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02/06/2016 | FRANCE | N°15NC00806

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 02 juin 2016, 15NC00806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile Camete a demandé au administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2008 ainsi que des pénalités dont elle a été assortie.

Par un jugement n° 1301176 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2015, l

a société civile Camete, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile Camete a demandé au administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2008 ainsi que des pénalités dont elle a été assortie.

Par un jugement n° 1301176 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 avril 2015, la société civile Camete, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la méthode employée par le vérificateur pour évaluer la valeur vénale des parts de la SCEA A...acquises le 20 mars 2007 auprès de M. B...A...est critiquable ;

- la méthode employée par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pour fixer cette valeur vénale à 189 euros est elle-même critiquable dès lors qu'elle ne repose que sur des paramètres économiques et n'a pas pris en compte les caractéristiques d'ordre juridique de la société qui est une société civile dite " fermée " ;

- l'administration fiscale ne pouvait pas procéder à une correction de la valeur d'origine de l'immobilisation, qu'elle a comptabilisée pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net en l'absence, d'une part, d'une sous-évaluation manifeste et dès lors, d'autre part, que cette sous-évaluation ne résulte pas d'une intention délibérée ;

- l'administration fiscale ne justifie pas de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt et par suite du bien-fondé de l'application des majorations de 40 % pour manquement délibéré.

Par un mémoire, enregistré le 1er décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

1. Considérant que la société civile Camete, constituée le 20 mars 2007 par

M. B...A..., gérant, et son épouse, Mme D...A..., a pour objet la prise de participations sous quelque forme que ce soit dans toute société ou entreprise et la réalisation de toutes opérations financières, mobilières ou immobilières et a opté pour son imposition à l'impôt sur les sociétés ; qu'elle a fait l'objet, en 2010, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur a procédé à une revalorisation des 1 088 parts de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) A...que la société civile Camete avait acquises auprès de M. B...A...le 20 mars 2007 au prix unitaire de 110 euros ; que la valeur vénale de ces parts a été fixée à 219 euros puis ramenée à 189 euros par l'administration fiscale après l'avis émis, le 2 novembre 2011, par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que l'actif net de la société a été augmenté à due concurrence ; que la société civile Camete relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a en conséquence été assujettie ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toutes natures faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable au litige : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions que, dans le cas où le prix de l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise acquéreuse pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net ;

5. Considérant que la valeur réelle des titres non cotés d'une société doit être déterminée par référence à la valeur des autres titres de la société telle qu'elle ressort des transactions portant à la même époque sur ces titres dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance ; qu'en l'absence de toute transaction ou de transaction équivalente, l'appréciation de la valeur vénale est faite en utilisant les méthodes d'évaluation qui permettent d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ;

6. Considérant que la preuve de l'existence d'une libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour le vendeur, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ; que dans le cas où le vendeur et l'acquéreur sont liés par une relation d'intérêts, l'intention d'octroyer et de recevoir une libéralité est présumée ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a, pour fixer la valeur vénale des parts de la SCEA A...acquises le 20 mars 2007 à 219 euros, en l'absence de transaction équivalente, combiné en les pondérant, selon la formule VM + VP/2, le résultat obtenu à partir de l'application de la valeur dite de productivité (VP) et celui obtenu à partir de l'application de la valeur dite mathématique (VM), cette dernière étant calculée à partir de la valeur nette comptable des éléments d'actif et de la valorisation de certains éléments incorporels ; que la valeur ainsi obtenue de 273,69 euros a fait l'objet d'un abattement de 20 % ; que la société civile Camete a critiqué cette méthode en proposant notamment à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires une autre méthode combinant la méthode dite de la valeur patrimoniale, donnant une valeur vénale unitaire des parts de 69 euros, et celle dite de la valeur économique donnant une valeur vénale unitaire de 206 euros ; que la valeur de 206 euros a été retenue par la société comme une moyenne des trois valeurs de 486,50 euros, 144,20 euros et 109,70 euros ; que la valeur de 486,50 euros correspondait à une valeur de rentabilité ou de rendement calculée à partir de l'excédent brut d'exploitation de l'exercice clos le 31 mars 2006 avec une amplitude de

