Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Laquenexy a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Faust, M. E...et la société Socotec à lui payer la somme de 26 910 euros toutes taxes comprises (TTC), dont 80 % à la charge de la société Faust, 15 % à la charge de M. E...et 5 % à la charge de la société Socotec en réparation des désordres affectant le revêtement du sol du centre socioculturel " Aux quatre vents ".
Par un jugement n° 1005374 du 4 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, condamné la société Faust à verser à la commune de Laquenexy une somme de 21 528 euros TTC en réparation des désordres affectant le revêtement du sol du centre socioculturel " Aux quatre vents " et une somme de 10 144,96 euros au titre des frais d'expertise, et a, d'autre part, condamné M. E...à verser à la commune de Laquenexy une somme 1 345,50 euros en réparation des désordres affectant le revêtement du sol du centre socioculturel " Aux quatre vents " et une somme de 634,06 euros au titre des frais d'expertise.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 août 2014, le 9 avril 2015 et le 17 septembre 2015, la Sarl Faust, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juin 2014 en tant qu'il condamne la société Faust ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Laquenexy ;
3°) de rejeter l'appel en garantie de M.E... dirigé contre la Sarl Faust ;
4°) de condamner la société Socotec à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
5°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la commune de Laquenexy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le désordre affectant le revêtement du sol n'est pas de nature décennale dès lors que ce dommage ne rend pas le centre socioculturel impropre à sa destination ;
- le centre socioculturel a été exploité de manière continue depuis 2002 ;
- les désordres affectent des éléments d'équipement dissociables du bâtiment ;
- les désordres sont apparus après l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement ;
- la responsabilité des constructeurs ne peut pas être recherchée après la réception des travaux ;
- les cloques apparues sur le revêtement du sol trouvent leur origine dans une infiltration d'eau qui ne peut être imputée à la Sarl Faust mais relève uniquement de la responsabilité de l'architecte et du bureau de contrôle Socotec à qui il appartenait de rappeler à l'entreprise de vérifier le support avant la pose du revêtement et de le contrôler ; l'entrepreneur ne saurait être tenu pour responsable d'une infiltration d'eau survenue plus de deux ans après la pose du revêtement ;
- la demande de la commune de Laquenexy tendant à l'indemnisation des pertes d'exploitation du centre socioculturel est dépourvue de fondement juridique et n'est pas chiffrée ;
- le préjudice subi par la commune n'est pas justifié ; il n'est pas nécessaire de reprendre l'intégralité du revêtement ;
- subsidiairement, si sa responsabilité devait être retenue, il conviendrait de procéder à un partage égalitaire de responsabilité entre l'entreprise, M. E...et la société Socotec.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2014, la commune de Laquenexy, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Sarl Faust sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Faust n'ayant présenté aucun moyen d'appel contre le jugement, sa requête est irrecevable ;
- la demande de la commune devant le tribunal est recevable ;
- les irrégularités de surface affectant le revêtement du sol rendent l'ouvrage impropre à sa destination compte tenu de leur importance et de leur très grand nombre ; ces désordres relèvent de la garantie décennale ;
- en raison de ces désordres, elle n'a pu exploiter que partiellement le centre socioculturel ;
- des désordres sont imputables à la société Faust, qui n'a pas vérifié le taux d'humidité du sol avant de poser le revêtement, et au maître d'oeuvre et au contrôleur technique qui n'ont pas exercé leur mission de contrôle ;
- le montant du préjudice subi est justifié, y compris en ce qui concerne les frais d'expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2014, M.E..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la Sarl Faust et de la commune de Laquenexy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. E...conclut également par la voie de l'appel incident à la réformation du jugement et à ce qu'il soit mis hors de cause ; subsidiairement, il demande que les sociétés Faust et Socotec soient condamnées solidairement à le garantir des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; très subsidiairement, il demande à ce que sa responsabilité soit limitée à 5 % des dommages subis par la commune.
