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02/06/2016 | FRANCE | N°15NC00838

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 02 juin 2016, 15NC00838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral par actions simplifiée (Selas) Pharmacie Deregnaucourt a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés dus au titre des années 2008, 2009 et 2010 et de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période du 1er avril 2007 au 28 février 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300813 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2015, la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral par actions simplifiée (Selas) Pharmacie Deregnaucourt a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés dus au titre des années 2008, 2009 et 2010 et de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période du 1er avril 2007 au 28 février 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1300813 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2015, la société d'exercice libéral par actions simplifiée (Selas) Pharmacie Deregnaucourt, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 mars 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés dus au titre des années 2008, 2009 et 2010 et de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période du 1er avril 2007 au 28 février 2011, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que la comptabilité de l'entreprise a été écartée comme non probante ;

- les ruptures de séquences relevées sont le fruit d'un dysfonctionnement du logiciel et non d'une volonté d'éluder l'impôt ; leur nombre et les montants correspondants sont très faibles par rapport au chiffre d'affaires ;

- l'administration ne démontre pas que la société requérante a frauduleusement utilisé le mot de passe pour minorer les recettes ; faute d'établir l'existence d'une intention frauduleuse, l'administration ne peut pas appliquer de majorations pour manoeuvres frauduleuses ;

- le contrôle inopiné permettant à l'administration d'effectuer des constatations matérielles a été réalisé en dehors des heures d'intervention autorisées, ce qui rend irrégulière la procédure de rectification issue de ce contrôle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2015 le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le montant du chiffre d'affaires éludé est sans incidence sur le bien-fondé du redressement ;

- l'administration a démontré l'utilisation de la fonctionnalité du logiciel permettant la suppression de recettes ;

- les relaxes prononcées au pénal à l'égard d'autres utilisateurs du logiciel sont sans incidence sur la situation fiscale du contribuable ;

- aucune autre méthode de reconstitution de recette ne pouvait être mise en oeuvre faute pour le contribuable d'avoir conservé les données informatiques ;

- la procédure d'imposition est régulière ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de l'officine pharmaceutique, exploitée à Ay par la Selarl PharmacieA..., devenue la Selas Pharmacie Deregnaucourt, l'administration fiscale a écarté la comptabilité de l'entreprise comme non probante et procédé à une reconstitution des recettes espèces éludées ; que la Selas Pharmacie Deregnaucourt relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés dus au titre des années 2008, 2009 et 2010 et de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période allant du 1er avril 2007 au 28 février 2011 ainsi que des majorations de 80 % dont ces rappels ont été assortis ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil " ; qu'aux termes de l'article L. 27 du même livre :" Quand il n'existe pas de dispositions particulières, les visites et vérifications prévues à l'article L. 26 ont lieu seulement dans les locaux affectés à l'exercice de la profession ou de l'activité qui fait l'objet du contrôle et dans les annexes et dépendances des mêmes locaux, pendant les intervalles de temps ci-après : (...) 2° Pendant les mois de mars, avril, septembre et octobre, depuis 6 heures du matin jusqu'à 7 heures du soir " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que c'est en application des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et non pas, comme le soutient à tort la requérante, de l'article L. 27 du livre des procédures fiscales, que deux agents de la direction des vérifications nationales et internationales et de la brigade de vérification de la direction de contrôle fiscal Est ont procédé, le 30 mars 2011, à un contrôle inopiné afin de procéder au recensement des moyens d'exploitation de la Selarl PharmacieA..., de ses documents comptables, de sa documentation relative au logiciel de gestion et des fichiers de données dont la conservation est rendue obligatoire par les dispositions de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales et ont remis à M.A..., gérant de la société, un avis de vérification de comptabilité fixant la date de la première intervention au mardi 12 avril 2011 ; qu'ainsi, la Selas Pharmacie Deregnaucourt ne saurait utilement se prévaloir de ce que l'administration serait intervenue dans ses locaux en dehors des horaires prévus par l'article L. 27 du livre des procédures fiscales à l'appui de sa demande de décharge des rappels d'impôt litigieux ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour écarter la comptabilité de la Sarl Pharmacie A...comme non probante et procéder ensuite à la reconstitution des recettes espèces éludées, le vérificateur s'est fondé sur ce que l'analyse des traitements informatiques effectués par M. A...à partir des fichiers du logiciel de gestion et de comptabilité " Alliance + " révélait des ruptures dans la numérotation des factures concernant 2 941 factures au cours de l'exercice clos en 2008, 2 719 au cours de l'exercice clos en 2009 et 2 259 factures au cours de l'exercice clos en 2010 et dans la numérotation des règlements (956 pour l'exercice clos en 2008,

1 096 pour l'exercice clos en 2009 et 783 pour l'exercice clos en 2010) ; que l'importance et la fréquence de ces ruptures constituent à elles seules des irrégularités d'une gravité suffisante pour ôter à la comptabilité de l'entreprise son caractère probant ; que la circonstance que la Selarl A...ne serait pas à l'origine de ces irrégularités demeure sans incidence ;

En ce qui concerne les pénalités :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment du rapport d'expertise qui a été déposé par M. C...le 24 février 2009 auprès du tribunal de grande instance de Nîmes dans le cadre des poursuites pénales engagées contre d'autres exploitants d'officines pharmaceutiques utilisant le même logiciel " Alliance + " que la Sarl PharmacieA..., et auquel le vérificateur a eu accès dans le cadre du droit de communication, que ce logiciel permettait d'activer après plusieurs manipulations dans les menus et sous-menus de l'application un module de dissimulation des recettes ; que l'accès à la dernière étape de ces manipulations n'était possible qu'au vu d'un mot de passe délivré, sur demande de l'utilisateur, par la société Alliadis, fournisseur du logiciel ; que l'administration fiscale justifie, par ailleurs, que la pharmacie exploitée par la Sarl Pharmacie A...figure sur la liste, saisie par l'autorité judiciaire, des pharmacies ayant obtenu le mot de passe permettant d'accéder à la commande de suppression des opérations de caisse correspondant à certaines ventes payées en espèces ; qu'enfin, il n'est pas contesté que le fichier énumérant les manipulations ainsi effectuées a été supprimé par l'action d'une commande système non intégrée au programme ; qu'au vu de ces éléments, la Sarl Pharmacie A...doit être regardée comme ayant consciemment et délibérément utilisé le mot de passe fourni par la société Alliadis afin d'accéder à cette fonctionnalité ; que l'administration fiscale justifie dès lors de l'existence, de la part de la société, de manoeuvres destinées à occulter des opérations imposables tout en donnant à la comptabilité l'apparence de la sincérité ; que, par suite, la société requérante, qui ne donne, en appel, aucune précision ni justification sur les dysfonctionnements du logiciel dont elle fait état et qui serait selon elle à l'origine des suppressions en litige, n'est pas fondée à demander la décharge des majorations de 80 % pour manoeuvres frauduleuses qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Selas Deregnaucourt n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance, le versement de la somme que la Selas Deregnaucourt demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Selas Deregnaucourt est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Selas Deregnaucourt et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 15NC00838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00838
Date de la décision : 02/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : HUBEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-02;15nc00838 ?
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