La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2016 | FRANCE | N°15NC02298

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 28 avril 2016, 15NC02298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL CNF a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du 18 décembre 2014 par laquelle le conseil municipal de Saulxures-sur-Moselotte a décidé d'acquérir par voie de préemption les parcelles AB 79 et 80 situées 20 avenue Victor Hugo.

Par un jugement n° 1500248 du 22 septembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 18 décembre 2014.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 18 novembre 2015 sous le

n° 15NC02298 et des mémoires de production des 8 et 15 mars 2016, la commune de Saulxures-sur-Mos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL CNF a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la délibération du 18 décembre 2014 par laquelle le conseil municipal de Saulxures-sur-Moselotte a décidé d'acquérir par voie de préemption les parcelles AB 79 et 80 situées 20 avenue Victor Hugo.

Par un jugement n° 1500248 du 22 septembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 18 décembre 2014.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 18 novembre 2015 sous le n° 15NC02298 et des mémoires de production des 8 et 15 mars 2016, la commune de Saulxures-sur-Moselotte, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500248 du 22 septembre 2015 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de rejeter la demande de la SARL CNF ;

3°) de mettre à la charge de la SARL CNF une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Saulxures-sur-Moselotte soutient que :

- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors que notamment il a été omis de répondre à certains de ses moyens en défense et de faire mention des conclusions et du mandataire de la commune ;

- le tribunal a méconnu son office en jugeant de l'opportunité de la décision et non de sa légalité ;

- le tribunal a commis une erreur de fait ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal est erroné dès lors que la commune justifiait de l'existence d'un projet antérieurement à la délibération du 18 décembre 2014 susceptible de fonder la préemption litigieuse ;

- les autres moyens présentés par la SARL CNF devant le tribunal ne sont pas fondés notamment dès lors que l'opération présente un caractère d'intérêt général pour la commune.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2016 et des mémoires de production des 2 et 23 mars 2016, la SARL CNF conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saulxures-sur-Moselotte au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL CNF soutient que le motif d'annulation de la délibération retenu par le tribunal est fondé et que d'autres moyens justifient l'annulation de la délibération du 18 décembre 2014 au nombre desquels :

- la méconnaissance des règles de convocation et d'information des membres du conseil municipal ;

- la méconnaissance de la règle de transmission de la déclaration prévue à l'article R. 213-6 du code de l'urbanisme ;

- le non respect du délai d'un mois pour informer le greffier du tribunal de la décision de préempter ;

- l'insuffisante motivation de la délibération ;

- le caractère intéressé d'un élu du conseil municipal en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- l'incompétence de la commune à mener les opérations ayant justifié la préemption ;

- l'illégalité de la préemption faute de justifier l'intérêt général qui s'attacherait à l'opération ;

- le détournement de pouvoir qui entache la délibération d'illégalité ;

II. Par une requête enregistrée le 27 novembre 2015 sous le n° 15NC02343, la commune de Saulxures-sur-Moselotte, représentée par Me B...demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n° 1500248 du 22 septembre 2015 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) de mettre à la charge de la SARL CNF une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2016, la SARL CNF conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saulxures-sur-Moselotte au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la commune ne justifie pas de l'habilitation du maire à présenter la requête en sursis à exécution et que les moyens soulevés par la commune de Saulxures-sur-Moselotte ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la commune de Saulxures-sur-Moselotte et de Me A...pour la SARL CNF.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL CNF a été déclarée adjudicataire de l'ensemble immobilier situé sur les parcelles AB 79 et 80 (bâtiments dits de l'ex-EDF) pour un prix de 60 000 euros lors de la vente aux enchères par adjudication organisée le 5 décembre 2014. Par une délibération du 18 décembre 2014, le conseil municipal de la commune de Saulxures-sur-Moselotte a décidé d'exercer son droit de préemption sur ces parcelles. La commune de Saulxures-sur-Moselotte relève appel du jugement du 22 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 18 décembre 2014.

2. Les requêtes susvisées concernent un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la requête n° 15NC02298 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Le tribunal a annulé la délibération du 18 décembre 2014 au motif que la commune de Saulxures-sur-Moselotte ne justifiait pas de la réalité d'un projet particulier pour les parcelles visées par la préemption litigieuse préalablement à l'adoption de cette délibération.

4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement (...) " et aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations ".

5. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date.

6. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Saulxures-sur-Moselotte a choisi d'engager une action volontariste pour préserver l'attractivité commerciale de son centre ville et diversifier l'offre de logements dans sa commune, compte tenu du caractère inadapté de l'offre foncière et locative préexistante aux besoins des seniors et des jeunes ménages. Il ressort ainsi des comptes rendus de la commission communale dédiée au suivi de cette politique que l'un de ses axes d'intervention consiste à racheter des biens immobiliers pour les restructurer et les adapter aux besoins de locataires potentiels à des fins commerciales ou à usage d'habitation ainsi que l'illustre le cas de l'immeuble dit Vincendon destiné à la démolition-réhabilitation aux fins d'y reconstituer des cellules commerciales à louer.

7. Il résulte également des termes de la délibération du 18 décembre 2014 que la préemption concerne un ensemble immobilier que deux adjoints au maire ont visité le 12 novembre 2014 tant pour sa partie commerciale que pour sa partie immobilière, soit plus d'un mois avant l'adoption de la délibération contestée.

8. La commune se prévaut enfin du " séminaire " réunissant les membres de son conseil municipal le 29 novembre 2014 au cours duquel les grands principes des orientations communales précitées ont été déclinés sous forme d'une présentation " Constats-orientations-projets ", l' " acquisition du bâtiment EDF et la sauvegarde d'une vitrine " étant lui-même précisément cité dans l'ordre du jour du séminaire comme projet spécifique à mener dans le chapitre relatif à " la politique communale en matière de développement commercial ".

9. Dans ces conditions, il apparaît que la décision de préemption s'insère dans une politique menée par la commune depuis plusieurs années en vue de préserver l'attractivité commerciale de son centre-ville et diversifier l'offre de logements dans sa commune, ce qu'énonce la délibération du 18 décembre 2014 qui reprend l'exposé de la plupart de ces éléments pour expliquer les raisons qui motivent la préemption litigieuse.

10. La commune de Saulxures-sur-Moselotte est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de ce qu'elle ne justifiait pas, à la date de cette délibération, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

11. A ce stade de l'examen du litige, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL CNF tant devant le tribunal administratif de Nancy que devant la cour à l'encontre de la délibération du 18 décembre 2014, afin de déterminer si un de ces moyens est de nature à justifier l'annulation de cette délibération.

En ce qui concerne les autres moyens de la SARL CNF :

12. En premier lieu, la SARL CNF soutient que la délibération est entachée du vice d'incompétence au regard des compétences déléguées par la commune de Saulxures-sur-Moselotte à un établissement public de coopération intercommunale.

13. En application de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'une commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées pour l'exercice du droit de préemption urbain.

14. La circonstance que la commune appartienne à une communauté de communes compétente en matière de politique locale de l'habitat, de services à la population et de développement économique, n'est pas en soi de nature à entacher la délibération d'illégalité dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est pas établi ni même allégué que la commune aurait délégué l'exercice du droit de préemption sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré du vice d'incompétence ne peut dès lors qu'être écarté.

15. En deuxième lieu, la SARL CNF soutient qu'il appartient à la commune de justifier du respect des règles de convocation. Elle fait également valoir que les conseillers municipaux ont été convoqués, aux termes de l'ordre du jour présenté dans la convocation qu'ils ont reçue, pour avoir le compte rendu des décisions prises par le maire dans le cadre des compétences exercées par délégation du conseil municipal évoquées à l'article L. 2121-22 du code général des collectivités territoriales alors que l'exercice du droit de préemption reste une prérogative du conseil municipal de Saulxures-sur-Moselotte et que dans ces conditions, les conseillers municipaux n'ont pas été régulièrement informés de l'objet de la délibération litigieuse.

16. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée ". Aux termes de l'article L. 2121-11 du même code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion " et aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

17. Il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux ont été convoqués conformément aux dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, la circonstance que la convocation ait fait une référence maladroite à l'exercice du droit de préemption par le maire alors qu'il s'agissait pour eux de statuer sur l'opportunité d'exercer le droit de préemption sur l'ensemble immobilier de l' " ex EDF " n'est pas, en l'espèce, de nature à caractériser une méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales dès lors que les conseillers municipaux connaissaient les tenants et aboutissants de l'opération envisagée, qu'ils ont effectivement été amenés à en délibérer ce qu'ils ont pu faire en toute connaissance de cause malgré la présentation qui en a été faite par l'ordre du jour reçu avec leur convocation. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-10 et suivants du code général des collectivités territoriales doit, dès lors, être écarté.

