Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... E..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de son fils mineur A...E..., H...D...F...et M. B...E...ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Besançon et la société CNA Insurance Company Limited, son assureur, à leur verser la somme totale de 896 639,72 euros en réparation des préjudices consécutifs à la prise en charge de M. G... E...le 24 janvier 2010.
Par un jugement n° 1301067 du 14 novembre 2014, le tribunal administratif de Besançon a condamné le centre hospitalier universitaire de Besançon à réparer les préjudices subis par les requérants en limitant à la somme de 12 140 euros le montant total de l'indemnité mise à la charge de l'établissement de santé.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2015, M. G... E..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de son fils mineur A...E..., H...D...F...et M. B... E..., représentés par la SCP d'avocats Leinster - Wisniewski - Mouton, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Besançon du 14 novembre 2014 ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire de Besançon et la société CNA Insurance Company Limited, son assureur, à verser la somme de 893 692,27 euros à M. G... E..., la somme de 4 000 euros à chacun de ses enfants Kevin etA..., et la somme de 16 472 euros à sa compagne H...D...F..., en réparation des préjudices résultant de la prise en charge du requérant le 24 janvier 2010 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon et de la société CNA Insurance Company Limited la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les retards fautifs imputables au centre hospitalier universitaire de Besançon dans le diagnostic et la prise en charge du syndrome de la queue de cheval affectant M. E...sont à l'origine pour ce dernier d'une perte de chance d'éviter les séquelles dont il reste atteint, évaluée à 80 % ;
- aucune dépense de santé n'est restée à la charge de la victime ;
- M. E...subit un préjudice évalué à 1 854,14 euros à raison des frais exposés parH... F... pour se rendre auprès de lui ;
- les frais d'hôtellerie et de restauration pendant ces visites s'établissent à 900 euros ;
- les frais engagés pour se rendre à l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux doivent être fixés à 450 euros ;
- l'assistance par une tierce personne, apportée avant la consolidation de l'état de santé de la victime, s'établit à 7 305 euros ;
- les pertes de gains professionnels temporaires sont évaluées à 10 400 euros ;
- les dépenses de santé futures, les frais d'aménagement du logement et les frais d'acquisition d'un véhicule adapté sont réservés en fonction de l'évolution de l'état de santé du requérant ;
- les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle s'établissent respectivement à 784 378 euros et à 80 000 euros ;
- les frais d'acquisition d'un fauteuil roulant sont évalués à 4 000 euros ;
- le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire et les souffrances subis par la victime s'établissent respectivement à 6 472 euros, à 35 000 euros et à 96 000 euros ;
- son déficit fonctionnel permanent, son préjudice sexuel, son préjudice d'agrément et son préjudice esthétique permanent doivent être fixés à 54 000 euros, à 95 000 euros, à 100 000 euros et à 70 000 euros ;
- H...F...a subi une perte de revenus de 4 341 euros ;
- son préjudice d'affection et son préjudice sexuel s'établissent chacun à 10 000 euros ;
- les deux enfants de M. E...ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence qui doivent être évalués pour chacun à 5 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2015, et un mémoire enregistré le 24 septembre 2015, le centre hospitalier universitaire de Besançon et la société CNA Insurance Company Limited, représentés par la SCP Normand et Associés, concluent au rejet de la requête et à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a alloué une indemnisation de 2 720 euros à M. E....
