compensation entre la rémunération des prestations effectuées et les pénalités litigieuses, préalablement à l'établissement du décompte général et définitif du marché de maîtrise d'oeuvre.
12. Aux termes de l'article 8.1.1 du CCAP : " au cours des travaux, le maitre d'oeuvre doit procéder, conformément à l'article 13 du CCAG applicable aux marchés de travaux, à la vérification des projets de décomptes mensuels établis par l'entrepreneur et qui lui sont transmis par lettre recommandée avec avis de réception postal ou remis contre récépissé (...). Le délai de vérification par le maitre d'oeuvre est fixé à 8 jours à compter de la date de l'accusé de réception du document ou du récépissé de remise (...). De plus, le maître d'oeuvre est tenu de faire figurer dans l'état qu'il transmet à la personne publique contractante en vue du règlement, la date de réception ou de remise de la demande de paiement de l'entreprise ".
13. Aux termes de l'article 8.1.2 du même CCAP relatif aux pénalités pour retard dans la vérification des projets de décomptes mensuels : " a) Pénalités encourues du fait de l'inobservation du délai maximal d'intervention. Si ce délai n'est pas respecté, le maître d'oeuvre encourt sur ses créances, des pénalités dont le taux par jour de retard, y compris les dimanches et jours fériés est fixé à 1/1000 du montant, en prix de base hors TVA, de l'acompte de travaux correspondant. / b) Pénalités encourues du fait de l'inobservation de l'obligation pour le maître d'oeuvre d'informer la personne publique de la date de réception de la demande de paiement de l'entreprise. Des pénalités seront appliquées selon les modalités suivantes : 100 euros forfaitaires à chaque manquement constaté (...) ".
14. Il résulte en outre de l'article 13.1 du CCAG travaux auquel fait référence l'article 8.1.1 du CCAP précité que l'entrepreneur doit remettre un projet de décompte avant la fin de chaque mois. Ce projet de décompte fait l'objet d'une vérification par le maître d'oeuvre en charge de l'accepter ou de le rectifier avant qu'il ne devienne le décompte mensuel.
15. La circonstance que la communauté de communes de Soulaines ait choisi de recouvrer la créance qu'elle détient sur la SARL Agence d'architecture Anne Toutut par l'émission d'un titre exécutoire préalablement à l'établissement du décompte général et définitif n'est pas, en elle-même, de nature à priver la créance de son bien fondé. Les dispositions de l'article 8.1.2 du CCAP prévoient d'ailleurs que le maître d'oeuvre encourt des pénalités sur ses créances en cas de retard dans la vérification des projets de décomptes mensuels, aucune interdiction n'étant faite au maître d'ouvrage de les infliger au maître d'oeuvre par le biais, le cas échéant, d'une compensation entre les acomptes à lui verser en cours de marché et les pénalités dont il est redevable. L'émission du titre exécutoire ne peut en l'espèce, être regardée comme " une mesure rétroactive mettant en cause le droit à la rémunération du titulaire du marché ". La SARL Agence d'architecture Anne Toutut n'est donc pas fondée à soutenir que les pénalités litigieuses ne pouvaient être recouvrées au moyen du titre exécutoire litigieux dans le cadre de la compensation réalisée avec les créances qu'elle détient sur la communauté de communes.
16. En quatrième lieu, la SARL Agence d'architecture Anne Toutut fait valoir que la créance litigieuse repose sur des pièces et des calculs non justifiés, le tableau récapitulatif produit par la communauté de communes de Soulaines souffrant, selon l'appelante, d'incohérences et d'inexactitudes qui permettent de le remettre en cause dans sa totalité.
17. La SARL Agence d'architecture Anne Toutut conteste les données recueillies par la communauté de communes de Soulaines dans le tableau récapitulatif des pénalités litigieuses, annexé au courrier du 22 avril 2013 que lui a transmis la communauté de communes de Soulaines.