18. En troisième lieu, la SARL CNF fait valoir que la consultation du service des domaines n'a pas été effectuée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 213-15 du code de l'urbanisme qui énonce que " les ventes soumises aux dispositions de la présente sous-section doivent être précédées d'une déclaration du greffier de la juridiction ou du notaire chargé de procéder à la vente faisant connaître la date et les modalités de la vente. Cette déclaration est établie dans les formes prescrites par l'arrêté prévu par l'article R. 213-5. / Elle est adressée au maire trente jours au moins avant la date fixée pour la vente par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie électronique dans les conditions prévues par le I de l'article 5 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005. La déclaration fait l'objet des communications et transmissions mentionnées à l'article R. 213-6. / (...) ".

19. Aux termes de l'article R. 213-6 du même code : " Dès réception de la déclaration, le maire en transmet copie au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques en lui précisant si cette transmission vaut demande d'avis. / (...)Les transmissions visées aux deux alinéas précédents, qui peuvent être effectuées par voie électronique, indiquent la date de l'avis de réception postal, du premier des accusés de réception ou d'enregistrement délivré en application du I de l'article 5 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ou de la décharge de la déclaration ". Aux termes de l'article R. 215-21 du même code : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Dans les zones d'aménagement différé les périmètres provisoires de zone d'aménagement différé et dans les secteurs ayant fait l'objet de la délibération prévue par le dernier alinéa de l'article L. 211-4, le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être consulté, quel que soit le prix figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner. L'avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition. Les dispositions du présent article s'appliquent également aux propositions faites en application des articles L. 211-5 et L. 212-3 ". L'arrêté du 17 décembre 2001 modifiant l'arrêté du 5 septembre 1986 relatif aux opérations immobilières poursuivies par les collectivités et organismes publics fixe le montant auquel il est fait référence à l'article R. 213-21 à 75 000 euros.

20. Il résulte de ces dispositions que si la déclaration du greffier de la juridiction ou du notaire chargé de procéder à une vente par adjudication entrant dans le champ des articles précités du code de l'urbanisme doit donner lieu à la transmission au service des domaines, ce dernier n'est consulté de façon obligatoire aux fins d'émettre, dans un délai d'un mois, un avis sur le prix des biens dont l'acquisition est envisagée que lorsque le montant en cause excède 75 000 euros.

21. Par ailleurs, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

22. Il ressort des pièces du dossier que les immeubles litigieux ont été mis à prix à 50 000 euros et que la commune a proposé de les acquérir au prix de la dernière enchère fixée à 60 000 euros. S'il n'est pas justifié par la commune de Saulxures-sur-Moselotte de la transmission de la déclaration au directeur départemental des finances publiques, cette irrégularité, n'a toutefois eu aucune incidence sur le sens de la décision litigieuse et n'a privé les membres du conseil municipal ou le bénéficiaire de la saisie de l'immeuble mis aux enchères d'aucune garantie, compte tenu de l'absence de caractère obligatoire de l'avis du service des domaines. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 213-6 du code de l'urbanisme ne peut ainsi qu'être écarté.

23. En quatrième lieu, la SARL CNF fait valoir que la délibération est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme qui énonce que " toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé ".

24. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du 18 décembre 2014 indique les raisons pour lesquelles l'acquisition des biens litigieux apparaît souhaitable à la commune et que le local commercial et les logements préexistants seront restructurés afin d'être proposés à nouveau à la location dans des conditions de nature à satisfaire la demande, notamment par la mise aux normes des bâtiments réalisée aux frais de la commune et la proposition de baux à prix adaptés. Le moyen tiré de la méconnaissance des exigences de motivation posées à l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme doit, par suite, être écarté.

25. En cinquième lieu, la SARL CNF ne produit aucun élément précis et probant de nature à établir que la délibération litigieuse aurait été adoptée en présence d'un conseil municipal intéressé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. Ce moyen, à supposer même qu'elle ait entendu s'en prévaloir dès lors qu'il n'est évoqué que dans le cadre de ses développements relatifs au détournement de pouvoir dont la délibération serait entachée, ne peut dès lors qu'être écarté.

26. En sixième lieu, la SARL CNF soutient que la commune ne justifie pas avoir transmis sa décision de préempter les immeubles litigieux dans le délai d'un mois fixé à l'article R. 213-15 du code de l'urbanisme.

27. L'article R. 213-15 du code de l'urbanisme dispose que " le titulaire dispose d'un délai de trente jours à compter de l'adjudication pour informer le greffier ou le notaire de sa décision de se substituer à l'adjudicataire. / La substitution ne peut intervenir qu'au prix de la dernière enchère ou de la surenchère. / La décision de se substituer à l'adjudicataire est notifiée au greffier ou au notaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie électronique dans les conditions prévues par le I de l'article 5 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005. / Copie de cette décision est annexée au jugement ou à l'acte d'adjudication et publiée au fichier immobilier en même temps que celui-ci ".