Ils font valoir que :
- les dépenses de santé exposées par la caisse du régime social des indépendants lui ont été remboursées, ainsi qu'il ressort de la quittance d'indemnisation du 13 juin 2013 aux termes de laquelle ladite caisse renonce à toute action en justice ;
- les frais de déplacement, d'hôtellerie et de restauration ne sont pas établis ;
- les frais engagés par le requérant pour se rendre à l'expertise, évalués à 300 euros par les premiers juges, ne sont pas établis ;
- ni l'assistance par une tierce personne, ni la nécessité d'un fauteuil roulant ne sont justifiés ;
- les pertes de gains professionnels actuels ne sauraient excéder la somme de 8 005,79 euros ;
- les pertes de gains professionnels futurs ne sont pas établis ;
- l'incidence professionnelle subie par le requérant ne saurait être évaluée à un montant supérieur à 28 000 euros, soit le montant de l'indemnité versée par l'assureur de l'établissement de santé ;
- les dépenses relatives à l'adaptation du logement et du véhicule ne sont pas justifiées ;
- le déficit fonctionnel temporaire, total et partiel, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire de la victime doivent être évalués, au plus, à 4 500 euros, 7 500 euros et 2 800 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel de la victime doivent être évalués, au plus, à 45 900 euros, 1 500 euros, 7 000 euros et 8 000 euros ;
- il n'est pas établi que les pertes de revenus subies par H...F...seraient imputables à la faute reprochée au centre hospitalier ;
- le préjudice moral et le préjudice sexuel de l'intéressée ne sauraient excéder la somme, respectivement, de 5 000 euros et de 7 000 euros ;
- le préjudice moral subi par chacun des deux enfants de la victime ne saurait excéder la somme de 4 000 euros.
L'organisme mutualiste " Muti " a été mis en demeure par un courrier du 30 avril 2015, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de M. E...et de Me C...pour le centre hospitalier universitaire de Besançon et la société CNA Insurance Company Limited.
Une note en délibéré présentée par M. E...a été enregistrée le 3 mars 2016.
1. Considérant que M.E..., né le 18 septembre 1967, a été transporté en urgence au centre hospitalier de Montbéliard le 24 janvier 2010, en fin de matinée, à la suite de vives douleurs lombaires et d'une paresthésie du gros orteil du pied gauche ; qu'une sciatique paralysante ayant été diagnostiquée, il a été pris en charge, le même jour à 17 heures 30, par le service de neurochirurgie du centre hospitalier universitaire de Besançon ; que le neurochirurgien de garde a alors confirmé le diagnostic de hernie discale tout en différant l'intervention chirurgicale rendue nécessaire par cet état ; que l'état de santé de M. E...s'étant dégradé dans la nuit suivant son hospitalisation, un syndrome dit de la queue de cheval a été diagnostiqué le 25 janvier 2010 à 7 heures ; que l'intéressé a subi une intervention chirurgicale le même jour à 13 heures 30 pour le traitement de la hernie discale et du syndrome ; que M.E..., qui est resté atteint de séquelles invalidantes à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Besançon, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de la Franche-Comté qui, par un avis du 26 juin 2012, a admis qu'une partie des préjudices de l'intéressé était imputable à l'établissement de santé ; qu'à la suite de cet avis, la caisse du régime social des indépendants a conclu le 13 juin 2013 avec la société CNA Insurance Company Limited, assureur du centre hospitalier, une transaction aux termes de laquelle cette caisse a perçu une somme de 39 272,63 euros correspondant aux frais exposés pour le compte de son assuré et a, en contrepartie, renoncé à rechercher en justice la responsabilité du centre hospitalier et de son assureur à raison des dommages en lien avec la prise en charge de M. E... le 24 janvier 2010 ; qu'en outre, la société CNA Insurance Company Limited a versé à M. E... et à sa compagne, H...F..., à titre de provision sur le montant des futures réparations, les sommes d'un montant non contesté, respectivement, de 97 535,33 euros et de 3 000 euros ; que M. E...et H...F..., qui s'estiment insuffisamment indemnisés, et les deux fils de M. E...ont saisi le tribunal administratif de Besançon en vue d'obtenir la condamnation du centre hospitalier universitaire de Besançon à leur verser, respectivement, les sommes de 793 639,72 euros, de 87 000 euros et, pour chacun des deux enfants, de 8 000 euros ; qu'ils relèvent appel du jugement du 14 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Besançon a limité le montant des réparations à 2 720 euros pour M.E..., 5 600 euros pour H...F...et 1 600 euros pour chacun des deux fils de M. E... et demandent à la cour de rehausser le montant des réparations mises à la charge de l'établissement de santé ; que, par la voie d'un appel incident, le centre hospitalier et son assureur demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il a alloué une indemnisation de 2 720 euros à M.E... ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté en appel, qu'aucune faute n'est imputable au centre hospitalier universitaire de Besançon dans la prise en charge et le traitement de la sciatique paralysante de M.E..., à l'origine d'un déficit au niveau des vertèbres lombaires L5 S1 ; qu'en revanche, le retard fautif dans la prise en charge du syndrome de la queue de cheval diagnostiqué chez M. E...a fait perdre à celui-ci une chance d'échapper au dommage résultant de ce syndrome ou à l'aggravation dudit dommage, dans une proportion évaluée par les premiers juges, et non contestée par les parties, à 80 % ;
Sur l'évaluation des préjudices de M. E...:
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé devant la commission régionale d'indemnisation des accidents médicaux, que si la sciatique paralysante de M. E...aurait été, en tout état de cause, à l'origine d'une incapacité temporaire totale du 25 janvier au 28 février 2010, puis d'une incapacité temporaire partielle évaluée à 10 % du 1er mars au 31 août 2010, le syndrome de la queue de cheval a eu pour effet de prolonger la période d'incapacité totale jusqu'au 25 juin 2010, et d'aggraver l'incapacité partielle de l'intéressé évaluée à 50 % du 25 juin au 30 octobre 2010 et à 30 % du 1er novembre 2010 au 3 octobre 2011, date retenue par les experts pour la consolidation de l'état de santé ; que M. E...reste affligé d'un déficit fonctionnel permanent évalué par les experts au taux global de 37 %, incluant un taux de 10 % se rapportant à la sciatique paralysante et un taux de 27 % imputable aux suites du syndrome de la queue de cheval ;
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires :
4. Considérant, en premier lieu, que M. E...demande l'indemnisation des pertes de revenus professionnels qu'il estime avoir subis à raison de l'incapacité temporaire totale et partielle imputable à la prise en charge défectueuse de son syndrome de la queue de cheval ; que, d'une part, il résulte de l'instruction que la micro-entreprise de M.E..., qui avait pour activité la vente de friandises auprès de grands distributeurs, a été placée en redressement judiciaire le 7 juillet 2009, six mois avant son hospitalisation ; que si M. E...soutient que son état de santé, à compter du 1er mars 2010, l'aurait empêché de remettre un plan de redressement au mandataire judiciaire, avant que son entreprise ne soit liquidée par un jugement du tribunal de commerce du 16 mars 2010, les éléments qu'il produit à l'instance ne sont pas de nature à justifier du contenu d'un tel plan ; qu'à cet égard, le projet de contrat de licence avec la société Olympique de Marseille, qui aurait permis à M. E... d'utiliser, pour les saisons 2010 - 2011 et 2011 - 2012, l'emblème du club sportif marseillais pour la vente de friandises, ne suffit pas à justifier des perspectives de rétablissement économique de son entreprise ; que l'attestation établie le 1er mars 2016 par le responsable " marketing produits " de la société Olympique de Marseille ne fait état d'aucune négociation qui aurait été engagée entre M. E... et le club sportif avant 2012 ; qu'il en est de même de l'attestation établie le 8 août 2013 par ce même responsable qui mentionne que les pourparlers relatifs à la négociation de ce contrat ont seulement été engagés à compter du premier trimestre 2012, postérieurement à la consolidation de l'état de santé de M.E..., et n'ont pas abouti en raison de l'impossibilité de recontacter l'intéressé au début de l'année 2013 ; ; que par suite, la demande présentée par M. E... en vue d'obtenir l'indemnisation de ses pertes de revenus ne peut être accueillie ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que s'il ressort du rapport d'expertise précité qu'aucune aide rétribuée n'a