Il soutient que :
- les désordres constatés sur le revêtement ne rendent pas l'ensemble de l'immeuble impropre à sa destination ;
- le revêtement de sol est un élément d'équipement dissociable de l'immeuble ; le délai de la garantie biennale de bon fonctionnement était expiré à la date de survenue des désordres ;
- en tout état de cause, il n'a commis aucune faute permettant de lui imputer ces désordres ; seule l'erreur d'exécution des travaux en est à l'origine ;
- subsidiairement, la condamnation doit être prononcée hors taxes.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 juillet 2015 et le 25 janvier 2016, la société Socotec, représentée par MeH..., conclut au rejet de la requête d'appel de la Sarl Faust, au rejet de l'appel incident de M. E...et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Faust, de M. E...et de la commune de Laquenexy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal l'a mise hors de cause ;
- subsidiairement, les désordres affectant le revêtement du sol du centre socioculturel ne relèvent pas de la garantie décennale dès lors qu'ils ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination ;
- très subsidiairement, les conclusions de la Sarl Faust tendant à ce qu'elle soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre présentées pour la première fois en appel sont irrecevables ; la société Faust et M. E...doivent être condamnés solidairement à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- le contrôleur technique n'est tenu qu'à un contrôle visuel des travaux.
Un mémoire présenté par la Société Mutuelle d'Assurances (SMA) venant aux droits de la SMABTP, représentée par Me F..., a été enregistré le 27 août 2015 par lequel elle conclut à l'annulation du jugement, au rejet de la demande de la commune de Laquenexy et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Laquenexy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; subsidiairement, elle demande que la cour prononce un partage de responsabilité entre la société Faust, M. E...et la société Socotec.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que, en cas de rejet au fond de l'appel principal présenté par la société Faust, les conclusions d'appel provoqué présentées par M.E..., par la société Socotec et par la SMA seront irrecevables.
Un mémoire, enregistré le 6 avril 2016, a été présenté par MeA..., pour M.E..., en réponse au moyen soulevé d'office par la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,
- les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la commune de Laquenexy, de
MeF..., représentant la SMA et de MeG..., représentant la société Socotec.
Sur la responsabilité
1. Considérant que la commune de Laquenexy a décidé de faire construire un centre socioculturel ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée par un contrat du 16 février 2000 à un groupement composé de M.C..., architecte et mandataire du groupement, du BET Sogecli Fluides et de M. E..., architecte économiste de la construction ; que la mission de contrôle technique et la coordination des travaux ont été confiés à la société Socotec ; que les travaux ont été scindés en plusieurs lots, dont le lot n°8 " revêtement de sols " a été confié à la Sarl Faust par un acte d'engagement du 13 octobre 2000 ; que les travaux ont été réceptionnés le 3 septembre 2002 ; que le 17 octobre 2003, des cloques importantes ont été constatées sur le revêtement du sol du centre socioculturel ; que le 4 avril 2007, la commune de Laquenexy a saisi le président du tribunal administratif de Strasbourg en vue de la désignation d'un expert, lequel a rendu son rapport le 18 mai 2009 ; que la commune a ensuite demandé, sur le fondement de la responsabilité décennale, la condamnation de la Sarl Faust, de M. E...et de la société Socotec à l'indemniser des conséquences de ces désordres ; que par un jugement du 4 juin 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la Sarl Faust à verser une somme de 21 528 euros correspondant à 80 % du montant des travaux de reprise du revêtement, a condamné M. E... à verser une somme de 1 345,50 euros correspondant à 5 % du montant des travaux, a mis la société Socotec hors de cause et, enfin, a rejeté les appels en garantie présentés par la Sarl Faust, la société Socotec, la société SMABTP et M.E... ;