28. A l'appui de ce moyen, la SARL CNF fait valoir que la commune ne justifie pas de ce qu'elle a informé le greffier de sa décision de se substituer à l'adjudicataire dans le délai de trente jours ouvert à compter de l'adjudication du 5 décembre 2014.

29. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la commune a transmis la délibération du 18 décembre 2014 par une lettre du 24 décembre 2014 qui est parvenue au greffier du tribunal de grande instance d'Epinal le 26 décembre 2014, soit avant l'expiration du délai d'un mois qui lui était laissé par les dispositions de l'article R. 213-15 précité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut ainsi qu'être écarté.

30. En septième lieu, la SARL CNF soutient que la commune de Saulxures-sur-Moselotte ne justifie pas de l'intérêt général qui s'attache à l'opération, notamment dès lors que son propre projet répondait aux besoins auxquels la commune a souhaité satisfaire par la préemption litigieuse et que de nombreux terrains, logements et cellules commerciales dont la commune a la maîtrise foncière sont disponibles sur son territoire.

31. Il résulte de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme que la mise en oeuvre du droit de préemption urbain doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant (CE du 6 juin 2012 n° 342328).

32. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Saulxures-sur-Moselotte souhaite acquérir les bâtiments " ex EDF " pour un prix global de 66 902,22 euros afin d'y restructurer et donner à bail non seulement les logements préexistants en vue de répondre à la demande locale des jeunes ménages qui ne trouvent pas de logements adaptés à leurs besoins dans le parc privé ou celui de Vosgelis, mais également un local commercial et de le donner à bail, notamment pour une activité de restauration rapide pour laquelle la commune a reçu une demande de location de bien immobilier.

33. La SARL CNF ne justifie pas du caractère erroné des principaux motifs avancés par la commune et tenant notamment au manque de locaux commerciaux susceptibles d'être rapidement mis à disposition à des loyers abordables après restructuration et mise aux normes du bâtiment et à l'insuffisance de l'offre locative accessible aux jeunes ménages. Par ailleurs, la circonstance que la commune ait mis en vente certains lots du lotissement communal, qu'elle ait décliné l'offre d'acquisition d'acquérir un immeuble de 20 appartements pour l'Euro symbolique de la part de Vosgelis ou qu'elle dispose d'un immeuble dit Vincendon dans lequel des cellules commerciales doivent être aménagées ne suffit pas à établir que l'opération de préemption litigieuse qui concerne un bien immobilier destiné à produire des loyers qui est situé au centre ville près d'une pharmacie et du parking des écoles et dont le prix d'acquisition n'apparaît pas excessif ne répond pas à un intérêt général suffisant.

34. Ce moyen doit ainsi être écarté.

35. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préemption litigieuse a été décidée pour des motifs étranger à la réalisation des objectifs mentionnés dans la délibération sur le fondement des dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme alors même que le maire de la commune a clairement fait état à plusieurs reprises de ce que le projet envisagé par la SARL CNF ne lui convenait pas, notamment dès lors que cela aurait impliqué l'ouverture d'une deuxième boulangerie et aurait fragilisé l'installation de la boulangerie nouvellement installée dans la commune. Par ailleurs, la SARL CNF ne produit aucun élément probant de nature à établir que l'objectif de la commune serait de rétrocéder à un élu du conseil municipal le bien préempté. Le moyen tiré de ce que la commune ne poursuit aucun motif d'intérêt général et que la délibération litigieuse est entachée de détournement de pouvoir doit, par suite, être écarté.

36. En conclusion de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, la commune de Saulxures-sur-Moselotte est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du 18 décembre 2014.

Sur la requête n°15NC02343 :

37. Dès lors que la cour statue par le présent arrêt sur la requête de la commune de Saulxures-sur-Moselotte tendant à l'annulation du jugement du 22 septembre 2015 du tribunal administratif de Nancy, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

38. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saulxures-sur-Moselotte qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL CNF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

39. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la SARL CNF le paiement de la somme de 1 500 euros à la commune de Saulxures-sur-Moselotte au titre des frais que celle-ci a exposés pour son recours au juge.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1500248 du 22 septembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SARL CNF devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 15NC02343 tendant au sursis à l'exécution du jugement du 22 septembre 2015 du tribunal administratif de Nancy.

Article 4 : La SARL CNF versera à la commune de Saulxures-sur-Moselotte une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CNF et à la commune de Saulxures-sur-Moselotte.

''

''

''

''

6

N° 15NC02298, 15NC02343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC02298
Date de la décision : 28/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-04-28;15nc02298 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award