été apportée à M. E...au cours de sa convalescence, ce dernier soutient avoir bénéficié de l'assistance de sa compagne, H...F... ; que la circonstance que l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 3, que la faute reprochée au centre hospitalier universitaire de Besançon a eu pour effet de prolonger l'incapacité temporaire totale de M. E...du 1er mars au 25 juin 2010 ; que pendant cette période, le requérant, pris en charge par le centre de réadaptation fonctionnelle d'Héricourt, soutient sans être contredit avoir bénéficié de sorties au cours de six week-end, pendant lesquelles sa compagne l'assistait pour les actes de la vie courante ; qu'en revanche, si M. E...soutient avoir eu besoin de l'aide de sa compagne après le 25 juin 2010, il n'est pas établi, eu égard notamment à l'incapacité partielle dont il restait atteint, que son état de santé aurait encore nécessité une telle assistance ; qu'ainsi, le coût de l'assistance d'une tierce personne doit être évalué, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales afférentes, pour l'emploi d'un salarié à domicile, sur la base d'un coût horaire de 13 euros, à raison de huit heures pour chacune des douze journées pendant lesquelles le requérant a bénéficié d'une sortie entre le 1er mars et le 25 juin 2010 ; que par suite, M. E..., dont le préjudice s'établit à 1 248 euros, a droit, compte tenu de l'ampleur de la chance perdue, à l'allocation d'une somme de 998,40 euros ;
6. Considérant, en troisième lieu, que M. E...n'établit pas la réalité des frais qu'aurait exposés H...F...afin de lui rendre visite pendant son séjour au centre de réadaptation fonctionnelle d'Héricourt du 10 février 2010 au 25 juin 2010 ; qu'au surplus, alors qu'il n'allègue pas avoir lui-même pris en charge ces frais, seule H...F...pourrait en demander réparation au centre hospitalier ; que les éléments produits à l'instance ne sont pas de nature non plus à établir que des frais d'hôtellerie et de restauration seraient restés à la charge de M.E... ;
7. Considérant, en dernier lieu, que M. E...s'est rendu à Lyon pour les besoins des opérations de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, ainsi qu'il ressort du rapport rendu au terme de ces opérations ; que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation de ces frais en les évaluant à 300 euros et en allouant à M.E..., eu égard au taux de perte de chance, la somme de 240 euros ;
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents :
8. Considérant, en premier lieu, que s'il ressort du rapport d'expertise déposé devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que M.E..., dont l'état est consolidé à la date du 3 octobre 2011, éprouve une gêne dans les activités nécessitant la station debout prolongée, la marche prolongée et le port de charges lourdes, les auteurs de ce rapport précisent que l'intéressé n'a subi aucune perte d'autonomie et n'a pas besoin d'un appareillage lourd ; que dans ces conditions, il n'est pas établi que M. E...ne pourrait se déplacer sur de longues distances qu'au moyen d'un fauteuil roulant ; que, par suite, la demande présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. E...a repris une activité professionnelle à compter du 1er décembre 2010, dans le commerce tenu par sa compagne, puis a créé une nouvelle micro-entreprise le 1er avril 2011 ; que si le requérant a, au cours du premier trimestre 2012, engagé des pourparlers avec la société Olympique de Marseille pour l'utilisation de l'emblème du club sportif à des fins commerciales, il ressort de l'attestation établie le 8 août 2013, ainsi qu'il a été dit au point 4, que ces pourparlers n'ont pas abouti en raison de l'impossibilité pour la société de recontacter l'intéressé au début de l'année 2013, plus d'un an après sa consolidation ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que les pertes de revenus alléguées pour la période postérieure à la consolidation de l'état de santé de M. E... seraient imputables à la faute de l'établissement de santé ;
