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09/06/2016 | FRANCE | N°15NC01925

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 juin 2016, 15NC01925


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour M et MmeE..., M. C...représentant le ministre de l'intérieur et Me F...

pour la commune de Laneuvelotte.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier en date du 16 juillet 2013, le mai...

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour M et MmeE..., M. C...représentant le ministre de l'intérieur et Me F...pour la commune de Laneuvelotte.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier en date du 16 juillet 2013, le maire de la commune de Laneuvelotte (Meurthe-et-Moselle) a demandé au préfet de Meurthe-et-Moselle l'ouverture d'une enquête publique préalable à une déclaration d'utilité publique en vue de la réalisation de travaux de sécurisation de la rue des Marronniers. Par un arrêté du 27 septembre 2013, le préfet a prescrit l'ouverture d'une enquête publique et d'une enquête parcellaire qui se sont déroulées du 18 octobre au 8 novembre 2013. A l'issue de l'enquête, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable au projet, assorti d'observations relatives à la nécessité de protéger un marronnier centenaire et deux noyers situés sur la parcelle à exproprier, appartenant à M. et Mme E...ainsi qu'à l'acquisition, par expropriation, de la parcelle cadastrée D 180 pour une superficie de 103 m² appartenant à M. et MmeE.... Le 10 février 2014, le conseil municipal de la commune de Laneuvelotte a décidé de poursuivre l'opération tout en préservant les arbres concernés par l'expropriation.

2. Par des arrêtés du 16 juin 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, d'une part, déclaré d'utilité publique les travaux nécessaires au déplacement en retrait de l'abribus et à la création d'un trottoir sécurisé et d'autre part, déclaré cessible, au profit de la commune, une partie de la parcelle D 180 appartenant aux épouxE....

3. M. et Mme E...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 16 juin 2014.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la compétence de la commune :

4. Les requérants soutiennent que la commune de Laneuvelotte n'était pas compétente pour demander au préfet d'engager la procédure d'expropriation dès lors que la voirie appartient au département et que la compétence en matière de transport est assurée par le syndicat de transport scolaire de la Bouzule.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que depuis 2011, la commune de Laneuvelotte a entrepris un programme, réalisé en trois tranches, de réfection de la voirie et de création de trottoirs. La troisième tranche qui concerne la rue des Marronniers, a pour objet de permettre la mise aux normes de l'accès handicapés de l'abribus, la mise en retrait de celui-ci et la création de trottoirs. Ce programme de travaux a donc pour objectif d'assurer, sur le ban communal, la sécurité des usagers des services de transport et notamment des élèves qui utilisent les bus du syndicat de transport scolaire de la Bouzule afin de se rendre dans les écoles maternelles et primaires, le collège et le lycée du secteur. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le tribunal, la circonstance que la commune de Laneuvelotte procède, à l'occasion de cette opération, à des travaux d'élargissement de la chaussée pour lesquels le département lui a donné une permission de voirie, est sans incidence sur l'appréciation de sa compétence.

6. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que le syndicat de transport scolaire de la Bouzule est seul compétent pour aménager l'aire de stationnement des bus, il ressort des statuts dudit syndicat que celui-ci a pour objet " d'assurer le transport et la surveillance des élèves (...), la gestion et l'entretien normal des locaux scolaires et leurs annexes (...) ainsi que les fournitures scolaires ". Eu égard à son objet social, il ne saurait donc intervenir dans l'aménagement des aires de stationnement et de ramassage des bus. Par suite, le maire de la commune de Laneuvelotte était compétent pour solliciter du préfet l'engagement de la procédure d'expropriation.

S'agissant de la nécessité de recourir à une nouvelle enquête publique :

7. M. et Mme E...soutiennent que la commune devait recourir à une nouvelle enquête publique dès lors que le projet initial a été substantiellement modifié et qu'une nouvelle enquête devait être organisée pour confronter aux suggestions préconisées par le commissaire enquêteur à l'issue de l'enquête publique le nouveau projet établi après les expertises de l'ONF.

8. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, qui a émis un avis favorable au projet, a recommandé " que soient mis en oeuvre tant dans l'étude du projet définitif que lors de l'exécution des travaux toutes les précautions indispensables à la protection du marronnier, situé sur la propriété E...conformément au projet présenté à l'enquête, mais également à celle de deux noyers impactés par l'alignement projeté au sud de la surface à acquérir ". En considération de cette remarque, la commune, qui a décidé par délibération du 10 février 2014, de préserver le marronnier et les deux noyers, en ramenant l'emprise du projet à 88 m², a fait réaliser une étude par l'Office national des forêts, qui a mis en évidence deux zones de conflit de 9 et 6 m². Afin de tenir compte des deux zones, le périmètre de la déclaration d'utilité publique a été revu et réduit à 73 m².

9. Si le commissaire enquêteur désigné pour une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique doit exprimer, dans les conclusions de son rapport, son avis personnel qu'il peut assortir de réserves, il n'a pas à être saisi du suivi de l'opération. Par suite, si la surface à exproprier a été réduite à l'issue de l'enquête publique, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette réduction, d'ailleurs opérée après l'enquête publique et les observations du commissaire enquêteur, constitue une remise en cause du projet nécessitant l'ouverture d'une nouvelle enquête publique.

S'agissant de l'irrégularité de la saisine du préfet sans nouvelle délibération du conseil municipal :

10. M. et Mme E...soutiennent que le préfet a été irrégulièrement saisi dès lors que le conseil municipal de la commune de Laneuvelotte ne s'est pas prononcé après les modifications substantielles apportées au projet.

