Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Alain Burgy a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 février 2014 par lequel le préfet de la Moselle l'a mise en demeure de gérer 973,72 tonnes de déchets non inertes déposés sur le site de la société KLV Terrassement à Bourgaltroff.
Par un jugement n° 1402149 du 25 mars 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 mai 2015, la SARL Alain Burgy, représentée par la SCP Racine Strasbourg, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402149 du 25 mars 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- la procédure contradictoire n'a pas été respectée ;
- elle n'a pas la qualité de producteur de déchets ;
- elle n'a remis à la société KLV Terrassement que des déchets qu'elle était autorisée à traiter ;
- la décision du préfet est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le préfet était compétent ;
- le préfet n'a pas méconnu la procédure contradictoire préalable ;
- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur de droit ;
- il n'est pas entaché, en ce qui concerne la nature et la quantité des déchets, d'erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société KLV Terrassement exploite une installation de stockage de déchets inertes à Bourgaltroff. Au cours de visites sur place, l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement a constaté la présence illégale de déchets non inertes et a imputé à la SARL Alain Burgy la responsabilité du dépôt de 973,72 tonnes de déchets relevant de cette catégorie.
2. Par un arrêté du 17 février 2014, le préfet de la Moselle l'a mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 541-2 du code de l'environnement qui relève de la législation sur les déchets, de gérer ces 973,22 tonnes de déchets non inertes.
3. La SARL Alain Burgy relève appel du jugement du 25 mars 2015, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 février 2014.
Sur la compétence de l'auteur de l'acte :
4. La SARL Alain Burgy fait valoir que le préfet de la Moselle n'était pas habilité, en l'absence de carence du maire, à prendre la décision du 17 février 2014, et qu'il n'est pas démontré que M. Carton, signataire, bénéficiait d'une délégation régulière.
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 541-3 du code de l'environnement figurant dans un titre relatif à la législation des déchets : " I.-Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. (...) ". L'article L. 541-4 précise notamment que : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent sans préjudice des dispositions spéciales concernant notamment les installations classées pour la protection de l'environnement (...) ".
6. Il résulte des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement, que ces dispositions ont créé un régime juridique destiné à prévenir ou à remédier à toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement causée par des déchets, qui constitue une police spéciale. Ce régime est distinct de celui des installations classées pour la protection de l'environnement qui figure aux articles L. 511-1 et suivants du même code.
7. A ce titre, l'article L. 541-3 confère à l'autorité investie des pouvoirs de police municipale la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent de tels dangers. Ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce que le préfet, en cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, prenne sur le fondement de celle-ci, à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement. En outre, lorsque les déchets sont issus de l'activité d'une installation classée pour la protection de l'environnement, le préfet peut également, pour assurer le respect de l'obligation de remise en état prévue par l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, faire usage des compétences qu'il tire de l'article L. 514-1 du code de l'environnement, à l'encontre de l'exploitant ou du détenteur de l'installation (CE 23 novembre 2011 n° 325 334).
8. Il résulte de l'instruction que par lettre du 22 janvier 2013, le maire de Bourgaltroff a informé le préfet de la Moselle qu'il considérait ne pas disposer "des compétences et moyens nécessaires" et lui a demandé "de mettre en oeuvre l'ensemble des démarches administratives permettant de remédier à cette situation". Aucun texte n'imposait au préfet de mettre en demeure le maire d'exercer les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 541-3 du code de l'environnement avant de constater, comme il l'a fait, la situation de carence du maire. La circonstance que l'inspection des installations classées avait procédé en 2012 à des visites sur le site de la société KLV Terrassement, comme elle en avait la compétence en application de la législation sur les installations classées dont le site relevait, ne suffit pas à démontrer que le préfet avait entendu, dès l'origine, prendre des mesures au titre de la législation sur les déchets et que la carence invoquée ultérieurement par le maire de Bourgaltroff serait un artifice. Dans ces conditions, et face à la carence de l'autorité municipale, le préfet était compétent pour prendre l'arrêté contesté, sur le fondement de la législation applicable aux déchets.
9. En deuxième lieu, par arrêté du 11 avril 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 14 avril 2014, le préfet de la Moselle a délégué sa signature à M. Carton, secrétaire général de la préfecture de la Moselle, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaire, rapports et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Moselle, à l'exception des déclinatoires de compétence, arrêtés de conflit et réquisitions de force armée ".
10. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué, signé par M. Carton, serait entaché du vice d'incompétence, doit être écarté.
Sur le respect de la procédure contradictoire :
11. La société SARL Alain Burgy fait valoir que la procédure n'a pas été contradictoire.
12. Il résulte de l'article L. 541-3 I alinéa 1er précité, que, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et l'informe de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix.