10. Considérant, en dernier lieu, que les experts désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ont relevé que la sciatique paralysante et le syndrome de la queue de cheval étaient à l'origine, chez M.E..., d'une gêne dans les activités professionnelles nécessitant la station debout prolongée, la marche prolongée et le port de charges lourdes ; que, d'une part, si M. E... ne peut être regardé comme étant dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle du fait des séquelles dont il reste atteint, celles-ci sont de nature à augmenter la pénibilité de l'activité professionnelle de micro-entrepreneur exercée par l'intéressé, voire à obliger ce dernier à envisager une reconversion ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'âge de M. E...et aux séquelles dont il reste atteint, l'incidence professionnelle subie par le requérant doit être évaluée à 55 000 euros ; que, d'autre part, les experts évaluent à 70 % la part des séquelles imputables au syndrome pris en charge dans des conditions défectueuses par le centre hospitalier ; qu'ainsi, le montant du préjudice imputable à la faute de l'établissement de santé s'établit à 38 500 euros ; qu'eu égard en outre à l'ampleur de la chance perdue par M.E..., fixée à 80 %, le montant des réparations à la charge du centre hospitalier s'établit à 30 800 euros ;
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
11. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, que la faute reprochée au centre hospitalier universitaire de Besançon a eu pour effet de prolonger l'incapacité temporaire totale de M. E...du 1er mars au 25 juin 2010 et d'aggraver son incapacité partielle évaluée à 50 % du 25 juin au 30 octobre 2010 et à 30 % du 1er novembre 2010 au 3 octobre 2011 ; qu'eu égard à la durée de ces périodes d'incapacité et aux taux d'incapacité supportés par M. E...au cours de ces périodes, le déficit fonctionnel temporaire qu'il a subi doit être évalué à 5 500 euros ; que, compte tenu de l'ampleur de la chance perdue par l'intéressé, la réparation à la charge du centre hospitalier ne saurait excéder la somme de 4 400 euros ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que le préjudice esthétique temporaire subi par M. E..., évalué à 3,5 sur une échelle de 0 à 7 par les experts, doit être évalué à la somme de 3 500 euros et réparé, compte tenu du taux de perte de chance, par l'allocation d'une somme de 2 800 euros ;
13. Considérant, en dernier lieu, que le pretium doloris subi par M. E..., évalué à 3,5 sur une échelle de 0 à 7 par les experts qui ont tenu compte des souffrances psychologiques de l'intéressé, doit être évalué, dans les circonstances de l'espèce, à la somme de 10 000 euros et réparé, compte tenu du taux de perte de chance, par l'allocation d'une somme de 8 000 euros ;
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux permanents :
14. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du rapport d'expertise que M. E...reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 37 %, incluant un taux de 27 % imputable à la prise en charge fautive du syndrome de la queue de cheval ; qu'eu égard à ce taux de 27 % et à l'âge de l'intéressé à la date de consolidation, le préjudice résultant du déficit fonctionnel permanent doit être évalué au montant de 45 000 euros ; que compte tenu de l'ampleur de la chance perdue par M. E..., celui-ci peut prétendre à une réparation de 36 000 euros ;
15. Considérant, en deuxième lieu, que M. E... demande la réparation de son préjudice sexuel, dont les experts précisent qu'il résulte du seul retard fautif dans la prise en charge du syndrome ; que, dans les circonstances de l'espèce, ce chef de préjudice doit être évalué à 10 000 euros et, compte tenu du taux de perte de chance, justifie une réparation d'un montant de 8 000 euros ;
16. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas contesté que M. E...exerçait plusieurs activités sportives et de loisir avant son hospitalisation, notamment avec ses enfants, tels que le football, la randonnée, le cyclisme et le jardinage ; que, d'une part, le préjudice d'agrément subi par le requérant, attesté par les experts, doit être évalué, dans les circonstances de l'espèce, à 15 000 euros ; que, d'autre part, les experts évaluent à 70 % la part de ce préjudice imputable au syndrome pris en charge dans des conditions fautives par le centre hospitalier, permettant de fixer le montant de cette part à 10 500 euros ; qu'eu égard à l'ampleur de la chance perdue par M.E..., celui-ci ne saurait prétendre à une indemnisation supérieure à 8 400 euros ;
