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16/06/2016 | FRANCE | N°15NC02126

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 16 juin 2016, 15NC02126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Arcelor Atlantique et Lorraine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre de l'année 2006 pour un montant de 187 859 euros pour son établissement situé à Rombas.

Par un jugement n° 0901741 du 26 juillet 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12NC01628 du 27 mars 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et

remis à la charge de la société Arcelor Atlantique et Lorraine les cotisations suppléme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Arcelor Atlantique et Lorraine a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre de l'année 2006 pour un montant de 187 859 euros pour son établissement situé à Rombas.

Par un jugement n° 0901741 du 26 juillet 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 12NC01628 du 27 mars 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et remis à la charge de la société Arcelor Atlantique et Lorraine les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre de l'année 2006.

Par une décision 380723 du 5 octobre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 12NC01628 de la cour administrative d'appel de Nancy et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 26 septembre 2012 et des mémoires enregistrés les 28 janvier, 10 mars et 8 avril 2016, le ministre délégué chargé du budget demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 0901741 du 26 juillet 2012 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de remettre intégralement la somme dégrevée à la charge de la société Arcelor Atlantique et Lorraine ;

3°) subsidiairement, de confirmer les bases d'imposition à hauteur de 3 388 831 euros.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit sur la portée de la notion de cession de biens au sens du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts qui ne saurait s'entendre restrictivement des seules ventes ;

- la notion de bien cédé désigne la généralité des biens immobilisés compris dans une cession intervenue à l'intérieur d'un groupe, quelle que soit la qualification de l'opération, sans distinction selon les modalités juridiques choisies ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les précisions du législateur éclairant la portée originelle de la disposition en auraient modifié le champ d'application et seraient inapplicables à l'année 2006 ;

- si le code civil définit précisément la notion de vente, il ne comporte aucune définition de la notion de cession ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'opération en litige ne pouvait s'analyser comme une cession de bien ;

- au regard des éléments chiffrés fournis, la société n'a pas d'intérêt pour agir, la valeur locative brute retenue par le vérificateur étant inférieur à celui résultant de l'application de l'article 1518 B du code général des impôts ;

- le tableau fourni par la société pour justifier des immobilisations acquises entre 2000 et 2005 est un document ad hoc, qui ne peut être considéré comme probant ;

- si la cour estimait suffisantes les pièces produites pour confirmer les éléments chiffrés annoncés, elles ne seraient susceptibles de justifier qu'un dégrèvement en base de 270 707 euros, si l'on compare le calcul entre l'application de l'article 1518 B et la règle de droit commun, à savoir 16 % du prix de revient.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mai 2013, 22 décembre 2015, 11 février 2016, 17 mars 2016, 4 avril 2016 et 13 avril 2016, la société Arcelor Atlantique et Lorraine, représentée par Me Chatel, conclut au rejet du recours du ministre et, dans le dernier état de ses écritures, à titre subsidiaire, à ce qu'une décharge de 187 859 euros lui soit accordée et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- la volonté du législateur visait exclusivement les montages permettant une optimisation, seules les opérations de cession de biens pouvant donner lieu au déclenchement du mécanisme de fixité des bases imposables ;

- l'opération d'apport partiel d'actif réalisée ne constitue pas une cession de biens au sens de la jurisprudence tant administrative que judiciaire ;

- les modifications législatives ne s'appliquent qu'aux opérations intervenues depuis le 1er janvier 2007 et une portée rétroactive ne serait pas conforme aux droits des contribuables ;

- en application des dispositions des articles 1469-3° quater et 1518 B du code général des impôts, elle est fondée à bénéficier de ces dispositions, dès lors que la règle dite " du plancher " aboutit à retenir une valeur locative supérieure à celle résultant de l'application de la règle de fixité du prix de revient ;

- le calcul entre les différents éléments doit se faire avec des éléments comparables, soit en comparant les éléments avant apport, soit en comparant les éléments après apport ; la valeur plancher à retenir est de 12 151 834 euros, telle qu'elle a été mentionnée dans la déclaration de taxe professionnelle de l'entreprise.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rousselle,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public

- et les observations de Me Chatel, avocat de la SAS Arcelor Atlantique et Lorraine.

