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10/05/2016 | FRANCE | N°15NC00619

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 10 mai 2016, 15NC00619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 18 novembre 2011 par laquelle le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations du Haut-Rhin lui a attribué un taux d'indemnité spéciale de sujétion de 78 % au titre de l'année 2011, ainsi que la décision du 11 juin 2012 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a rejeté son recours formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1203615 du 12 février 2015, le tri

bunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 18 novembre 2011 par laquelle le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations du Haut-Rhin lui a attribué un taux d'indemnité spéciale de sujétion de 78 % au titre de l'année 2011, ainsi que la décision du 11 juin 2012 par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a rejeté son recours formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1203615 du 12 février 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril 2015 et 10 mars 2016, Mme E...D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 février 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 18 novembre 2011 et du 11 juin 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 18 novembre 2011 est entachée d'incompétence dès lors que son supérieur hiérarchique n'a pas respecté le délai prévu par la note de service du 8 septembre 2011 ;

- cette décision a été prononcée sans qu'elle ait été mise à même de présenter ses observations et de demander communication de son dossier, en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- elle a été prise avant l'entretien professionnel du 20 mars 2012, en méconnaissance de l'article 16 du décret du 28 juillet 2010 ;

- la décision contestée a pour objet de la sanctionner après qu'elle a refusé de signer de faux certificats ;

- les insuffisances professionnelles, le manque de motivation et les difficultés relationnelles qui lui sont reprochées ne sont pas établis ;

- la décision du 11 juin 2012 rejetant son recours hiérarchique est entachée d'incompétence, faute pour son auteur de justifier d'une délégation de signature régulière ;

- ce dernier s'est estimé à tort en situation de compétence liée au regard de l'avis rendu par la commission administrative paritaire ;

- la décision du 11 juin 2012 est fondée sur des faits matériellement inexacts ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2000-240 du 13 mars 2000 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- l'arrêté du 6 décembre 2002 pris en application du décret n° 2000-240 du 13 mars 2000 relatif à l'attribution d'une indemnité spéciale de sujétions à certains agents du ministère chargé de l'agriculture ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant MeA..., pour MmeD....

1. Considérant que MmeD..., inspecteur en chef de la santé publique vétérinaire, a été affectée le 1er avril 2011 dans les services de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations du Haut-Rhin, en qualité de chef du service de la santé et de la protection animale et de l'environnement ; que, par une décision du 18 novembre 2011, le directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations a fixé à 78 % le taux de modulation de l'indemnité spéciale de sujétion attribuée à Mme D...au titre de l'année 2011 ; que, par une décision du 11 juin 2012, le ministre de l'agriculture a rejeté le recours administratif formé par l'intéressée contre la décision fixant son taux d'indemnité ; que Mme D...relève appel du jugement du 12 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des deux décisions des 18 novembre 2011 et 11 juin 2012 ;

Sur la légalité externe des décisions contestées :

2. Considérant, en premier lieu, que si la note de service du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire du 8 septembre 2011 relative au recueil des propositions de modulation de primes pour l'année 2011 invite les chefs de service à procéder à la saisine informatique de leurs propositions avant le 30 septembre 2011, la date limite ainsi fixée n'est pas prescrite à peine de nullité des décisions d'attribution des primes ; qu'ainsi, Mme D...ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance de la note de service sur ce point ; qu'au demeurant, le ministre soutient sans être contredit que le supérieur hiérarchique de l'intéressée a procédé à la saisine informatique de la proposition de modulation la concernant dans le délai prescrit ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que par une décision du 4 novembre 2011, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française le 13 novembre 2011, modifiant une décision du 26 janvier 2009 elle-même régulièrement publiée le 31 janvier 2009, MmeB..., chef du bureau des personnels de catégorie A et des agents contractuels a reçu délégation du ministre de l'agriculture pour signer, à l'exclusion des décrets, tous arrêtés, actes ou décision dans la limite des attributions du bureau ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 11 juin 2012 rejetant le recours gracieux de Mme D...serait entachée d'incompétence doit être écarté ;

4. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte d'aucun texte législatif ou réglementaire, ni d'aucun principe, que les agents susceptibles de bénéficier d'une prime qui tient compte de leur manière de servir doivent être mis à même de présenter leurs observations préalablement à la décision de l'administration d'en fixer le taux ou de la refuser ; que les agents n'ayant aucun droit à bénéficier de l'attribution ou d'un certain taux d'une telle prime, cette décision, alors même qu'elle est prise en considération de la personne de l'intéressé, n'est pas au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que celui-ci ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier ;

Sur la légalité interne des décisions contestées :