18. Il résulte toutefois de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que ce tableau a été établi sur la base des documents que la SARL Agence d'architecture Anne Toutut a transmis au maître d'ouvrage dans le cadre de la vérification des projets de décomptes mensuels établis par les entrepreneurs à laquelle elle était tenue contractuellement. Il résulte d'ailleurs des dispositions mêmes de l'article 8.1.1 du CCAP que la société requérante devait notamment faire figurer dans les documents à transmettre à la communauté de communes de Soulaines la date de réception ou de remise de la demande de paiement des entreprises titulaires des marchés de travaux, en vue du règlement des prestations effectuées par ces dernières.
19. La SARL Agence d'architecture Anne Toutut estime que ce tableau souffre d'incohérences notamment en ce qui concerne la situation n° 13 du lot n° 1 et que cela remet en cause, de façon générale, la crédibilité de l'ensemble du document. Il résulte toutefois de l'instruction que l'incohérence relevée dans la colonne " date architecte " qui mentionne la date figurant par erreur sur le tampon dateur de la SARL Agence d'architecture Anne Toutut le 26 mai 2013 procède d'un report erroné de la date du 26 avril 2013 soit la date de réception par la société requérante de l'état envoyé le 24 avril 2013 par l'entrepreneur. Dans son courrier du 3 mai 2013, la SARL Agence d'architecture Anne Toutut ne remet d'ailleurs pas en cause la réalité des retards qui sont relatés dans le tableau récapitulatif qui lui a été transmis, mais se borne, pour l'essentiel, à rappeler que les entreprises titulaires des marchés de travaux ne lui ont pas transmis leurs décomptes dans des conditions conformes aux documents contractuels. Elle ne justifie d'ailleurs pas, en tout état de cause, leur avoir rappelé leurs obligations en la matière ou avoir sollicité le maître d'ouvrage à cet effet préalablement à l'émission du titre exécutoire litigieux.
20. Dans ces conditions, la SARL Agence d'architecture Anne Toutut n'est pas fondée à soutenir que le montant de 14 418,56 euros qui lui a été infligé au titre des pénalités contractuelles n'était pas justifié.
21. En cinquième lieu, si la SARL Agence d'architecture Anne Toutut, se prévaut notamment d'un courrier par lequel le maître d'ouvrage lui demande " un geste financier ", elle ne produit toutefois aucun élément suffisamment précis et probant de nature à établir que l'émission du titre exécutoire n'a été effectuée qu'en vue de l'obliger à concéder une remise commerciale à la SARL Agence d'architecture Anne Toutut dans le cadre des surcoûts liés à la souscription par celle-ci d'un marché au titre de la mission d'OPC. Un tel moyen ne peut ainsi qu'être écarté.
Sur la demande de modulation des pénalités :
22. La SARL Agence d'architecture Anne Toutut demande à la cour de procéder à une modulation des pénalités qui lui ont été infligées et, en tout état de cause, de limiter leur montant à la somme de l'euro symbolique.
23. Le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché. (CE 29 décembre 2008 n° 296930).
24. Les pénalités infligées en application des articles 8.1.1 et 8.1.2 du CCAP pour une somme de 14 418,56 euros correspondent à 20 % du montant du marché et ne justifient pas la modulation demandée par la SARL Agence d'architecture Anne Toutut sans que celle-ci puisse utilement se prévaloir de ce que la communauté de communes de Soulaines ne justifie pas directement d'un préjudice subi à raison du non-respect de sa part des clauses contractuelles qui sont à l'origine des pénalités.
25. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Agence d'architecture Anne Toutut n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception en cause et à la décharge de la somme de 11 055,79 euros TTC.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes de Soulaines qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Agence d'architecture Anne Toutut demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
27. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la SARL Agence d'architecture Anne Toutut le paiement de la somme de 1 500 euros à la communauté de communes de Soulaines au titre des frais que celle-ci a exposés pour sa défense.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Agence d'architecture Anne Toutut est rejetée.
Article 2 : La SARL Agence d'architecture Anne Toutut versera à la communauté de communes de Soulaines une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Agence d'architecture Anne Toutut et à la communauté de communes de Soulaines.
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N° 15NC01716