1. Considérant que la SAS Arcelor Atlantique et Lorraine a reçu le 1er avril 2005 de la société Sollac Lorraine, par voie d'apport partiel d'actif, le site industriel de Rombas (Moselle) ; que la valeur de ce bien a été déclarée, dans le cadre de ses déclarations de taxe professionnelle pour 2006, en faisant application du régime de la valeur locative plancher alors défini par l'article 1518 B du code général des impôts ; qu'ayant estimé que l'opération réalisée en 2005 relevait de l'application des dispositions du 3° de l'article 1469 du code, l'administration a procédé, sur cette base, à un nouveau calcul de la valeur locative et assigné à la SAS Arcelor Atlantique et Lorraine des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre de l'année 2006 ; que le ministre chargé du budget relève appel du jugement en date du 26 juillet 2012 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande de la SAS Arcelor Atlantique et Lorraine en prononçant la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " La taxe professionnelle a pour base : 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) " ; qu'aux termes du 3° quater de l'article 1469 du même code : " Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement : a. l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ; b. ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise (...) " ; qu'aux termes de l'article 1518 B du même code : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération. (...). Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1 er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération (...) Les dispositions du présent article s'appliquent distinctement aux trois catégories d'immobilisations suivantes : terrains, constructions, équipements et biens mobiliers " ;

3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts que les cessions de biens qu'il vise s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire ; que ces dispositions, dont les termes renvoient à une opération définie et régie par le droit civil, ne sauraient s'entendre comme incluant toutes autres opérations qui, sans constituer des " cessions " proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale ;

4. Considérant, cependant, que la notion de cession au sens du droit civil recouvre tous les transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire, effectués à titre gratuit ou à titre onéreux ; que l'opération par laquelle une société apporte une partie de ses éléments d'actif à une autre société en échange de titres de cette dernière doit être regardée comme une cession à titre onéreux au sens du droit civil dès lors que cette opération manifeste la rencontre de deux volontés, celle du cessionnaire et celle du cédant et s'applique à une situation où, après l'opération, ces deux personnes subsistent ; que les apports partiels d'actifs réalisés par la société Sollac Lorraine au profit de la SAS Arcelor Atlantique et Lorraine entrent ainsi dans les prévisions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 1518 B du code qui n'ont pour objet que de garantir aux collectivités le maintien en toute circonstance d'une valeur locative minimum ; que le ministre est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts pour prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle qui a été assignée à la SAS Arcelor Atlantique et Lorraine au titre de l'année 2006 pour son établissement de Rombas ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société SAS Arcelor Atlantique et Lorraine devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ;

6. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 4, la circonstance que les apports partiels d'actifs réalisés par la société Sollac Lorraine au profit de la SAS Arcelor Atlantique et Lorraine entrent dans les prévisions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 1518 B du même code et, dans l'hypothèse où la valeur locative calculée selon le 3° quater de l'article 1469 est inférieure à celle issue de l'application de l'article 1518 B, c'est cette dernière valeur locative qui est retenue pour l'établissement de l'imposition ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment des dernières écritures des parties qui s'accordent sur ce point que, compte tenu de la valeur d'apport des équipements et biens mobiliers pour le site de Rombas en 2000 ainsi que des acquisitions réalisées entre 2000 et 2005, le prix de revient au sens des dispositions du 3° quater de l'article 1469 s'élève à 14 171 736 euros, soit une valeur locative imposable de 2 267 478 euros ;

8. Considérant, d'autre part, qu'ainsi que le vérificateur l'avait admis dans la lettre de notification des rectifications en date du 20 mars 2007, compte tenu du rehaussement de la valeur locative des biens taxables non passibles de la taxe foncière, de 6 145 863 euros, le prix de revient total des équipements et biens mobiliers pour le site de Rombas s'élève à 18 297 697 euros, soit une valeur locative imposable en application de l'article 1518 B du code général des impôts de 2 927 632 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'application des dispositions du 3° quater de l'article 1469, telle que définie au point 7, aboutit à des bases d'imposition moindres que celles résultant de la mise en oeuvre de l'article 1518 B et inférieures aux 3 659 538 euros finalement notifiés par le vérificateur ; qu'il suit de là que la société Arcelor Atlantique et Lorraine était fondée à demander que ses bases d'imposition à la taxe professionnelle dans les rôles de la commune de Rombas au titre de l'année 2006 soient réduites de 731 906 euros ; que, par suite, compte tenu du taux non contesté d'imposition de la taxe professionnelle dans cette commune au titre de l'année 2006, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la société Arcelor Atlantique et Lorraine, le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a accordé à la société Arcelor Atlantique la décharge de la somme de 187 859 euros au titre de la taxe professionnelle la décharge ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 500 euros à verser à la société Arcelor Atlantique et Lorraine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre délégué chargé du budget est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Arcelor Atlantique et Lorraine la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Arcelor Atlantique et Lorraine et au ministre des finances et des comptes publics.

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N°15NC02126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02126
Date de la décision : 16/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Rectification (ou redressement).


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-16;15nc02126 ?
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