En ce qui concerne la nature des désordres :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le revêtement souple des sols du centre socioculturel a présenté des cloques en de nombreux endroits dans la grande salle, la salle de réunion et la petite salle d'activité ; que si la commune a continué à utiliser ces salles, ces désordres ont limité de façon significative leur utilisation et obligé la commune à prendre de nombreuses précautions en délimitant et en interdisant les périmètres dangereux pour éviter les chutes et accidents, particulièrement pour les enfants et les personnes âgées ; qu'il ressort du rapport d'expertise que le décollement du revêtement résulte de l'humidité contenue dans le béton du dallage qui ne s'était pas évaporée avant la pose du revêtement, la société Faust n'ayant pas attendu que le matériau soit totalement sec pour procéder aux travaux ; que ces désordres ont rendu nécessaires des travaux de reprise consistant en la dépose complète des revêtements de sol souples collés dans les différentes salles, la reprise du ragréage et la pose collée d'un nouveau revêtement après vérification du taux d'humidité du support ; que compte tenu de leur origine et de leur étendue, ces décollements, qui ne portent pas sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage, ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination et relèvent de la garantie décennale à la charge des constructeurs ;
En ce qui concerne l'imputabilité :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. E..., architecte économiste de la construction qui avait pour mission le suivi de la bonne exécution des travaux, n'a pas relevé l'erreur commise par la société Faust, laquelle a posé le revêtement souple sur un support qui n'était pas totalement sec ; que la faute imputable à M. E...au titre du défaut de surveillance des travaux ne présente toutefois qu'un caractère secondaire par rapport aux fautes d'exécution imputables à la Sarl Faust ; que, dans ces conditions, la Sarl Faust n'est pas fondée à soutenir c'est à tort que le tribunal lui a imputé 80 % de ces désordres au titre de la garantie décennale des constructeurs, a mis à sa charge 80 % du montant des frais d'expertise et a rejeté ses conclusions tendant à ce que M. E...soit condamné à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Lanquenexy et par la société Socotec, que les conclusions susvisées de la société Faust tendant par la voie de l'appel principal à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 juin 2014 doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées par M.E... :
5. Considérant que les conclusions de M. E...tendant à être déchargé de la condamnation prononcée contre lui au profit de la commune de Laquenexy par le jugement attaqué et au rejet de l'appel en garantie de la société Faust ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux ; que la situation de M. E...ne pouvant pas être aggravée par l'appel principal de la Sarl Faust qui est rejeté par le présent arrêt, ses conclusions d'appel incident contre la société Faust ne sont pas recevables ; qu'en outre, le présent arrêt rejetant, ainsi qu'il est dit au point 6, les conclusions présentées par la SMA, assureur de la société Faust, tendant à ce que M. E...soit condamné à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, l'intéressé n'est pas non plus recevable à demander, par la voie de l'appel provoqué, l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions présentées par la société SMA :
6. Considérant que la société SMA, assureur de la Sarl Faust, venant aux droits de la société SMABTP, appelle en garantie M. E... et la société Socotec ; que le présent arrêt rejetant les conclusions présentées par M. E...et la société Socotec, ces conclusions d'appel provoqué sont irrecevables ; que, par suite, et sans même qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité au regard de la qualité pour agir de l'assureur, les conclusions de la société SMA ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées par la société Socotec :
7. Considérant que le présent arrêt rejetant les conclusions présentées respectivement par la Sarl Faust et par la SMA, son assureur, tendant à ce que la société Socotec soit condamnée à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre, cette dernière n'est pas recevable à demander, par la voie de l'appel provoqué, l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Laquenexy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Sarl Faust, M.E..., la société SMA et la société Socotec demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la Sarl Faust respectivement une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Laquenexy et la société Socotec et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la Sarl Faust est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées, selon le cas, par la voie de l'appel incident ou de l'appel provoqué, par M.E..., par la société Socotec et par la société SMA sont rejetées.
Article 3 : La Sarl Faust versera une somme de 1 500 euros à la commune de Laquenexy et une somme de 1 500 euros à la société Socotec au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Faust, à M.E..., à la société Socotec, à la société SMA et à la commune de Laquenexy.
''
''
''
''
2
N° 14NC01603