13. La SARL Alain Burgy a été informée, par courrier du 4 février 2013, des faits reprochés et a été invité à présenter ses observations écrites dans un délai de un mois à compter de la réception du courrier. Toutefois, ce courrier ne l'informait pas de la possibilité de se faire assister par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-3 I alinéa 1er.
14. Cependant, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie (CE 23 décembre 2011 n° 335033).
15. Il résulte de l'instruction que par courrier du 1er mars 2013, la SARL Alain Burgy a présenté ses observations. Par ailleurs, il ressort du compte rendu de la réunion du 2 avril 2013 réunissant tous les producteurs de déchets concernés, que la société a pu demander des précisions sur la notion de producteur, et présenter des observations orales. Enfin, la société a été invitée à participer à d'autres réunions, les 22 mai 2013, 18 juillet 2013 et 18 septembre 2013. Par suite, le défaut d'information mentionné au point 13 n'a eu aucune influence sur le sens de la décision prise et la SARL Alain Burgy n'a été privée d'aucune garantie. Le moyen tiré du défaut du contradictoire doit, en conséquence, être écarté.
Sur le bien fondé de l'arrêté du 17 avril 2014 :
S'agissant de la qualité de producteur de déchets :
16. La SARL Alain Burgy soutient qu'elle n'est pas producteur de déchets au sens des dispositions de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement.
17. Aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement : "Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. / Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. (...) ". L'article L. 541-3 du même code prévoit que l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente exerce ses pouvoirs à l'égard du producteur ou du détenteur de déchets.
18. L'article L. 541-1-1 du même code, transposant la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, définit le producteur comme " toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de prétraitement, de mélange ou autres conduisant à un changement de nature ou de composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) " et le détenteur comme le " producteur de déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ".
19. Il résulte de l'instruction que la société SARL Alain Burgy est spécialisée dans le secteur d'activités des travaux de terrassement courants et travaux préparatoires. A ce titre, elle effectue des travaux de démolition et évacue, à la demande des maîtres d'ouvrage, les gravats de chantiers sur lesquels elle intervient. Par suite, la société, qui se borne à recueillir des déchets au cours de ses chantiers et à les transporter jusqu'à un centre de traitement sans procéder à des opérations de nature à conduire à un changement de leur nature ou de leur composition, ne peut être regardée comme un producteur de déchets au sens des dispositions précitées.
20. Toutefois, dès lors que la société SARL Alain Burgy se trouvait en possession de ces déchets, plâtre, brique, bois plastiques souples, terres non triées provenant des chantiers de démolition, la société avait la qualité de détenteur de déchets et était soumise aux obligations des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement. Par suite, en tant que détenteur de déchets, la SARL Alain Burgy est responsable de leur gestion jusqu'à leur élimination ou valorisation finale et est soumise aux obligations des articles L. 541-1 et suivants du code de l'environnement.
S'agissant du caractère et de la quantité des déchets livrés :
21. La SARL Alain Burgy soutient qu'elle n'a remis à la société KLV Terrassement que des déchets autorisés par l'article 2 de l'arrêté du 26 juin 2008 et que la décision du préfet est disproportionnée dès lors que le volume, objet de la mise en demeure, correspond à l'ensemble des déchets déposés.
22. Aux termes de l'article R. 541-8 du code de l'environnement, est un déchet inerte " tout déchet qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante, qui ne se décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n'est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d'une manière susceptible d'entraîner des atteintes à l'environnement ou à la santé humaine ". La société KLV Terrassement à Bourgaltroff n'était autorisée à recevoir sur son site que des " déchets de construction et de démolition triés " et " contenant en faible quantité d'autres types de matériaux tels que des métaux, des matières plastiques, du plâtre, des substances organiques, du bois, du caoutchouc ".
23. Il résulte des factures de la société KLV Terrassement, des bordereaux de suivi de déchets, du courrier du 1er mars 2013 que la société SARL Alain Bugy a livré des déchets de plâtre, briques, bois plastiques, terres non triées provenant de ses chantiers de démolition, le tout livré en mélange sans que puisse être établie la quantité des différents matériaux les composant. Si la société soutient qu'il est disproportionné de mettre à sa charge 973,72 tonnes de déchets, elle ne produit à l'appui de cette allégation aucune justification permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le préfet a mis à la charge de la société SARL Alain Burgy l'élimination de ces 973,72 tonnes.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Alain Burgy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 février 2014.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la SARL Alain Burgy au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Alain Burgy est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Alain Burgy et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 15NC01039