17. Considérant, en dernier lieu, que le préjudice esthétique permanent subi par M. E..., évalué à 1 sur une échelle de 0 à 7 par les experts, doit être évalué à la somme de 1 000 euros et réparé, compte tenu du taux de perte de chance, par l'allocation d'une somme de 800 euros ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...ne saurait prétendre à une indemnisation totale supérieure à 100 438,40 euros ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressé a obtenu de l'assureur du centre hospitalier, à titre de provision, une somme globale de 97 535,33 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ; qu'ainsi, M. E...a droit à une indemnisation complémentaire de 2 903,07 euros ; que, dans ces conditions, il est seulement fondé à soutenir que le montant des réparations mises à la charge du centre hospitalier par les premiers juges doit être porté de 2 720 euros à 2 903,07 euros ;
Sur l'évaluation des préjudices de H...F...:
19. Considérant, en premier lieu, que, pas plus en appel que devant les premiers juges, H...F...n'établit que les pertes de revenus qu'elle allègue avoir subies au cours de l'année 2010 présenteraient un lien avec la prise en charge de M. E...par le centre hospitalier ;
20. Considérant, en second lieu, que H...F...justifie avoir subi un préjudice moral du fait des souffrances subies par son compagnon, ainsi qu'un préjudice sexuel, qu'il y a lieu d'évaluer, respectivement, à 5 000 euros et à 8 000 euros ; que, compte tenu du taux de chance perdue, le montant total de l'indemnisation à la charge du centre hospitalier s'établit à 10 400 euros ; qu'eu égard enfin à la provision d'un montant de 3 000 euros versée par l'assureur du centre hospitalier à H...F..., celle-ci est seulement fondée à demander que la condamnation du centre hospitalier prononcée par les premiers juges soit portée du montant de 5 600 euros à celui de 7 400 euros ;
Sur l'évaluation des préjudices des deux fils de M. E...:
21. Considérant que les premiers juges ont procédé à une évaluation insuffisante du préjudice moral subi par A...E..., représenté par son père, et par M. B...E..., respectivement âgés de 12 et 18 ans au moment des faits, en fixant le montant de ce préjudice, pour chacun d'entre eux, à 2 000 euros ; qu'il y a lieu de porter ce montant à 5 000 euros et, compte tenu de l'ampleur de la chance perdue par M.E..., d'allouer à chacun de ses deux fils la somme de 4 000 euros, ainsi que le demandent les requérants ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Besançon et la société CNA Insurance Company Limited ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'établissement de santé à verser une somme de 2 720 euros à M. E...; qu'en revanche les requérants sont fondés à demander que le montant des indemnités allouées par le tribunal administratif de Besançon en réparation de leurs préjudices soit porté de 2 720 euros à 2 903,07 euros pour M. E..., de 5 600 euros à 7 400 euros pour H...F...et de 1 600 euros à 4 000 euros pour chacun des deux fils de M. E...;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Besançon est condamné à verser à M. G...E...en son nom propre est portée de 2 720 euros à 2 903,07 euros (deux mille neuf cent trois euros et sept centimes).
Article 2 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Besançon est condamné à verser à M. G...E...agissant au nom de son fils mineur A...E...est portée de 1 600 euros à 4 000 euros (quatre mille euros).
Article 3 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Besançon est condamné à verser à H...D...F...est portée de 5 600 euros à 7 400 euros (sept mille quatre cents euros).
Article 4 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Besançon est condamné à verser à M. B...E...est portée de 1 600 euros à 4 000 euros (quatre mille euros).
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1301067 du 14 novembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le centre hospitalier universitaire de Besançon versera à M. E...en son nom propre et agissant au nom de son fils mineur A...E..., à H...F...et à M. B...E...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête et l'appel incident du centre hospitalier universitaire de Besançon sont rejetés.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E..., àH... D...F..., à M. B... E..., à M. A...E..., au centre hospitalier universitaire de Besançon, à la société CNA Insurance Company Limited, à l'organisme mutualiste " Muti " et au régime social des indépendants du Doubs.
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N° 15NC00060