5. Considérant, en premier lieu, que MmeD..., dont l'entretien d'évaluation relatif à l'année 2011 n'a eu lieu que le 20 mars 2012, soutient que son supérieur hiérarchique a fixé, le 18 novembre 2011, le taux de modulation de son indemnité spéciale de sujétion en méconnaissance de l'article 16 du décret susvisé du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat, aux termes duquel : " Lorsque des régimes indemnitaires prévoient une modulation en fonction des résultats individuels ou de la manière de servir, ces critères sont appréciés par le chef de service au vu du compte rendu de l'entretien professionnel " ; que toutefois, il résulte de l'article 26 du décret du 28 juillet 2010 que les dispositions précitées de l'article 16 de ce décret ne s'appliquent qu'aux évaluations afférentes aux activités postérieures au 1er janvier 2012 ; que par suite, le moyen précité doit être écarté comme inopérant ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 13 mars 2000 relatif à l'attribution d'une indemnité spéciale de sujétions à certains agents du ministère chargé de l'agriculture : " Les fonctionnaires appartenant aux corps des vétérinaires inspecteurs et les préposés sanitaires des services vétérinaires en fonctions au ministère chargé de l'agriculture peuvent bénéficier d'une indemnité spéciale de sujétions (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " Les montants moyens annuels de l'indemnité spéciale de sujétions sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la fonction publique et du budget. / Le montant de l'indemnité effectivement perçu par un agent au titre d'une année déterminée (...) est déterminé d'une part en fonction des contraintes liées au service d'affectation et au niveau de responsabilité et d'autre part en fonction de la manière de servir " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'entretien d'évaluation afférent à l'année 2011 et du rapport établi le 20 mai 2012 par l'ingénieur général chargé de l'appui aux personnes et aux structures, que le supérieur hiérarchique de Mme D...a fixé à 78 % le taux de modulation de son indemnité spéciale de sujétion aux motifs que l'intéressée montrait une réticence à participer à la mise en place du dispositif " assurance qualité " et présentait des insuffisances dans l'exercice de la fonction d'encadrement, ainsi que des difficultés relationnelles avec les partenaires extérieurs du service ; que le courriel du 27 janvier 2012 par lequel le chargé de mission " assurance qualité " pour les régions d'Alsace et de Lorraine a félicité l'ensemble des membres de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations du Haut-Rhin à la suite de l'audit conduit les deux jours précédents n'est pas de nature à contredire l'appréciation portée sur l'insuffisante implication de Mme D...dans la mise en place du dispositif précité ; que les deux courriels adressés le 17 juillet 2012 par le directeur général adjoint de l'alimentation et par l'adjoint au sous-directeur de la santé et de la protection animale du ministère de l'agriculture, remerciant la requérante pour sa diligence dans le traitement d'une situation urgente signalée par l'administration centrale, ne se rapportent pas à sa manière de servir au cours de l'année 2011 ; que les appréciations très favorables portées notamment sur ses compétences juridiques se rapportent à ses aptitudes professionnelles au cours de son détachement au ministère de l'intérieur, avant qu'elle ne réintègre son corps d'origine le 1er avril 2011, et ne sauraient non plus contredire l'appréciation portée sur sa manière de servir dans le cadre de ses nouvelles fonctions ; que si Mme D...soutient avoir demandé à effectuer des astreintes au sein du service, à être nommée en qualité de " personne ressource " en matière juridique et à être autorisée à prendre l'attache d'autorités extérieures au service, ces demandes ne sont pas de nature à contredire le manque de motivation qui lui a été reproché par son supérieur hiérarchique dans l'exercice de ses fonctions d'encadrement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les compétences en droit administratif et en droit pénal de Mme D...auraient été insuffisamment prises en compte pour la fixation du taux de sa prime alors que, dans le compte-rendu d'évaluation précité, son supérieur hiérarchique a considéré qu'elle en avait la maîtrise ; que Mme D...ne saurait se prévaloir d'une appréciation erronée ou insuffisante de sa maîtrise des " techniques spécifiques " qui, selon le même compte rendu, ne sont pas requises du titulaire du poste qu'elle occupait ; qu'il n'est pas établi que l'absence de carte professionnelle l'aurait gênée dans l'exercice de ses fonctions au cours de l'année 2011, ou que l'administration ne lui aurait fixé aucun objectif lors de sa prise de poste ou au cours des mois suivants ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que la requérante a eu notamment un entretien le 1er septembre 2011 avec son supérieur hiérarchique, en présence de l'ingénieur général de l'appui aux personnes et aux structures, afin d'évoquer les difficultés qu'elle a rencontrées dans le cadre de ses fonctions ; que si, par un arrêté du 7 septembre 2012, le ministre chargé de l'agriculture a attribué à Mme D...une réduction d'ancienneté d'un mois en se référant à sa notation de l'année 2011, cette circonstance à elle seule, eu égard à ce qui vient d'être dit, est sans incidence sur la légalité des décisions litigieuses ; que, par suite, les moyens tirés de ce que ces décisions seraient fondées sur des faits matériellement inexacts ou seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

8. Considérant, en troisième lieu, que Mme D...soutient que le taux de son indemnité a été réduit au motif qu'elle a, le 7 novembre 2011, refusé d'appliquer une instruction transmise le même jour par la direction générale de l'alimentation, relative à l'établissement de certificats sanitaires pour l'exportation de bovins à destination de la Turquie, et qu'elle avait considérée comme manifestement illégale ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les reproches portant sur sa manière de servir et sur lesquels l'administration s'est fondée pour retenir le taux d'indemnité litigieux ont été adressés à la requérante dès le 1er septembre 2011 au moins, au cours de l'entretien évoqué au point précédent ; que ces reproches ont donné lieu à un courrier de rappel à l'ordre établi le 6 septembre 2011 par son supérieur hiérarchique ; que dans ces conditions, eu égard en outre à ce qui a été dit au point 7, Mme D...n'établit pas qu'elle aurait fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée et ne saurait, par suite, se prévaloir d'une méconnaissance des règles de la procédure disciplinaire ;

9. Considérant, en dernier lieu, que s'il est fait référence, dans la décision du 11 juin 2012, à l'avis de la commission administrative paritaire du 24 mai 2012 proposant de rejeter le recours administratif formé par Mme D...à l'encontre de la décision du 18 novembre 2011 fixant le taux de son indemnité spéciale de sujétion, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment aux termes dans lesquels est rédigée cette décision, que le ministre de l'agriculture se serait estimé à tort en situation de compétence liée pour rejeter le recours de la requérante ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

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N° 15NC00619


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00619
Date de la décision : 10/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DHIVER
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP LEBON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-05-10;15nc00619 ?
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