11. Il ressort des pièces du dossier que le 16 juillet 2013, la commune de Laneuvelotte a demandé au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à une enquête publique préalable à une déclaration d'utilité publique en vue de la réalisation de travaux de sécurisation de la rue des Marronniers, comportant la création de trottoirs et le déplacement en retrait d'un arrêt de bus. Le 10 février 2014, le conseil municipal a décidé de poursuivre l'opération d'expropriation et de lever la réserve émise par le commissaire enquêteur relative à la préservation des arbres. Dès lors qu'aucune modification substantielle du projet soumis au préfet n'est intervenue, ainsi que cela ressort du point 9, le conseil municipal n'avait pas à se prononcer une nouvelle fois.

12. Le moyen tiré de l'irrégularité de la saisine du préfet doit donc être écarté.

S'agissant de l'utilité publique du projet :

13. Les requérants soutiennent que le projet en litige ne présente aucune utilité publique dès lors que le maintien de l'arrêt de bus à cet endroit ne se justifie pas et présente de nombreux inconvénients, que plus de trois cents personnes ont signé une pétition à son encontre et que la commune aurait dû examiner des solutions alternatives.

14. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. (CE 19-10-2012 n° 343070).

15. Le projet en litige a pour objet de renforcer la sécurité des usagers dans cette rue en élargissant la chaussée et en créant des trottoirs aux normes pour les personnes à mobilité réduite, ainsi que de déplacer en retrait l'arrêt de bus existant. Si le syndicat de transport scolaire a souligné, comme le font valoir les requérants, qu'en raison d'un changement de la politique scolaire du département, une réflexion devait être conduite sur le maintien du transport méridien qui serait susceptible de supprimer l'intérêt d'un arrêt de bus dans cette rue, il indique également que l'emplacement de cet arrêt et la configuration actuelle de la rue n'assure pas une sécurité optimale pour les usagers lors de la dépose et de l'attente du bus. Le commissaire enquêteur, après avoir évoqué un accident, a indiqué que les conditions de fonctionnement de cet équipement sont génératrices de risques d'accident et impliquent un réaménagement dès lors que la rue des Marronniers est encombrée par un stationnement inorganisé et la présence ponctuelle de cars de ramassage scolaire créant une insécurité pour les usagers. La commune de Laneuvelotte fait valoir que le maintien de l'abribus est justifié par le fait que celui-ci se trouve sur le trajet commun des circuits primaire et secondaire, et répond à la demande des usagers domiciliés à proximité et dans le hameau de Voirincourt. Par suite, M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que le projet litigieux ne présenterait pas d'intérêt public.

16. Si les requérants soutiennent que le projet, dont le coût est excessif au regard de l'utilité de l'abris de bus, compromet la survie de leur marronnier et des noyers, affecte la qualité paysagère de leur jardin, ne supprime pas tout danger dès lors que les automobilistes pourront être amenés à dépasser sans visibilité le bus à l'arrêt, qu'une pétition s'opposant au projet a été signée par plus de trois cents personnes, il n'est pas pour autant établi que le coût de l'opération serait excessif au regard de projets similaires, ni qu'une autre solution aurait permis de réaliser cette opération, sans expropriation, dans des conditions équivalentes. Par ailleurs, les modifications apportées au projet initial, ont permis d'exclure la réalisation de travaux dans les zones vitales des arbres afin de garantir la pérennité du marronnier et des deux noyers.

17. Enfin, s'ils soutiennent que le commissaire enquêteur a suggéré l'examen de solutions alternatives, dont l'une d'elles est effectivement la suppression de l'arrêt de bus, aucune disposition n'impose à la collectivité bénéficiaire de l'expropriation de mentionner au dossier d'enquête les projets qui auraient été élaborés en dehors d'elle et qui n'auraient pas fait l'objet d'une étude par ses soins. En outre, il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité qu'aurait eue la collectivité d'étudier des projets alternatifs.

17. Eu égard tant à l'intérêt que présente cette opération pour l'aménagement et la sécurisation de la rue des Marronniers, dans le prolongement des travaux déjà entrepris, qu'aux précautions prises pour exclure de l'assiette du projet le domaine vital des arbres, les inconvénients, notamment les atteintes à la propriété des requérants, ne sauraient être regardés comme excessifs et ne sont, dès lors, pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique.

S'agissant de l'insuffisance de désignation des parcelles expropriées :

18. Les requérants soutiennent que l'arrêté de cessibilité ne respecte pas les dispositions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 dès lors que la désignation de la parcelle concernée n'est pas précise.

19. Aux termes de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation alors en vigueur : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. / Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de ce décret ou de l'alinéa 1er de l'article 6 du même décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret d'application n° 55-1350 du 14 octobre 1955 ".

20. Il ressort des pièces du dossier qu'un état parcellaire comportant la désignation cadastrale de la parcelle à acquérir et sa superficie de 73 m2, conformément aux exigences de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 était annexé à l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante précision de la désignation des parcelles expropriées doit être rejeté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 16 juin 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Laneuvelotte, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme E...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme E...une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Laneuvelotte au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : M. et Mme E...verseront à la commune de Laneuvelotte une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et NoëlleE..., à la commune de Laneuvelotte et au ministre de l'intérieur.

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N° 15NC01925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01925
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP LEBON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-09;15nc01925 ?
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