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23/06/2016 | FRANCE | N°15NC02116

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 23 juin 2016, 15NC02116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 mai 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1402614 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2015, M.A..., r

eprésenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 mai 2014 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°1402614 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 janvier 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 22 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision lui retirant son autorisation provisoire de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;

- le préfet a méconnu le principe général du droit de l'Union européenne à être entendu avant qu'une mesure individuelle susceptible de l'affecter défavorablement ne soit prise à son encontre ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et s'est estimé en situation de compétence liée ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision doit être annulée en conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'est pas motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 10 septembre 2015, M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n°2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 dont les disposition sont reprises par le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Guidi a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur: " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant refus de titre de séjour prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé ; que, par ailleurs, en rejetant la demande de titre de séjour formulée par M.A..., la décision contestée impliquait nécessairement l'abrogation de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée durant l'instruction de sa demande ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait abroger cette autorisation provisoire de séjour sans mettre l'intéressé à même de présenter des observations écrites ou orales ;

2. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'examiner la demande de titre de séjour de M. A...au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que cette disposition relative aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France ne s'applique pas aux ressortissants algériens dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par suite, M. A...ne saurait utilement soutenir que la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée au regard de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant, en troisième lieu, que le droit au séjour des ressortissants algériens en France est intégralement régi par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, dès lors, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande de séjour sur le territoire national ; que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 n'interdisent pas, toutefois, au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant algérien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; qu'après avoir constaté que M. A... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour salarié, le préfet de Meurthe-et-Moselle a examiné la situation personnelle du requérant au titre d'une admission exceptionnelle au séjour ; qu'à cet égard, si le requérant soutient qu'il a des perspectives de travail et que ses proches vivent en France, ces derniers ne sont entrés sur le territoire français qu'en 2007 et l'intéressé, célibataire et sans enfant, a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans en Algérie où il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales ; que, dans ces conditions et eu égard à la situation du requérant, le préfet de Meurthe-et-Moselle, en prenant la décision attaquée, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ce refus de titre de séjour sur sa situation personnelle ;

4. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de ce que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen, à l'appui duquel le requérant ne produit aucun élément nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet a fait obligation au requérant de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un État membre est inopérant ;

7. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;

8. Considérant qu'eu égard notamment aux éléments d'information dont a pu bénéficier le requérant lors de l'instruction de sa demande d'admission au séjour et de la circonstance qu'il pouvait produire, à tout moment de la procédure, toutes observations écrites et tous éléments complémentaires susceptibles de venir à son soutien, le moyen tiré du défaut du contradictoire doit être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; qu'en l'espèce, le préfet a laissé à M.A..., un délai de départ volontaire de trente jours et n'a pas pris à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire ; que, dès lors, l'autorité administrative n'avait pas à motiver spécifiquement sa décision ; que, par suite, la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle a visé l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans préciser qu'il faisait application du 3° de cet article, n'est pas de nature à entacher d'insuffisance de motivation la décision contestée ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que si le requérant soutient qu'il découle de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui transpose l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 et des objectifs qu'elle poursuit, que l'autorité compétente de l'État membre dispose d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'elle prend une décision d'éloignement d'un ressortissant étranger, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait estimé lié par la décision portant refus de titre de séjour et n'aurait pas examiné les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé qui n'a d'ailleurs fait valoir aucun motif humanitaire ou motif exceptionnel, avant de prendre l'obligation de quitter le territoire français litigieuse à l'encontre de M.A... ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet s'est cru en situation de compétence liée et a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, il y a lieu d'écarter le moyen de M. A...tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que M. A...n'a pas établi être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité, à savoir l'Algérie ; qu'ainsi, elle comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

18. Considérant que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A...une somme en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N°15NC02116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02116
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. DI CANDIA
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-23;15nc02116 ?
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