+ 10 % affecté d'un taux de rendement prenant en compte un placement sans risque du type obligation du Trésor, cotation OAT de 10 ans au taux de 3,8 % ; que la valeur de 144,20 euros correspondait à une valeur de rentabilité calculée sur l'excédent brut d'exploitation de l'exercice clos le 31 mars 2006 avec une amplitude de - 10 % affecté d'un coefficient prenant en compte un placement du type action rendement du CAC 40 au taux de 8,25 % ; qu'enfin,

la valeur de 109,70 euros correspondait à une valeur de " reprenabilité " ou de remboursement calculée sur l'excédent brut d'exploitation de l'exercice clos le 31 mars 2006 avec une amplitude de - 10% sur la base d'un taux d'emprunt sur 12 ans au taux de 4,3 % ; que la moyenne de 137,50 euros obtenue à partir des valeurs de 206 euros et 69 euros a fait l'objet d'un abattement de 20 % ; que la société civile Camete obtenait ainsi une valeur vénale unitaire de 110 euros ; que si la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, dans son avis du 2 novembre 2011, estimé que la valeur vénale des titres pouvait être fixée à partir des méthodes proposées par la société à 189 euros, elle n'a cependant, d'une part, pas retenu la valeur patrimoniale de 69 euros et a, d'autre part, déterminé la valeur économique à partir d'une valeur de rentabilité calculée sur l'excédent brut d'exploitation de l'exercice clos le 31 mars 2006 avec une amplitude de - 10 % et non pas + 10 % affecté d'un coefficient prenant en compte un placement sans risque type obligation du Trésor, cotation OAT de 10 ans au taux de 3,8 % ; que l'administration fiscale s'est ralliée à cet avis et a mis en recouvrement la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Camete a été assujettie sur la base de cette valeur de 189 euros ;

8. Considérant, en premier lieu, que, comme il vient d'être dit, l'administration fiscale a retenu la valeur de 189 euros proposée par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et obtenue non pas à partir de l'application de la méthode de calcul du vérificateur mais d'une application partielle de la méthode proposée par la contribuable ; que l'administration fiscale a implicitement mais nécessairement renoncé à l'application de la méthode retenue par le vérificateur ; qu'il s'ensuit que la société requérante ne peut plus utilement critiquer en appel cette méthode ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à affirmer que la méthode employée par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est critiquable dès lors qu'elle ne repose que sur des paramètres économiques et n'a pas pris en compte les caractéristiques d'ordre juridique de la société qui est une société civile dite " fermée ", la société requérante ne permet pas à la cour de remettre en cause la pertinence de la méthode employée qui, comme il a été dit aux points 7 et 8, reprenait pour partie celle proposée par la contribuable elle-même ;

10. Considérant, en dernier lieu, que la société requérante soutient que l'administration fiscale ne pouvait pas procéder à une correction de la valeur d'origine de l'immobilisation, qu'elle a comptabilisée pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net en l'absence, d'une part, d'une sous-évaluation manifeste et dès lors, d'autre part, que cette sous-évaluation ne résulte pas d'une intention délibérée ;

11. Considérant cependant que l'écart entre le prix de 110 euros et la valeur vénale de 189 euros est significatif ; que, par ailleurs, compte tenu des relations d'intérêt existant entre la société civile Camete et la SCEA A...constituées des mêmes associés, l'intention d'octroyer une libéralité de la part de la SCEA A...et de la recevoir de la part de la société civile Camete doit être présumée ; que la société requérante n'apporte pas la preuve contraire ; que la société civile Camete n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a augmenté l'actif net de la société de 85 952 euros sur la base d'une valeur unitaire de 189 euros ;

En ce qui concerne les pénalités :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

13. Considérant qu'en se prévalant des liens unissant la société Camete et la SCEA A...et de l'écart important existant entre le prix unitaire de 110 euros et la valeur de

219 euros ramenée ultérieurement à 189 euros, l'administration fiscale apporte la preuve, dont la charge lui incombe, de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt et, par suite, du bien-fondé de la majoration de 40 % qu'elle a appliquée, en se fondant sur le a de l'article 1729 du code général des impôts ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société civile Camete n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui n'a pas omis de répondre à un moyen opérant et a suffisamment motivé son jugement, a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société civile Camete demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société civile Camete est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile Camete et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 15NC00806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00806
Date de la décision : 02/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : DE LANGLADE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-02;15nc00806 ?
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