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12/05/2016 | FRANCE | N°15NC01656

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 12 mai 2016, 15NC01656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Soderel Plus a demandé au tribunal administratif de Nancy de lui accorder la restitution des sommes de 6 107 euros, 277 855 euros et 143 165 euros qui lui avaient été initialement versées au titre du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts ainsi que la décharge des majorations de 40 % ayant assorti les rappels d'impôt sur les sociétés consécutifs à la remise en cause de ce crédit d'impôt.

Par un jugement n° 1

302741 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge de ces péna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Soderel Plus a demandé au tribunal administratif de Nancy de lui accorder la restitution des sommes de 6 107 euros, 277 855 euros et 143 165 euros qui lui avaient été initialement versées au titre du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts ainsi que la décharge des majorations de 40 % ayant assorti les rappels d'impôt sur les sociétés consécutifs à la remise en cause de ce crédit d'impôt.

Par un jugement n° 1302741 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge de ces pénalités et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2015, la SARL Soderel Plus, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il porte rejet du surplus de sa demande ;

2°) de lui accorder la restitution des sommes de 6 107 euros, 277 855 euros et 143 165 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de contrôle est entachée de plusieurs irrégularités ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;

- elle a été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire ;

- le vérificateur s'est abstenu de procéder à des investigations qui lui auraient permis de constater l'éligibilité des dépenses ;

- le supérieur hiérarchique du vérificateur a méconnu l'étendue de sa compétence en se croyant lié par l'avis émis par la délégation régionale à la recherche et à la technologie ;

- la remise en cause des crédits d'impôt recherche dont elle avait bénéficié n'est pas fondée dès lors que les différents projets concernés par les dépenses litigieuses doivent être regardés comme des opérations de développement expérimental effectuées au moyen de prototypes en vue de l'amélioration substantielle de produits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre ;

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société à responsabilité limitée (SARL) Soderel Plus a fait l'objet, l'administration fiscale a remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts des dépenses engagées pour 6 107 euros en 2004, 17 018 euros en 2006, 117 075 euros en 2007, 43 762 euros en 2008 et 143 765 euros en 2009 et dont la société a été remboursée au cours des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ; que la SARL Soderel Plus a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés en résultant ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ; que, par jugement du 25 juin 2015, le tribunal a prononcé la décharge de ces pénalités et rejeté les conclusions relatives aux rappels d'impôt ; que la SARL Soderel Plus relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ;

3. Considérant que comme l'ont relevé les premiers juges, la proposition de rectification du 9 décembre 2011 a explicité de manière suffisamment précise, pour permettre à la société requérante d'engager une discussion utile avec l'administration fiscale, les motifs sur lesquelles celle-ci s'est fondée pour remettre en cause l'éligibilité au crédit d'impôt de l'article 244 quater B du code général des impôts des dépenses en litige ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables " ;

5. Considérant que si au cours d'une procédure de vérifications le contribuable doit se voir offrir la possibilité d'avoir avec le vérificateur un débat oral et contradictoire portant sur les constatations opérées lors de ce contrôle, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec lui-même, soit avec ses conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations de contrôle se sont déroulées à la demande de la requérante dans les locaux du siège de la société mère Soderel ; qu'il y a lieu, par suite, de présumer l'existence d'un débat oral et contradictoire ; que la proposition de rectification du 9 décembre 2011 révèle, sans que la requérante le conteste, que plusieurs entretiens se sont déroulés dans ces locaux entre le vérificateur et la représentante de la contribuable ; que la société requérante ne soutient pas que le vérificateur se serait refusé au cours de ces différents entretiens à un échange de vues avec la représentante de la société ; qu'il s'ensuit que la SARL Soderel Plus n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration. " ;

8. Considérant qu'il appartient à l'administration de veiller au respect des garanties énoncées dans cette charte ; qu'en vertu du paragraphe 5 du chapitre III de celle-ci, le contribuable vérifié peut, lorsque le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, saisir l'inspecteur principal pour obtenir, si nécessaire, des éclaircissements supplémentaires sur ces redressements ; que si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, le contribuable peut faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ; que ces dispositions assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis, le cas échéant, dans un second temps, avec un fonctionnaire de l'administration fiscale de rang plus élevé ; que ces garanties doivent pouvoir être exercées par le contribuable dans des conditions ne conduisant pas à ce qu'elles soient privées d'effectivité ;

9. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et, en particulier, des motifs de la décision du 3 décembre 2012 portant rejet du recours hiérarchique de la société requérante que le supérieur hiérarchique du vérificateur se serait cru lié par l'avis émis par la direction régionale de la recherche et de la technologie et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa propre compétence ;

10. Considérant, en dernier lieu, que la société requérante reproche au vérificateur l'absence d'investigations ; qu'il lui était cependant loisible tout au long de la procédure de contrôle et en particulier à l'appui des observations qu'elle a présentées en réponse à la notification de la proposition de rectification d'adresser au vérificateur tous les éléments de nature à justifier, selon elle, de l'éligibilité des dépenses en litige ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies,44 sexies A,44 septies,44 octies,44 octies A,44 decies,44 undecies et 44 duodecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts: " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ;

12. Considérant que pour justifier de l'éligibilité des dépenses litigieuses, la société requérante soutient que les différents projets tendant à la réalisation d'une colonne de dégazage, d'une machine à fabriquer des écrous en permaglas et de machines dites " catalogue " doivent être regardés comme des opérations de développement expérimental effectuées au moyen de prototypes en vue de l'amélioration substantielle de produits ;

13. Considérant, toutefois, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction et, en particulier, du dossier technique fourni par la société requérante que la réalisation d'une machine de remplissage de liquide de frein comportant une colonne de dégazage en pirex permettant de contrôler l'écoulement de ce liquide n'a pas consisté en la simple utilisation de l'état de techniques existantes ; que la circonstance que l'expert mandaté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie a estimé que le projet de même nature mené par une autre société du groupe présentait un caractère innovant et était éligible au crédit d'impôt recherche demeure sans incidence ; qu'en l'absence d'amélioration substantielle au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'éligibilité des dépenses de 6 107 euros et 17 018 euros ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction et, en particulier, des plans, croquis, photographies et du descriptif technique du dossier fourni par la société requérante que le projet de machine à fabriquer des écrous en permaglas n'a pas découlé d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes ; qu'en l'absence d'amélioration substantielle au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, la société requérante, alors même que cette machine répondrait à la définition du prototype donnée par les instructions du 21 janvier 2000 4 A-1-00 et du 9 mars 2011 4 A-411, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'éligibilité des dépenses de 117 075 euros ;

15. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas plus de l'instruction que les machines dites " catalogue " dont le dossier fourni par la requérante révèle qu'il s'est agi de réaliser, à un coût réduit, des machines de remplissage de liquide de frein nécessitant un encombrement réduit tout en disposant de caractéristiques techniques proches des équipements industriels utilisés dans les lignes de montage des constructeurs automobiles, n'a pas découlé d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes ; qu'en l'absence d'amélioration substantielle au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'éligibilité des dépenses de 143 762 euros et 143 165 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Soderel Plus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SARL Soderel Plus demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Soderel Plus est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Soderel Plus et au ministre des finances et des comptes publics.

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N° 15NC01656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01656
Date de la décision : 12/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL VILLERS-LES-NANCY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-12;15nc01656 ?
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