La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2016 | FRANCE | N°15NC00329

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 31 mai 2016, 15NC00329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...et Mme A...C...épouse D...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 12 mai 2014 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Par un jugement nos 1401166, 1401167 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Besançon a joint ces demandes avant de les rejeter.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2015, M. et MmeD..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...et Mme A...C...épouse D...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 12 mai 2014 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés.

Par un jugement nos 1401166, 1401167 du 14 octobre 2014, le tribunal administratif de Besançon a joint ces demandes avant de les rejeter.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2015, M. et MmeD..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 14 octobre 2014 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 12 mai 2014 pris à leur encontre par le préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de leur délivrer un récépissé avec droit au travail dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative et dans l'attente de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent :

S'agissant des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de MmeD..., que :

- ces décisions méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle dès lors que sa pathologie trouve son origine dans les évènements qu'elle a vécus en Géorgie ;

S'agissant des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de M.D..., que :

- elles méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant des décisions fixant le pays de destination, que :

- ces décisions méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2015, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions en date du 29 janvier 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. et Mme D..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 13 novembre 1972 et le 15 mars 1979, sont entrés sur le territoire français le 17 mai 2012, selon leurs déclarations ; que leurs demandes tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par des décisions du 26 juin 2013, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 7 mars 2014 ; que le 22 novembre 2013, Mme D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, par deux arrêtés du 12 mai 2014, le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés ; que M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 14 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de MmeD... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, que le préfet ne doit délivrer une carte de séjour temporaire que si la prise en charge médicale de l'étranger, dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, n'est pas possible dans son pays d'origine en raison de l'inexistence d'un traitement approprié ;

3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que par un avis du 31 décembre 2013, le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a estimé que l'état de santé de Mme D..., qui souffre d'un syndrome de stress post-traumatique, nécessite une prise en charge médicale d'une durée de douze mois, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale ;

5. Considérant que pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet, qui n'est pas lié par cet avis, s'est fondé sur l'attestation du docteur Clava Tchovelidze, médecin conseil de l'ambassade de France en Géorgie, du 13 juin 2013, aux termes de laquelle les affections psychologiques font l'objet de soins en Géorgie en conformité avec les standards internationaux définis par l'Organisation mondiale de la santé ; que le préfet a également produit un extrait du rapport de l'organisation internationale pour les migrations relatif au système de santé géorgien ainsi que la liste des médicaments disponibles en Géorgie, lesquels confirment que des soins adaptés aux troubles psychiatriques existent dans ce pays ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, les pièces produites par le préfet sont des modes de preuve admissibles et qui présentent un caractère suffisamment probant de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, nonobstant la circonstance que la liste des médicaments produite par le préfet soit rédigée en langue anglaise ; qu'en outre, il n'est pas établi que l'intéressée n'ait pas levé le secret médical sur sa pathologie préalablement à l'avis rendu par le médecin conseil à l'ambassade de France ; que, par ailleurs, les documents produits par MmeD..., notamment les certificats médicaux établis par son médecin-psychiatre qui indiquent qu'elle bénéficie en France d'un suivi thérapeutique et d'un traitement médicamenteux, ne se prononcent pas sur l'existence ou l'absence d'un traitement approprié à son état de santé en Géorgie ; que, par ailleurs, s'il ressort des pièces produites par l'intéressée que sa pathologie serait susceptible de trouver son origine dans les évènements traumatisants qu'elle a subis en Géorgie, notamment à la suite d'une agression, Mme D...ne produit pas de documents suffisamment probants de nature à établir qu'elle ne pourrait pas suivre un traitement approprié à son état dans son pays d'origine ; que, par suite, et alors que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, il n'y a plus lieu d'apprécier l'effectivité de l'accès aux soins de l'étranger dans le pays dont l'étranger a la nationalité, les moyens tirés de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions en litige sur la situation personnelle de Mme D...doivent être écartés ;

Sur les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français prises à l'encontre de M.D... :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que M. D...est entré en France récemment, à l'âge de trente-neuf ans ; que son épouse, ainsi qu'il a été dit au point 5, n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans leur pays d'origine ; qu'elle fait donc l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour et d'une mesure d'éloignement dont l'illégalité n'est pas démontrée ; que, par ailleurs, et alors que M. D... n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité d'étranger malade, le certificat médical du 12 juin 2014 produit par le requérant, selon lequel il souffrirait d'une pathologie chronique et invalidante pour laquelle il a un traitement médical et dont il ne peut bénéficier dans son pays d'origine, ne permet pas, compte tenu de sa généralité, d'établir que M. D... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, les décisions en litige n'ont pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, dès lors, les moyens tirés de l'inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

Sur les décisions fixant le pays de destination :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

9. Considérant que les requérants soutiennent qu'ils encourent des risques pour leur sécurité en cas de retour en Géorgie où ils ont subi des menaces et des violences de la part d'individus se présentant comme des policiers, après que M. D... a eu connaissance d'un projet de corruption et d'assassinat fomenté par son supérieur hiérarchique ; que, toutefois, M. et Mme D... n'établissent pas, par leur récit et les pièces produites, le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour en Géorgie ; que, par suite, et alors au demeurant que leurs demandes tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...épouseD..., à M. E... D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

''

''

''

''

4

15NC00329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00329
Date de la décision : 31/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TREAND
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-31;15nc00329 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award